Kill Me Again (Kill me Sarah, Kill me AGAIN with love...)
(Chroniques égocentriques : The Soundtrack Of Your Life)
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jeudi, juillet 31, 2003


La grosse basse de Peter Hook qui gronde, la voix d'outre tombe de Ian Curtis. Un rythme qui enfle. Des mots, des sons qui déchirent l'atmosphère. Envie de cette chanson, là, tout de suite, maintenant. Envie de l'écouter fort. Plaisirs connus...

"So this is permanence, love's shattered pride.
What once was innocence, turned on its side.
A cloud hangs over me, marks every move,
Deep in the memory, of what once was love.

Oh how I realised how I wanted time,
Put into perspective, tried so hard to find,
Just for one moment, thought I'd found my way.
Destiny unfolded, I watched it slip away.

[...]Now that I've realised how it's all gone wrong,
Gotta find some therapy, this treatment takes too long.
Deep in the heart of where sympathy held sway,
Gotta find my destiny, before it gets too late. "

Joy Division : Twenty four hours


Kill Me Sarah | 14:20 |




Le temps est au gris depuis quelques jours. Comme si l'été s'en allait déjà sur la pointe des pieds laissant le champ libre à l'automne. Le temps passe si vite que même les saisons ne suivent plus. Tu aimes l'automne avec ses couleurs et ses atmosphères mystérieuses. Tu aimes l'automne lorsqu'il abrite tes amours, tu l'aimes moins lorsqu'il ne renvoie que ta solitude et le craquement des feuilles mortes sous tes pieds un dimanche après-midi sur les quais de l'île Saint Louis. C'est sûrement pour cela que tu n'es pas pressé de le voir arriver cette année.

L'outre monde que tu as laissé derrière toi t'envoie parfois des signaux, comme des ectoplasmes d'un passé trop vite terminé. Tu n'es pas prêt, tu ne sais pas si tu réussiras à y retrouver une place. L'outre monde te tente et t'effraye en même temps.
Encore une fois, tu voudrais trouver les mots, les notes justes, pour émouvoir le monde et pour une dérisoire recherche de reconnaissance. Mais comme le dit Raymond Chandler, il te manque certainement "le noyau dur de l'égoïsme nécessaire à qui veut exploiter pleinement son talent". A condition d'en avoir bien sur. Du talent. Parce qu'égoïste, ça, tu l'es certainement.
Il y a des matins comme aujourd'hui, où des tristesses enfouies se réveillent et te rongent, sans savoir ce qui a provoqué ça. Petit à petit, tu as l'impression de fermer tes portes, une à une. Dérisoire repli sur soi même.

" Father McKenzie writing the words of a sermon that no one will hear
No one comes near
Look at him working. Darning his socks in the night when there's nobody there
What does he care?

All the lonely people
Where do they all come from?
All the lonely people
Where do they all belong?"

The Beatles : Eleonor Rigby

Kill Me Sarah | 09:59 |


mardi, juillet 29, 2003


Via Remue.net.

Extrait du livre de Youssef Ishaghpour sur Mark Rothko, "Rothko - une absence d'image: lumière de la couleur", Farrago, mai 2003.

"Rothko se plaignait que "les gens parlent seulement de sérénité", à propos de ses tableaux, tandis qu'une "description plus juste" serait "sérénité au bord de l'explosion". "A ceux qui pensent que mes peintures sont sereines, [je dois dire] que j'ai enfermé la violence la plus extrême dans chaque centimètre carré de leur surface. Bien que je ne me sois pas servi des moyens physiques d'émotion et de mouvement... Car c'était ainsi l'unique chemin par lequel je pouvais atteindre la plus grande intensité: le tragique irréconciliable de la violence qui gît à la base de l'existence humaine et de la vie de tous les jours, qui a affaire avec elle."



"She can take the dark out of the nighttime
And paint the daytime black."

Bob Dylan : She belongs to me

Mark Rothko : Red, white and brown

Kill Me Sarah | 23:26 |




11 juillet 2003, les Stones à l'olympia par François Bon.

Les Stones au stade de france par David Scrima : ici et ici.

Kill Me Sarah | 16:38 |




Déjà minuit. Où passe tout ce temps qui défile sans que tu en fasses quelque chose? Dans quels mots futiles va-t-il se perdre?
Tu as décidé de prendre des cours de piano à la rentrée. Décidé. Ca te fait sourire. Ca doit bien faire 3 ou 4 ans que tu as "décidé" que tu allais enfin apprendre le piano. Pour finalement ne rien faire...

"walk down alameda brushing off the nightmare you wish
could plague me when i'm awake
and now you see your first mistake was thinking that you could relate
for one or two minutes she liked you
but the fix is in
you're all pretension
i never pay attention
nobody broke your heart
you broke your own because you can't finish what you start"

Elliot Smith : Alameda

Kill Me Sarah | 00:15 |


dimanche, juillet 27, 2003

"Je veux te remercier pour la chaleur, la douceur. La douceur inespérée. Vit-on pour autre chose que se blottir contre cette chaleur, une épaule où reposer sa tête, un torse qui vous accueille, un ventre où déposer un baiser ? Vit-on pour autre chose que ces moments où les cuirasses tombent, où le sang cogne aux tempes, où les cheveux collent à la nuque, où la peau tressaille, où la fragilité est la plus grande ?"
Philippe Besson : En l'absence des hommes

Kill Me Sarah | 20:57 |




Via Plasticbag.org

Des chercheurs australiens émettent l'hypothèse que la masturbation réduirait les risques de cancer de la prostate.
Et bien si cela se confirme, tu ne dois pas risquer grand chose de ce coté là en ce moment...

Kill Me Sarah | 08:49 |


samedi, juillet 26, 2003

Lu hier soir dans En l'absence des hommes de Philippe Besson :

"Devrions-nous faire l'amour comme si c'était la dernière fois, puisque cela peut être la dernière fois, c'est-à-dire avec une énergie décuplée par le désespoir et la volonté ardente, jusqu'au-boutiste d'être dans ce bonheur-là de la communion des corps ? Je dis : nous devrions toujours faire l'amour comme si c'était la première fois, c'està-dire avec la fébrilité et la ferveur de ceux qui n'ont jamais connu ce moment, et la chance insolente des débutants.

Mais comment retrouver l'innocence du commencement, la belle frénésie des toutes premières heures et la virginité perdue ? Comment ignorer les gestes qu'on connaît désormais, le corps de l'autre qu'on a appris peu à peu ? Je dis : il faut se trouver dans la disposition à être surpris, désemparé, émerveillé, et puis être capable d'étonner l'autre, encore. C'est quelque chose qui est possible, qui est nécessaire. L'habitude porterait en elle une blessure mortelle.

[...] C'est une nuit occupée aussi de nos silences. Les silences sont un rythme, une respiration. Ils ajoutent une signification supplémentaire à ce qui est dit. Ils aident à supporter l'énorme violence parfois de ce qui est dit. Ils permettent de continuer à prononcer des paroles. Ils sont le moment de l'échange des regards. Et contiennent nos douleurs et nos rémissions, notre peine et notre rédemption. Ce sont des silences religieux, je veux dire : des silences comme ceux des églises. Nous avons la ferveur des communiants, leur gravité. Bien sûr, il ne faudrait pas que ces instants eussent une telle solennité. Il faudrait que tout fût simple. Mais la simplicité ne serait envisageable que dans la désincarnation."


Encore une fois, après Son frère et L'arrière saison, l'écriture limpide et émouvante de Philippe Besson te ravit. Les chapitres 11,12 et 13 d'En l'absence des hommes sont à ce titre particulièrement remarquables.



Kill Me Sarah | 21:16 |


vendredi, juillet 25, 2003

Ta fille est repartie avec sa mère tout à l'heure. Et du coup ce soir, ça te semble tout vide ici... Ca peut paraître normal mais ça ne te fait pas ça d'habitude...

"i’ve got blonde on blonde
on my portable stereo
it’s a lullabye
from a giant golden radio"

Nada Surf : Blonde on blonde

Kill Me Sarah | 22:19 |




Tu as fait une page spéciale pour remettre en ordre les posts de tes vacances à La Baule. C'est plus facile à lire dans l'ordre chronologique. Pas certain que quelqu'un ait envie de se retaper la lecture de tout ça (toi oui, au moins une fois, pour juger à posteriori ces mots écrits chaque soir sur le balcon, face à la mer... ce qui risque de ne pas être brillant...). Peu importe, c'est ici : 14 jours à La Baule ou 14 jours à La Baule en Pdf.

Addendum : Tu cèdes à la pression populaire. Le document est maintenant en Pdf.

Kill Me Sarah | 17:55 |


jeudi, juillet 24, 2003

L'orchestre s'éveille doucement. Bois, cordes.
Holes. Mercury Rev. Sur l'album Deserter's songs. Une merveille.
La voix de Jonathan Donahue s'élève. Fragile. "Time, all the long red lines, that take control". Comme des voiles arachnéens.
Tu avais mis cette chanson sur une compilation que tu avais faite pour Ch. Elle ouvrait le disque. Il y a quatre ans. A quelques jours près. Tu ne retiens pas les dates. Tu fais toujours des compilations pour les filles dont tu es amoureux. Enfin pas seulement. Mais principalement. Manière de dire certaines choses que tu n'oses pas autrement. Pudeur. Peut être. Allez savoir. Tu n'en as pas fait depuis quelques mois. Les dernières ont à peine du être écoutées.

"[...] that flow into yr dreams".
Piano électrique. Accords plaqués. Basses alternées. Les cordes, les flutes qui tissent leur tapis sonore aux mille coloris étincelants. "[...]you had t' pick the one tonite...". Batterie. Et puis l'envoûtement de la scie musicale qui flotte dans les airs. Fascination.
Tu avais découvert ce disque comme Ch. En flânant sur un chat room. Les deux t'avaient émerveillé. Bibliothécaire. Cela ne pouvait que te plaire. Tu ne l'as jamais rencontrée. Juste aperçu ses beaux yeux bleus sur une photo. Loin. Pas libre. Prise de vertiges au bord la falaise des amours difficiles. Tu tombes toujours amoureux des filles qu'il ne faut pas. Mais... et elle aussi...

"[...]all those endless ends, that can't be
Tied, oh they make me laugh, an' always make me
Cry, til they drop like flies"

Elle t'avais appelé un soir au bureau. Pendant un orage terrible. Pourquoi te souviens-tu de ce détail précisément?
Elle t'a fait connaître Le Chameau Sauvage de Philippe Jaenada. Tu lui avais beaucoup parlé. Des choses jamais dites avant. A personne. Qui te paraissent dérisoires maintenant. Grâce à elle.

"[...]an' sink like polished
Stones, of all th' stones i throw,
How does that ol' song go...

La trompette traverse les cieux comme une pluie d'étoiles.
"[...]Bands, those funny little plans, that never work quite right"
Une clarté lunaire se déverse sur les dernières notes. Le tapis volant des cordes se pose délicatement sur le silence.

Ton dernier message il y a quelques mois n'est pas arrivé. Son adresse mail ne fonctionne plus. Ce soir tu penses à Ch. Qui ne lira jamais ça. Tu aimerais savoir si elle écoute toujours ton disque...

Kill Me Sarah | 21:49 |


mercredi, juillet 23, 2003

Tu as parfois l'impression d'être au centre d'un tourbillon infernal dont la force centripète t'empêche de fuir et te renvoit irrémédiablement au centre du maelstrom. Voir le monde et ne pouvoir le toucher. Vaines dépenses d'énergie. Tête lourde ce soir. Fatigue accumulée. Questions métaphysiques tout à l'heure sur le canapé. Qu'en restera-t-il? De tous ces livres lus, de tous ces disques écoutés. Quand tu seras mort et enterré. Qu'en auras-tu fait de toutes ces émotions, qu'en auras-tu tiré? Rien jusqu'à maintenant. Probablement rien dans le futur. De tout ça il ne restera rien. Un corps, des mains, un cerveau. Stériles. Qui ne créent rien. Humain insignifiant. Un éphémère passage dans l'univers, un peu de poussière balayée par le vent. C'est tout ce qu'il restera. "You're all just pissin' in the wind" comme dit Neil Young.

"And I am nothing of a builder, but here I
dreamt I was an architect and I built this
balustrade to keep you home, to keep you
safe from the outside world. But the
angles and the corners (even though my
work is unparalleled) never seemed to
meet, the structure fell about our feet and
we were free to go."

The Decemberists : Here I dreamt I was an architect


Kill Me Sarah | 21:41 |


mardi, juillet 22, 2003

Le jour tombe. Tu aimes écrire à ces moments là. Peut être parce que la nuit vient toujours réveiller quelques démons endormis. Tu t'installes devant l'écran. Pas d'idées précises. Juste laisser sortir les mots comme ça. Papillons noirs qui s'envolent dans le crépuscule. Morceau d'éphémère. Main tendue vers le vide.
Bande son. Dylan. Le Royal Albert Hall Concert. En fait enregistré à Manchester. Pas à Londres. Concert qui a fait le bonheur des pirates pendant des années avant que Dylan ne le sorte officiellement en 1998. Bouleversement de sa musique. L'année précédente il s'était fait conspuer à Newport pour avoir jouer de la guitare électrique au lieu de ses sempiternels harmonica et guitare folk. 17 Mai 1966. Manchester. Tournée européenne. Dans Don't look back de D.A Pennebaker, on voit Dylan sombre, le visage creusé. Tant par les pilules qu'il s'enfile que par le rejet du public. Ce public de folko-pseudo-intellos, réactionnaire en diable, qui n'accepte pas que Dylan insuffle de l'électricité dans sa musique. Du rock? Pouah! Mais Dylan a le regard fixé sur la Highway 61 qu'il vient de revisiter en fumant Blonde sur Blonde. Première partie du concert, Dylan seul avec son acoustique et son harmonica. Traditions respectées. Ca passe. Deuxième partie, son groupe, The Hawks, monte sur scène (ils deviendront bientôt The Band. Drôle de nom pour un groupe, The Band. What's the name of your band? The Band. Uh?). Dylan agrippe sa Fender Stratocaster. Ca casse.
Au bout de deux chansons, une partie du public manifeste son mécontentement. Slow clapping. En Angleterre on ne siffle pas. Pas en 1966. On applaudit très lentement, en rythme, pour montrer son mécontentement. Après Leopard-Skin Pill-Box Hat, Dylan en a plein le dos de ces crétins qu'il supporte depuis le début de sa tournée. Et leur dit. A sa façon. Indirectement, mais avec son ton arrogant rempli d'ironie, marmonnant des mots sans suite, attendant que s'arrête le slow clapping. Ca s'amplifie avant qu'il n'attaque Ballad of a thin man. Version terrifiante. Frissons glacés parcourant l'échine. Dylan crache ses paroles à la face de ce public. Elles n'ont jamais résonné avec autant de force.
."Because something is happening here
But you don't know what it is
Do you, Mister Jones?"

Le groupe pilonne. Orgue fantomatique. Instruments qui s'entrechoquent comme les os d'un squelette. Le squelette de l'ancien Dylan. Et dans la foule, un "Mister Jones" se croyant malin hurle "Judas" comme un crachat en pleine face. Une partie du public applaudit. De son ton le plus méprisant, laminant le public de son arrogance, le "Zim" lui répond "I don't believe you... You're a liar". Il se tourne vers son groupe et gueule, "PLAY FUCKING LOUD" (même si on l'entend mal, il tourne le dos au micro) et attaque Like a rolling stone. Et là on entend le rouleau compresseur du changement en marche. Implaccable. Ironiquement Dylan insistera sur le refrain avec ses "How does it feel?". Ca fait quoi de te prendre ça dans les oreilles? Hein? Marche ou crève. Derrière, le band (The Band donc...) joue fucking loud comme a demandé le patron. Un grand moment de rock'n roll. La dernière note résonne encore quand Dylan leur balance un "Thank you" aussi lent que les applaudissements de tout à l'heure. Slow thanks. Il quitte la scène dans un silence glacial. Rupture. Le God save the queen s'élève. En ces temps reculés, on passait l'hymne national à la fin des concerts. On imagine les tentures de velours rouge se refermant sur la scène.

Silence dans la pièce.
Question.
Pourquoi écris-tu tout cela?
Les mots quels qu'ils soient remplissent le vide. Trop de vide. Pas assez de mots.

Kill Me Sarah | 22:24 |


lundi, juillet 21, 2003


Manège avec ta fille ce matin. Attente. Sourires. Regard flou, couleurs qui tournoient.
Passage à la Fnac de Créteil. Disparition du rayon rock indépendant. Salauds. Après avoir traîné dans les rayons, découverte du rock indé dans deux présentoirs minables. Même pas signalés. Portion congrue dans le magasin. A comparer avec les hauts rayons florissants de daubes innommables. Star épidémie en tout genre. Fulgurance de dépit dans le regard, de colère également. Penser à ne plus acheter de disques ici pour ne pas cautionner de tels choix. Marrant, au rayon blues ta fille écoute le disque d'une grosse femme à la poitrine débordant de son débardeur rose sur la pochette.
Baîllements. Pas moyen de fermer l'oeil avant 4h00 cette nuit. La lune doit te manquer. Celle que tu regardais de ton balcon tous les soirs se refléter sur l'océan. La lune rousse aussi, que tu avais imaginé contempler avec une fille sortie tout droit de ton imagination. Pas moyen de dormir en tout cas. Les filles, elles ne sortent plus que de ton imagination. Des garçons, des filles se rencontrent, se plaisent, s'embrassent, s'aiment. Tu es seul. Longtemps, trop longtemps que tu n'as pas fait l'amour. Trop longtemps qu'on ne t'a pas aimé.
Dans la voiture, les Beatles, We can work it out. De très vieux souvenirs remontent à la surface. Flash back. Début 75. 14 ans. Sophie. Tu étais en 3ème, elle avait 13 ans, était en 4ème. Blonde, yeux bleus, tu la trouvais superbe. La copine d'un de tes copains la connaissait. Bonjour. Discussion. Après. Invitation au ciné. Mercredi après-midi avec la copine et le copain. Pas moyen de se rappeler le film. Chez toi ensuite. Les deux autres s'embrassaient sur ton lit. Tu avais mis We can work it out. Tu pensais qu'elle te tomberait dans les bras en écoutant cette chanson. Loupé. Julia dream des Pink Floyd. Echec. Quelle chanson pourtant. Early Floyd. Avant le succès. Psychédélisme. Syd Barret. Génie torturé. Déjà parti. Chanson de Waters, 1968. Elle s'en foutait. De toi aussi d'ailleurs. Ou tu n'a pas su faire. Tu n'as pas su faire avant longtemps. Tu revois presque son visage. Tant d'années après. Les échecs laissent des traces. Feu rouge. Retour sur terre. Chanson terminée. 2'13" de rêve. Remettre la chanson. Oups, revenu trop en arrière. Lennon chante. Hey, you’ve got hide your love away. Tu ne fais que ça. Tu ne fais que ça...

"Here I stand with head in hand,
Turn my face to the wall.
If she’s gone I can’t go on,
Feeling two foot small.

Hey, you’ve got hide your love away."

Beatles : You've got to hide your love away








Photos KMS (Un clic pour voir en grand)

Kill Me Sarah | 15:06 |


dimanche, juillet 20, 2003


Souvenirs de vacances

Sur la plage, assis, tu lisais La ballade de l'impossible de Murikami (excellent), ton regard s'abaisse, tu te perds dans tes pensées, tu regardes tes pieds caressés par le soleil. Tu attrapes l'appareil photo, tu photographies ton pied. Tu dois être un drôle de garçon.
Il reste un instantané, quelques secondes de vacances au parfum de sable chaud.

"She’s as beautiful as a foot
She’s as beautiful as a foot
She heard someone say
The other day"

Blue Oÿster Cult : She’s as Beautiful as a Foot



Kill Me Sarah | 14:18 |


samedi, juillet 19, 2003


"All of my time
I'd love to go drowning
And to stay and to stay
But the ocean doesn't want me today
I'll go in up to here
It can't possibly hurt
All they will find is my beer
And my shirt
A rip tide is raging
And the life guard is away
But the ocean doesn't want me today"

Tom Waits : The ocean doesn't want me

Back to reality and back to Paris.
Pas d'inquiétude, tout ceci n'était que pure fiction (même A malheureusement...).

Bien entendu, les couleurs n'ont jamais disparu, encore moins la population. Par contre le ciel et la mer étaient bien d'un bleu éclatant et la lune était bien dans le ciel hier matin (bon d'accord elle est un peu petite sur la photo mais elle est bien là).



Kill Me Sarah | 14:43 |




La Baule : 14ème jour

"I would have left the world all bleeding
Could I only help you love
The fleeting shapes
So many years ago
So young and beautiful and brave

Everything was true
It couldn't be a story
The words all left me
Lifeless
Hoping
Breathing like the drowning man

Oh fushia
You leave me
Breathing like the drowning man
Breathing like the drowning man"

Cure : The drowning man


La lune était toujours dans le ciel immaculé ce matin comme si elle avait décidé de retarder son coucher. L'océan luisait de son plus beau bleu dans la lumière matinale.
Le téléphone sonnait de nouveau dans le vide tout à l'heure. Le monde avait définitivement cessé d'exister, le silence était dorénavant ton seul compagnon d'infortune.

Tu sais maintenant que si ce monde s'est évaporé, c'est pour que tu ne voies plus que LUI. Cet océan majestueux. C'est pour que tu ne puisses échapper à son appel silencieux, à cette force implacable qui t'a fait rester ici. Il est là, plus bleu que jamais, pour un peu on distinguerait presque à sa surface un sourire dessiné par le mouvement des vagues. Tu es resté un long moment sur le remblai, accoudé au parapet à le regarder. Tu attendras la marée haute pour aller le rejoindre, comme si tu souhaitais qu'il déroule son tapis pour t'accueillir.

Depuis hier soir, tu repenses à une phrase terminant un livre de Victor Hugo. Tu ne sais plus si c'est Les travailleurs de la mer ou L'homme qui rit. Alors tu es allé en ville pour voir si la librairie que tu avais vu ouverte hier avait ces ouvrages. Tu es resté longtemps assis par terre, seul au milieu de tous ces livres. Tu as trouvé ce que tu cherchais et a noté consciencieusement ces mots dont ton esprit n'avait conservé que des bribes. Puis tu en as feuilleté d'autres, comme on vient dire au revoir à des amis avant un long voyage.

Tu iras tout à l'heure sur la plage. Le soleil sera en train de se coucher comme tout s'est éteint sur ce monde, comme ta raison a fini par décliner et sombrer dans les abysses de la démence. Une froide détermination t'a envahit depuis la nuit dernière, les arcanes de ton cerveau ont fait naître des certitudes maintenant inébranlables. Tu sais que ton pas ne faiblira pas, qu'il sera ferme, et que tu ne trembleras pas, pour masquer tes ultimes faiblesses.
Tu resteras un peu sur la plage à le contempler, tu lèveras la tête vers le ciel et après un dernier regard en arrière vers ce monde sans vie, tu marcheras vers lui, t'enfonçant doucement dans les flots, et tu nageras vers le large, inlassablement, jusqu'à ce qu'il t'engloutisse ou te rejète comme une vulgaire branche de bois mort.

"Peu à peu, cette tache qui n'était plus une forme, pâlit.
Puis elle s'amoindrit.
Puis elle disparut.
[...] la tête disparut sous l'eau. Il n'y eut plus rien que la mer."

Victor Hugo : Les travailleurs de la mer

Kill Me Sarah | 01:13 |


vendredi, juillet 18, 2003

La Baule : 13ème jour

"And the signs said, The words of the prophets
are written on the subway walls
And tenement halls.
And whisper'd in the sounds of silence."

Simon & Garfunkel : The sound of silence

Un silence assourdissant règne sur La Baule ce matin. "Sometimes the silence can be like the thunder" chante Bob Dylan. Et c'était exactement ça. Le silence était comme un fracas insupportable. Plus une voiture dans les rues, plus une personne, plus un animal. Rien. Lorsque tu as ouvert la porte fenêtre donnant sur le balcon à ton réveil, tu as l'impression d'ouvrir la porte d'un tombeau millénaire enseveli dans le silence. Tout semble mort bien que mort ne soit certainement pas le terme exact puisqu'il n'y a aucune trace de la population. Tout semble s'être désintégré, volatilisé. Plus une mouette ne volait dans le ciel, plus un seul bateau naviguant à l'horizon. Plus rien. Sauf toi, qui reste hébété sur ton balcon, frissonnant dans le vent frais du matin, tant par ce silence que par le vide causé par l'absence de A. Tu n'arrivais pas à discerner ce qui était le plus difficile à accepter. Cette ville morte dont seul le bruit du vent dans les arbres venait troubler la quiétude mortuaire, ou la solitude. L'intérieur de ton corps, de ton esprit, te paraissait comme cette ville, vide et uniquement balayé par le vent.

Hier soir, dès son arrivée dans la nuit, A. t'avait appelé. La situation chez elle était la même qu'ici, même si ce matin elle t'a dit qu'elle trouvait qu'il y avait un peu plus de monde dans les rues qu'à La Baule. Tu sais que cela ne durera pas. Depuis le départ de A. hier soir, tout semble s'être accéléré. Ce midi, lorsque tu l'as appelée de nouveau, tu l'entendais masquer ses larmes.

- Que vas-tu faire lui demandas-tu
- Je ne sais pas je verrai ce soir, je… plus tard, je ne sais pas là dit-elle dans un souffle.

Depuis cet appel, tu n'as pas réussi à la recontacter. D'ailleurs ce soir, plus personne ne répond au téléphone, tu as essayé tous les numéros en mémoire dans ton appareil. Tu penses à ta fille, espérant encore vaguement que juste l'absence de ses grands parents puisse expliquer ce silence. Tu voudrais y croire. Mais même la télé ne diffuse plus qu'un brouillard neigeux sur toutes les chaînes et aucune radio n'est captable, nulle part…

Après avoir eu A., tu ne savais plus quoi faire, désemparé devant cette ville fantôme. Tu avais l'impression de régner sur un monde qui venait de rendre son dernier souffle après une agonie fulgurante.

Tu es parti au centre ville, certaines boutiques étaient ouvertes, signe que ce matin encore des personnes étaient encore là mais avaient disparu depuis. Par chance, le cybercafé était désert mais ouvert et le réseau fonctionnait, tu en as profité pour poster les comptes rendus des derniers jours.

Et puis, pris d'une inspiration subite, d'un besoin de marquer ta présence, de laisser une trace, tu as réussi à trouver, dans une sorte de quincaillerie où tu as réussi à te glisser par une fenêtre entrouverte, des bombes de peinture. Tu en as pris des noires et des blanches, il a fallu que tu vérifies les coloris sur l'étiquette. Tu voulais être certain qu'on puisse voir ce que tu voulais écrire. Puisqu'il n'y a plus de couleurs, le noir et le blanc ferait l'affaire.

Puis tu t'es rendu sur le front de mer. C'était là que tu voulais laisser une trace, face à l'océan toujours aussi bleu sous le ciel dégagé et ensoleillé. Et sur les façades des immeubles, tu as commencé à taguer des inscriptions. Des mots sans réelle signification, des paroles de chansons. Sur la façade blanche d'un immeuble, tu as écrit "POURQUOI?" en lettres géantes. Puis, plus loin, "I WANT YOU, YOU'RE DRIVING ME MAD". Alors tu as continué à taguer des paroles de chansons des Beatles tout le long de cette grande avenue. Tu crois bien que la folie avait complètement gagné ton esprit à ce moment là, tu hurlais dans le silence les mots que tu peignais. Tu as même escaladé des balcons pour aller inscrire "HAPPINESS IS A WARM GUN" sur une façade sans que tu saches pourquoi. La haine t'avait gagné mais contre qui l'exercer, contre qui la tourner. Alors parodiant Jim Morrison, tu as inscrit "I HATE THE WORLD AND I HATE IT, NOW". Sur le parapet du remblai, tu as inscrit ce qu'il te semblait être la seule et l'unique vérité maintenant : "I AM THE WORLD'S FORGOTTEN BOY !!!", sauf que tu ne cherches pas et que c'est toi qui est détruit.

Tu sentais à ce moment là, que les derniers fils ténus de ta raison étaient en train de s'effilocher. Oui, tu as perdu toute raison, c'est la seule explication, cela ne peut être que la seule explication. Alors, sur cette avenue à deux voies séparées par un terre-plein central engazonné, en lettres blanches énormes recouvrant toute la largeur de la voie, tu as inscrit ce passage de Macbeth :

"It is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing"

Ce soir, calmé après la vaine débauche d'énergie de cet après-midi, anéanti par ce téléphone qui sonne dans le vide, par la certitude que le monde entier s'est désintégré ou est sur le point de l'être totalement, tu es parti t'asseoir sur la plage pour regarder l'océan. Celui-ci semblait te braver par sa force insolente et son bleu tirant sur le vert. Son implacable sérénité te devenait insupportable, mais tu ne pouvais en détacher ton regard. Alors tu t'es mis à hurler tes questions à l'océan, même si tu savais que tu n'aurais pas de réponse, même en sachant que tu n'aurais jamais de réponse.

"Pourquoi suis-je encore là? Pourquoi n'ai-je pas disparu comme les autres? Pourquoi dois-je subir ces épreuves maintenant insoutenables? Pourquoi moi? Pourquoi m'épargner? POURQUOI M'EPARGNER?". Et l'océan ne répondit pas, continuant de faire déferler ses vagues, dans lesquelles tu donnais des coups de pied violents en hurlant "pourquoi? pourquoi? pourquoi?".

Puis tu t'es rassis, ruisselant de sueur et d'écume. Tu avais pris en passant des bouteilles de vin sur un présentoir abandonné en te rendant sur la plage. Tu as commencé à boire, et tu t'es mis à construire un château de sable avec tes seules mains au bord des vagues; construisant maladroitement des murs que tu savais éphémères, comme un défi perdu d'avance. Tu es resté à le regarder se disloquer sous les vagues de la marée montante. Comme ce monde, les couleurs, les gens ont fini par disparaître, ton château a disparu…

Puis, grisé par l'alcool, tu t'es allongé sur le sable, regardant le ciel et les étoiles. Pensant à toutes les personnes disparues. Des larmes de tristesse et d'impuissance coulaient sur tes joues. On dit qu'il y a une étoile qui brille pour chacun de nous. Dans le ciel, il y en avait toujours des milliers qui brillaient. Tu pensais à A. qui avait traversé ta vie comme une étoile filante déchire la nuit de son voile lumineux. Puis tu te dis que, peut être, la seule étoile qui s'était éteinte, la seule qui ne brillait plus au firmament depuis tous ces évènements, c'était la tienne. Le monde n'avait pas disparu mais il t'avait englouti.

Tu es rentré en titubant dans les rues désertes et tu t'es effondré tout habillé sur ton lit, assommé.

Il est 4h00 du matin, tu es sorti de ton sommeil brutalement et tu sais que tu ne dormiras plus. Tu as essayé une nouvelle fois de téléphoner, mais personne n'a répondu. Tu écris ces mots juste éclairé par la lumière blafarde de l'écran du portable, et tu sais maintenant pourquoi tu étais fasciné par l'océan depuis le début. Demain, tu sais que ce cauchemar se terminera, d'une manière ou d'une autre, et tu sais ce que tu dois faire pour cela.

Kill Me Sarah | 11:43 |


jeudi, juillet 17, 2003

La Baule : 12ème jour

La pluie. La pluie, le gris presque toute la journée. Une ambiance étrange. Et les rues, de plus en plus désertes. On n'y croise que quelques âmes égarées, toujours aussi insouciantes. On se croirait à la morte saison. Morte saison, le nom est bien trouvé même si on ne sait pas où sont passé toutes les personnes qui étaient ici avant.

A. s'est réveillée tard. Tu es venu la rejoindre dans le lit et vous n'avez fini par ne sortir qu'à midi. Il ne manque que les feuilles balayées par le vent pour que La Baule ressemble vraiment à une ville fantôme. Certaines boutiques sont fermées, les voitures se font nettement plus rares. Les nuages masquent le ciel d'une longue traîne grise se reflétant sur l'océan.

Depuis qu'elle s'est levée, A. paraît soucieuse, inquiète.

- Cela devient terrifiant ici, on se croirait dans un mauvais film d'horreur. Sauf qu'il ne se passe rien. On est peut être juste confronté à nos propres cauchemars. Je ne suis pas certaine de pouvoir les affronter dit-elle.
- Le monde vacille comme la flamme d'une bougie mais que faire? Rien ne nous dit que la situation serait différente ailleurs. Je pense même que cela a du gagner une bonne partie du territoire si je m'en tiens à ce que j'avais vu vendredi dernier. Le tout étant de savoir si je n'ai pas rêvé tout cela.
- On ferait le même rêve alors dit-elle. Est-ce possible que deux personnes fassent le même rêve, qui frôle parfois le cauchemar, en même temps? Mais je préfèrerai cette explication à toute autre.

Vous êtes allé au centre ville. Comme l'insouciance et la joie de la journée d'hier semblaient loin sous ce crachin persistant.

Soudain, A. se retourna et vint se blottir contre toi, te serrant fortement contre elle :

- Partons B., je ne peux plus rester ici.
- Partir où répondis-tu. Si c'est pour retrouver la même désolation ailleurs, je préfère rester ici, au moins l'océan et le ciel ont conservé leurs couleurs.
- Le ciel est le même partout B. Et peut être qu'ailleurs…
- Si seulement tu pouvais avoir raison mais… et tu ne finis pas ta phrase, accablé par ce pressentiment que le monde entier était en train de disparaître.

En tenant la main, elle t'amena jusqu'à la gare de La Baule qui ressemble à une maison normande avec ses colombages blancs. Elle était déserte. Il n'y avait pas âme qui vive derrière les guichets.

- Je vais louer une voiture pendant que je peux encore le faire, j'ai vu que l'agence de location était ouverte, et je partirai ce soir. J'arriverai peut être à te convaincre d'ici là dit-elle.

Tu aurais aimé la rassurer, mais tu n'as jamais été fort pour cela. Tu ne savais pas non plus comment lui expliquer que tu ne pouvais te priver de la vue de l'océan. Celui-ci semblait exercer sur toi une attirance féerique.

- Reste, ça ne sert à rien de partir. Je n'ai pas envie que tu t'en ailles lui dis-tu.
- Je n'ai pas envie de partir, surtout sans toi, mais je ne supporte plus cet endroit répondit-elle.
- Il y a l'océan et le gris sera le même ailleurs. Le phénomène est arrivé par la mer, peut être qu'il s'en ira de la même manière.
- J'aimerai pouvoir te croire, j'aimerai…

A. alla louer sa voiture. Tu restais sur le trottoir, essayant de trouver les arguments qui pourraient la faire rester. Mais tu n'as jamais eu non plus une grande force de persuasion. Ton fatalisme habituel prenait une nouvelle fois le dessus, et tu es trop respectueux des décisions des autres pour trop essayer de leur faire changer d'avis, même si cela va à l'encontre de ce que tu souhaites. A sa sortie de l'agence de location, près de la gare, A. baissait la tête. Tu l'as prise dans tes bras.

- Je ne pars pas tout de suite dit-elle. Nous verrons plus tard. Ne parlons plus de ça pour le moment. Allons prendre un chocolat chaud.

Dans le café tu essayas de la faire sourire et elle se détendit peu à peu. Mais l'inquiétude tirait les traits de son visage. Elle était d'une beauté fragile, désespérée, terriblement attirante.

Vous êtes resté un long moment dans ce café puis vous êtes rentré à ton appartement dans la clio, grise, forcément grise, de location de A.

Tu brûlais de désir pour elle et l'enlaçais passionnément dans l'ascenseur. Dès la porte de l'appartement passée, tes mains se glissèrent sous ses vêtements, tes lèvres dévoraient les siennes, son cou, sa poitrine. Vos pas vous amenèrent près du lit, face à l'océan, dans une étreinte passionnée…

En fin de soirée, le soleil refit son apparition. Le ciel encore chargé de nuages teintait l'océan d'un vert sombre et profond, comme si un pinceau géant était venu poser sa couleur d'un geste ample. Tu es resté un long moment sur le balcon, dans le vent frais qui faisait naître des frissons sur tes bras, comme hypnotisé par le déroulement des vagues à la surface de l'eau. La rue en contrebas de ton immeuble était presque déserte. Seule une voiture passait de temps en temps, tu n'apercevais aucun piéton. A. était derrière toi, silencieuse. Puis elle vint se serrer dans ton dos.

- Je… je partirai tout à l'heure dit-elle. J'en ai besoin, ce n'est pas contre toi. Je ne chercherai pas à te convaincre de partir avec moi. Tu sembles avoir besoin de rester ici autant que moi j'ai besoin de partir. On s'appellera et quand tout ça sera terminé ou que tu ne seras plus obnubilé par l'océan, on se retrouvera. Tu vas me manquer ajouta-t-elle après un silence.
- Toi aussi, toi aussi dis-tu en te retournant pour la serrer contre toi et l'embrasser.

Puis un peu avant 23h00, A. se releva du lit où vous étiez allongé.
- Je…
- Ne dis rien, je n'aime pas les adieux. Tu n'as pas besoin de parler. Et moi je n'y arrive pas…
Tu es resté quelques instants dans le silence, la serrant dans tes bras, des instants qui t'ont parus beaucoup trop courts. Puis, avec des gestes lents, comme au ralenti, A. se baissa pour attraper son sac, vint écraser ses lèvres sur les tiennes une dernière fois. Celles-ci avaient toujours le goût des framboises mures.
- Ne descends pas, sinon je n'arriverai pas à partir dit-elle. Je t'appellerai demain matin.

Et elle franchit la porte sans bruit. Tu allas sur le balcon, la lune brillait entre les nuages, tu la vis descendre le chemin qui serpente au milieu des pins pour arriver à la rue. Elle se retourna. Son sourire était triste, comme figé. Tu la regardais fixement et une chanson de Tom Waits te revint à l'esprit, comme une lente mélopée à la mélancolie renversante. Tes lèvres murmuraient les paroles pendant que tu la regardais monter dans sa voiture et démarrer lentement. A. sorti son bras par la fenêtre, tendit la paume de sa main vers toi, puis serra son poing. Il t'a semblé qu'elle le serrait fort, presque à s'en écorcher la paume avec ses ongles, puis elle disparut après le rond point, et tout sombra dans un silence sépulcral. Seules tes lèvres murmuraient toujours cette chanson. Alors la lune se voila pudiquement derrière les nuages, comme pour respecter ta douleur.

" And you dance into the shadow of a black poplar tree
And I watched you as you disappeared
I watched you as you disappeared
I watched you as you disappeared
I watched you as you disappeared"

Tom Waits : Watch her disappear

Kill Me Sarah | 16:38 |




La Baule : 11ème jour

"Kill me Sarah, kill me again, with love
It's gonna be a glorious day"

Radiohead : Lucky

Une journée merveilleuse. Comme tu n'en avais pas vécu depuis longtemps. Et au diable les couleurs…
Tu voles quelques minutes de ton temps pendant qu'A. est sous la douche.

Le ciel était voilé ce matin quand tu es allé chercher des croissants à la boulangerie. Le ciel nuageux renforçait la bichromie de la ville mais tu t'en fichais, tu avais la tête dans ces mêmes nuages.

Le soleil s'est levé ce midi. Entre temps, A. était passé chez elle pendant que tu allais en coup de vent au cyber-café poster les résumés de ceux derniers jours. Lorsque tu l'as retrouvée, elle portait une petite robe jaune clair.

- J'ai mis une robe colorée, je me suis dit que cela te ferait plaisir.

Oh oui, comme tu étais content de la voir dans ce jaune qui relevait son teint et faisait ressortir ses jolis yeux.
Vous êtes allé à la plage cet après-midi, l'eau était moins froide qu'habituellement. Du moins tu as trouvé, mais elle aurait été à 10° que tu aurais suivi A. dans les vagues de toute manière.

C'est étonnant de voir que lorsqu'il se passe des choses dans ta vie, lorsque l'on s'intéresse à toi, tu as tout de suite nettement moins de choses à raconter. A croire qu'habituellement tu écris pour faire l'intéressant. Tu écris cela et ça te fait sourire. Tu n'arrêtes pas de sourire depuis hier soir de toute façon…

Il y a cependant une ombre qui plane sur vous. Tu n'as pas voulu effrayer A. avec ça mais… il te semble qu'il y a de moins en moins de monde dans les rues, sur la plage.
Tu n'en as pas parlé à A., elle non plus d'ailleurs. Les instants présents suffisent à votre bonheur, mais tu ne peux t'empêcher de te dire que le "phénomène" poursuit son inexorable marche. Tu crains que la population soit en train de disparaître. Tu ne penses pas qu'ils fuient ce qui se passe ici. Pourquoi s'en rendraient-ils compte maintenant alors que précédemment, l'habituelle banalité de leur quotidien n'en était pas bouleversée. Tu crains surtout que cela n'effraye A.

Lorsque vous êtes rentré de la plage tout à l'heure, sa peau était toute salée, ses baisers aussi. Son ventre, ses seins avaient comme emmagasiné la chaleur du soleil. Elle semblait brûler d'un feu intérieur qui irradiait tout son corps.

Tu voudrais que le temps s'arrête, pour goûter à ce bonheur, pour ne pas penser à ce qui pourrait arriver. Les nuages sont revenus voiler le ciel ce soir, un vent frais souffle vers la mer. C'est dommage ces nuages, tu aurais aimé contempler les étoiles avec A. à la nuit tombée. Pour voir, si quelque part, là haut dans le ciel, il n'y en avait pas deux qui brilleraient plus intensément que les autres. Pour vérifier aussi, que dans le ciel, tout n'est pas en train de disparaître également.

Kill Me Sarah | 15:27 |


mardi, juillet 15, 2003

La Baule : 10ème jour

”Into dust
Like two strangers
Turning into dust”

Mazzy Star : Into dust


Lundi matin 9h30 :

Le vent venant de la mer amène un nuage de brume masquant le ciel et la mer. On ne voit plus à 50m. Le monde gris sur gris, semble définitivement mort dans ce brouillard de chaleur. Une vision déprimante. Comme si l'on venait de poser la pierre sur le tombeau. Le vent devrait chasser tout ça, mais en attendant…

Mardi matin 10h00 :

Il est mardi matin. A. dort encore. Tu profites de ces quelques instants pour faire le récit de la journée d'hier.

Les nuages ne se sont levés qu'en fin de journée, baignant La Baule dans un coton grisâtre à l'unisson de la bichromie de la ville et de la population. A. t'a appelé en fin de matinée, tu attendais son appel. Tu l'as retrouvée vers midi, sur le front de mer.

A. t'a annoncé qu'elle ne partirait pas pour le moment, ce qui t'a ravi. D'après elle, nous sommes victimes d'une hallucination :
- Tout ceci disparaîtra dans quelques jours, peut être même avant dit elle.
- J'aimerai avoir ton optimisme, mais je ne demande qu'à te croire.
- J'étais venue pour passer une semaine toute seule dns l'appartement de mes parents, et finalement je suis plutôt contente d'avoir rencontré quelqu'un à qui parler. Je pense que tout ceci aura disparu un matin et voilà ajouta-t-elle en souriant.

Sa confiance faisait plaisir à voir, et puis tu ne demandais que ça qu'elle reste. Surtout si c'était un peu pour toi comme tu pensais le deviner dans ses paroles mais tu t'es bien gardé de lui dire.

Tu as passé la journée avec A. Pour oublier tout ce gris, tu lui as parlé de musique, de livres, de tout ce que tu aimes, de la manière dont tu perçois le monde. Elle a fait de même et vous vous êtes souvent retrouvé dans certains auteurs, certaines musiques. Tu as passé un après-midi très agréable, un après-midi dont tu rêvais depuis longtemps, même si tu l'aurais préféré en couleur. Petit à petit tu la découvres et… elle te plait de plus en plus. Ces discussions nous on presque fait oublier l'étrange situation actuelle, le temps semblait même s'arrêter comme il le fait lorsque l'on se trouve avec quelqu'un que l'on apprécie. Plus le temps passait et plus tu la regardais intensément.

Vous êtes allé voir le feu d'artifice tiré sur la plage. A. était très jolie dans sa petite robe noire boutonnée sur le devant.
- A.? Je peux te demander quelque chose?
- Bien sur.
- Pourquoi t'habilles-tu en noir alors que tu as la seule femme ici que je peux voir en couleur lui demandas-tu en souriant.
- C'est justement pour cela, je… enfin je crois que je me sentirai mal à l'aise de porter des vêtements de couleur au milieu de tous ces gens en gris et… je suis plutôt discrète généralement.

C'est étrange un feu d'artifice en noir et blanc. Ca a un coté désuet, une ambiance de grenier poussiéreux.
- Les feux d'artifice en noir et blanc sont d'une tristesse infinie lui dis-tu. C'est l'apothéose des blasés de la vie, peut être des blasés de l'amour aussi, d'ailleurs.
- tu es un blasé de l'amour demanda-t-elle?
- Non je ne crois pas. Sinon je ne le chercherai pas. Et puis… enfin… quand je regarde tes yeux et ton sourire… je me dis que… ce n'est pas possible d'être blasé… lui dis-tu en essayant de ne pas trop laisser percevoir ton trouble.

Son sourire à cet instant précis, pendant qu'éclatait dans le ciel des fusées traçantes ne laissant apparaître que quelques retombées blanches au lieu de l'explosion colorée habituelle, t'a encouragé à te rapprocher d'elle. Malgré ce trac qui te prend toujours au ventre lorsque tu as envie d'embrasser une fille, tu as pris son visage dans tes mains et posé tes lèvres sur les siennes. Ton cœur battait fort, tu avais peur que… Ce premier baiser, ses lèvres, sa bouche avaient la saveur des framboises mures. Cela faisait longtemps que tu ne t'étais senti transporté de la sorte. Pendant ce temps, le feu d'artifice continuait d'exploser dans le ciel, illuminant par instant son visage.

A la fin du feu d'artifice, vous avez marché le long de la mer, enlacés.
- Tu n'as pas trouvé qu'il n'y avait pas grand monde demandas-tu.
Après les premiers baisers, les premiers contacts, le moment où la conversation reprend, presque comme avant ce baiser pourrait-on dire, t'a toujours semblé étrange, comme s'il était là pour redonner une bouffée d'oxygène après l'embrasement.
- Oui, c'est vrai, je l'avais remarqué. Peut être que d'autres personnes que nous se sont rendu compte de la situation ici et on préféré partir répondit-elle.
- Oui sûrement, sûrement ajoutas-tu, légèrement dubitatif. Une sorte de mauvais pressentiment venant de t'envahir.

Vous êtes allés vous allonger sur la plage. La pleine lune vous faisait face et le ciel était rempli d'étoiles, témoins muets…

Tu enlaçais A., laissant ta main caresser son ventre pendant que tes lèvres se posaient dans le creux de son épaule. A. traça des signes dans le sable avec son index.

- Tu as remarqué, les lettres de nos prénom se suivent dit-elle. A+B, cela sonne comme une équation. A+B= laissa-t-elle en suspens.
- On dirait deux adolescents qui gravent des cœurs sur un tronc d'arbre dis-tu en rigolant.
- A+B = X dis-tu. X étant une inconnue. X étant les territoires que nous pourrons peut être découvrir. X étant l'histoire que l'on écrira peut être. X c'est la crainte, la peur également…
- Quelles peurs? dit A
- La peur de… j'ai toujours peur quand une histoire commence qu'elle s'arrête tout de suite. Peur que tu te rendes compte que je ne suis pas ce que tu crois voir. Peur de ce qui se passe ici aussi. Peur que tu ne perdes tes couleurs, peur de perdre les miennes et que tu me vois en noir et blanc comme les autres. Peur aussi que… tu disparaisses. Parce que tu sais, je crois les gens disparaissent maintenant. C'est sûrement pour cela qu'il n'y avait pas grand monde. Cela m'est venu à l'esprit tout à l'heure, comme une sorte d'évidence.
- C'est effrayant si c'est ça B. Mais je ne peux pas y croire.
- Les couleurs des objets sont parties, les gens sont ensuite devenus gris, et maintenant ils disparaissent. Nous sommes au centre de quelque chose qui nous dépasse complètement A. Quelque chose d'effrayant qu'on ne comprend pas et qui nous épargne sans que l'on sache pour quoi. Ou alors nous sommes fous tous les deux.
- Ca veut dire que nous allons disparaître nous aussi dit-elle.
- Je ne sais pas. Toi et moi semblons être épargnés. Pourquoi, je n'en sais strictement rien.
- C'est pour cela que tu racontes tout ça sur internet demanda t'elle
- Oui. Histoire de laisser une trace de ces étranges phénomènes.
- Tu me fais peur dit-elle. J'espère que tu as tort, je ne pourrais pas supporter ça. Rentrons j'ai froid.

Vous êtes rentrés à ton appartement, c'était le plus près. Vous avez parlé tard dans la nuit, on est souvent intarissable lors des premières nuits d'amour, ce sont toujours des moments hors du temps, des moments qu'on ne retrouvera plus ensuite, des instants à la saveur éphémère. Peut être encore plus actuellement. Avec ce qui se passe ici.

A. vient de se réveiller, elle est là, juste derrière toi, serrée contre toi, sa main caressant ton épaule, ta nuque. Tu ne sais même pas son âge ni son nom de famille.

Kill Me Sarah | 11:41 |




La Baule : 9ème jour

" She comes in colors everywhere,
she combs her hair
She's like a rainbow"

Rolling Stones : She's a rainbow


Tu l'as retrouvée. En fin d'après-midi, près de chez toi. Tu avais arpenté la ville sous un soleil de plomb sans la voir. Tu commençais à désespérer de la retrouver quand tu l'as vue. Elle marchait sur le trottoir, environ 100m devant toi. Assez paradoxalement, elle ne portait pas de vêtements de couleur, un short noir et un débardeur blanc. Mais sa peau, ses yeux resplendissaient de couleurs. Tu ne pouvais la manquer.
Juste au même moment, elle s'est retournée et t'as vu également. Tu as marché vers elle d'un pas calme et posé. Il y avait du monde sur le trottoir mais tu ne voyais qu'elle. Elle te regardait venir vers elle.
Tu t'es avancé en souriant :
- Je vous cherchais lui dis-tu. Je vous ai entrevue hier en fin de journée et depuis je n'ai fait que vous chercher.
- Je ne vous demande pas pourquoi dit-elle d'un air triste.
Puis aussitôt :
- Que se passe-t-il? Je suis arrivé hier midi par le train et la ville était sans couleur, les gens également. J'ai pensé que j'avais un problème ou que je devenais folle. Toute la journée je me suis posé des tonnes de questions et…
- J'ai du me poser les mêmes coupas-tu. Je ne sais pas ce qui se passe.

Et tu lui as raconté tout ce que tu avais les jours précédents. Les couleurs qui ont commencé à disparaître, puis la population qui est devenue grise également. Tu lui as raconté ton effarement, ton désarroi, ta peur aussi, et l'irrésistible force qui t'avait fait resté ici.
- Je pensais que j'étais devenu fou, mais depuis que je vous ai vu hier, je me sens moins seul et je me dis que ce n'est peut être pas ma folie qui a fait disparaître les couleurs. Ou alors nous partageons la même. Je m'appelle B.
- Je suis contente de partager ma folie. Je m'appelle A.

A. a une trentaine d'années, des cheveux noirs mi-longs qui lui tombent légèrement sur les épaules. Son visage est assez fin et harmonieux, avec de grands yeux bleu foncé. Sa bouche joliment dessinée esquissait un sourire timide particulièrement charmant. A. est assez jolie avec un charme discret mais terriblement fascinant.

Vous vous êtes installés à la terrasse ombragée d'un café. Tu lui as fait part de tes craintes sur le fait que le phénomène ne s'arrête pas là :
- Je ne sais pourquoi. Mais j'ai l'impression que cela va continuer. Je ne sais pas ce qu'il va se passer maintenant, mais j'ai de grandes craintes. Malgré le fait que tu sois là, que je ne sois plus le seul à avoir conservé mes couleurs, je reste persuadé que j'ai sombré dans la folie. Une folie consciente mais brusque et implacable. En fait, peut être que tu n'existes pas et que je suis en train de t'imaginer.
- Je suis bien réelle rassure-toi te répondit-elle avec un magnifique sourire.

Vous avez parlé longuement. Tu as sûrement trop parlé, intimidé par son charme et son sourire. Le regard qu'elle posait par moment sur toi laissait ta parole en suspens.

- J'ai pensé à repartir immédiatement dit-elle. Et puis je me suis dit que ça passerait peut être, que ce n'était que moi et…
Elle ne finit pas sa phrase et pris un air terriblement soucieux :
- peut être que je devrais repartir, fuir cet endroit. Je ne sais pas…
- Je ne sais pas non plus lui répondis-tu. Peut être que le monde est en train de sombrer, que la terre est en train de s'éteindre et de nous couper de ses forces vitales. Cela pourrait expliquer pourquoi la mer et le ciel ont conservé leurs couleurs. Mais pourquoi serions nous épargnés? Je n'en ai pas la moindre idée. Ce que je sais, c'est que je ne souhaite pas être un rescapé, un survivant. Si le monde s'éteint, je m'éteindrai avec lui. C'est peut être pour cela que je suis resté ici.
- C'est terrifiant dit-elle, j'en ai des frissons. J'ai peur mais… en même temps je n'arrive pas à me résoudre à partir, mais je n'ai pas envie de m'éteindre comme tu dis. Tu as l'air d'être fataliste devant ce que tu appelles le "phénomène", mais…
- Alors reste, je me sentirai moins seul, cela me changera un peu répondis-tu.

Vous êtes allés dîner et avez continué à parler, parler, parler… un peu de vous, surtout toi comme d'habitude, tu es indécrottable, mais surtout de toutes les hypothèses que vous avez pu échafauder sur le "phénomène".
- C'est parce que tu as l'impression d'être déjà terriblement seul que finalement la situation n'a pas l'air de t'effrayer plus que ça te demanda-t-elle.
- Probablement. A part la perte des couleurs qu'est-ce qui a changé pour moi? Rien. On ne me remarque pas plus qu'avant.
- Je t'ai remarqué moi dans la rue.
- Parce que tu peux encore voir les couleurs et que c'est la seule chose qui me distingue des autres ici. Sinon…
- Sinon trois petits points… tu aimes bien les points de suspension en bout de phrase non? Te demanda-t-elle avec un petit sourire.
- Oui, oui répondis-tu. Je crois que j'ai toujours peur que tout se termine, les points de suspension c'est comme de laisser une porte ouverte, de ne pas souhaiter qu'elle se ferme. C'est un peu comme une main tendue, une demande non formulée.
- Il y aura toujours une personne capable de te tendre la main et de porter un regard différent sur toi, il y en a peut être même plus que tu ne le crois. C'est peut être que toi tu ne les vois pas.

Tu n'as su quoi répondre. Le pire, c'est qu'elle avait probablement raison pensas-tu en ton for intérieur…

En raccompagnant A. au pied de son immeuble (c'était bien le grand immeuble carré devant lequel tu avais pesté hier soir), Il était tard et la chaleur pesante de la journée avait fait place à un air frais venu de la mer particulièrement appréciable. Vous êtes resté longtemps à contempler la magnifique lune rousse qui luisait dans le ciel. Elle répandait un halo orangé dans le ciel. Pourquoi, pourquoi, pourquoi sont les seuls mots qui vous venaient à l'esprit. Cette lune d'une terrifiante beauté dédaigneuse ne brillait-elle que pour vous deux?

- C'est magnifique dit A.
- La lune, comme la mer, a une beauté fascinante depuis que le monde est gris. Toutes les deux semblent cent fois plus belles.
Puis tu ajoutas :
- Si tu pars lui dis-tu, dis le moi. J'ai surtout peur que tu ne deviennes grise comme les autres et que je ne me retrouve seul à nouveau. Je ne veux pas être seul à pouvoir m'émerveiller devant une telle lune, un tel ciel…
- Je te le dirai, je verrai demain, il faut que je repense à tout ce que tu m'as raconté, il faut… je ne sais pas ce qu'il faut d'ailleurs.
- On en reparle demain… euh… enfin si on se voit… mais je…
Tu hésitais, n'osant trop lui dire que tu voulais absolument la revoir, parce que non seulement elle était la seule autre personne encore en couleur, mais aussi parce qu'elle te plaisait. Mais comment lui dire cela compte tenu des circonstances et sans avoir l'air de vouloir honteusement profiter de la situation.
- Laisse moi ton n°, je t'appelle demain matin dit-elle.

Elle t'embrassa sur les deux joues, grimpa les marches menant à sa porte d'entrée. Tu la regardais, elle se retourna en poussant la porte, te fit un petit signe et un sourire discret illumina son visage.

Tu es resté quelques instants en bas de chez elle, pensif. Tu étais toujours perdu dans tes pensées en rentrant chez toi et tu l'es toujours en écrivant ces quelques lignes. Tu crains qu'elle ne s'en aille, tu crains qu'elle ne devienne comme les autres, tu crains de perdre le peu d'attrait que tu as pu avoir pour elle ce soir. A. paraissait si calme par moment, et puis l'instant d'après terrifiée par ce qui se passe ici. Comment ne pas l'être autrement. Tu comprends qu'elle ait envie de fuir cette folie. Cette même folie qui t'attire irrésistiblement comme l'est un papillon de nuit par la lumière.

Tu vois son immeuble de ton balcon. Plusieurs fenêtres sont allumées. Peut être que derrière l'une d'elle, A. est en train de se demander ce qui peut bien se passer ici, d'essayer de trouver des réponses à toutes ses questions.

Tu es pressé d'être à demain, non pas pour savoir si les choses vont évoluer ici, mais pour la revoir. Cela faisait bien longtemps qu'une femme n'avait pas poser un tel regard sur toi, et ça, pour toi, c'est bien plus important que le reste. Les couleurs peuvent bien continuer à se cacher.

Kill Me Sarah | 11:39 |


dimanche, juillet 13, 2003

La Baule : 8ème jour

"I don't believe in the sun
How could it shine down on everyone
And never shine on me
How could there be such cruelty"

The magnetic fields : I don't believe in the sun

Tu t'es endormi sur la plage hier soir, saoulé par trop d'alcool et de tension. Tu t'es réveillé en pleine nuit, vers 3 ou 4h00. Tu as regagné ton appartement, âme solitaire errant dans des rues désertées, éclairées par des lampadaires dont la lumière n'était plus qu'un halo blafard.

Tu n'as fait que traîner dans La Baule aujourd'hui. Les touristes sont arrivés en masse avec les mêmes teintes fantomatiques que les autres. Les choses semblent s'accélérer. Que se passera-t-il ensuite? Cela t'effraie et tu n'oses l'imaginer. Tu as arrêté de regarder les journaux ou la télé, rien ne semble transpirer sur les évènements se déroulant ici.

La journée s'est déroulée tristement. Tu as erré comme une âme en peine le long de la plage et aux terrasses des cafés. Tu as même recommencé à lire, assis à l'ombre d'une terrasse de café. Tu t'habitues à ce nouvel environnement, sa laideur en devient presque banale. Tu attends la suite. Tu attends de voir jusqu'où ce qui semble être ta folie va te mener.

Tu as pu noter ce midi que toute la population avait maintenant perdu ses couleurs. La Baule et ses habitants se fondent tous dans des tons de gris. Il n'y a plus une seule tache de couleur, nulle part à part la mer et le ciel, toujours la mer et le ciel… Et toi…
Pendant un moment tu as eu l'espoir que le fait que tu aies conservé tes couleurs te rendrait plus visible aux yeux des passantes mais peine perdue. Personne ne croise ton regard, aucune femme ne s'est retournée sur toi. Tu le sais, tu t'es retourné sur toutes les jolies filles que tu as croisées. Finalement, tout est aussi triste, avec ou sans couleurs. Tu te sens même encore plus étranger à toutes ces personnes du fait que tu les vois différemment, comme s'ils étaient dénudés sans toutes leurs couleurs.

Et puis ce soir, pendant que tu retournais à ton appartement, désireux de prendre une douche compte tenu de la chaleur accablante qui règne ici, il s'est passé quelque chose. Tu marchais sur le remblai en direction du quartier Lajarrige où se situe ton appartement, le long de ces immeubles auparavant blancs, bleus ou beiges, mais uniformément gris maintenant, qui bordent le front de front de mer. Au loin, à environ 500 ou 600 mètres, une tache de couleur a attiré ton regard. C'était visiblement une femme dans une petite robe bleue assez courte. Sur le moment, tu t'es arrêté pour bien regarder, pour être certain que tu avais bien vu. Il ne semblait pas y avoir de doutes, cette fille était en couleur. Tu ne serais donc pas le seul, il y aurait au moins une autre personne qui n'aurait pas perdu ses couleurs?

Elle regardait à droite à gauche, levait la tête vers le ciel, regardait la mer, puis regardait de nouveau les passants assez nombreux. Visiblement, elle avait le même comportement effaré que toi quand tu as découvert ce qui était en train de passer. Avant que tu n'aies eu le temps de réagir, elle s'est mise à traverser la rue rapidement. Tu t'es mis à courir immédiatement et tu as vu qu'elle s'engageait dans une des rues perpendiculaires au front de mer. Il fallait absolument que tu la rattrapes.
Il fut un temps où tu courais beaucoup, tu avais même fait des courses importantes, avec certes des résultats modestes mais surtout la satisfaction personnelle d'avoir pu parcourir autant de distance en courant. Ce temps là est bien révolu, tu étais déjà essoufflé en arrivant à la petite rue dans laquelle elle s'était engagée. Elle avait marché assez vite, tu as juste eu le temps de la voir prendre une autre rue sur la droite un peu plus loin. Tu as continué de courir, dégoulinant de sueur sous le soleil. La rue débouchait presque immédiatement sur un rond-point ou plusieurs autres voies partaient dans différentes directions. Tu ne la voyais plus. Quelle rue avait-elle prise? Il y en avait une qui était en courbe, t'empêchant de voir assez loin. Tu choisis celle-ci. Mais ce n'était pas la bonne. Tu es reparti pour regarder dans les autres, toujours en courant. Mais tu l'avais perdue. Tu t'es arrêté à l'ombre d'un pin immense pour reprendre un peu ton souffle. Tu as ôté ton tee-shirt trempé de sueur. Merde, merde, merde!!! Tu t'es mis à crier dans la rue. 'chier, MERDE! Toi qui te plaignais qu'on ne te remarque pas, là c'était réussi. Tu n'avais pas fait attention mais il y avait pas mal de monde dans ce coin, rentrant de la plage avec leurs serviettes, leurs parasols, te regardant et se demandant ce que tu avais à jurer comme cela comme un possédé. Serait-elle rentrée dans cet immeuble carré assez imposant?

Tu as fais le tour de pâté de maison, tu as parcouru les rues adjacentes, tu as essayé de regarder partout, dans les jardins, sur les terrasses, sur les balcons des immeubles. Rien. Plus de trace de la fille en bleu.

Tu es rentré rapidement chez toi, et après avoir pris une douche et engloutit un magnum d'Evian, tu es ressorti. Tu as du parcourir la moitié des rues de la ville, plus particulièrement celles aux alentours des avenues où se trouvent les restaurants (il n'y en a que deux, mais à plus d'un kilomètre de distance ce qui ne facilite pas les choses…). Tu es entré dans tous les cafés et restaurants, inspectant salles et terrasses, tu as parcouru deux fois dans les deux sens le boulevard de la mer. Rien. Aucune trace de la fille à la robe bleue, aucune trace de couleur non plus. Elle aurait pourtant été facile à repérer au milieu de tout ce gris qui te fait horreur ce soir.

Tu as fini par rentrer chez toi dépité, affamé et assoiffé à plus de minuit sans l'avoir retrouvée. Tu es fatigué et tu as mal aux pieds d'avoir tant marché sous cette chaleur lourde malgré l'heure tardive. Un espoir est apparu, tu l'avais à portée de la main et tu l'as laissé s'échapper.
Tu te remettras à la chercher dès demain matin. Il y a assez peu d'endroits animés à La Baule pour que tu ne la trouves pas. Elle ne va pas rester enfermée chez elle, enfin tu l'espères. Tu espères surtout que pendant la nuit elle ne perdra pas ses couleurs, tu l'espères, tu l'espères… oh oui tu l'espères…

Kill Me Sarah | 15:58 |


samedi, juillet 12, 2003

La Baule : 7ème jour

"Did you ever wake up to find
A day that broke up your mind
Destroyed your notion of circular time
It's just that demon life has got you in its sway"

Rolling Stones : Sway

Comme tu le pressentais hier soir, la population est maintenant touchée.
Tout est toujours en noir et blanc. Mais ce matin, une grande partie de la population avait perdu sa pigmentation. Principalement les personnes âgées. Le syndrome semble vouloir les affecter en premier, même leurs chiens ont perdu leurs couleurs. Les enfants n'ont pas changé, les adultes arborent des teintes fadasses, et le troisième âge présente des teintes cadavériques. Sauf toi, qui n'a pas changé, du moins en apparence.

Le plus effrayant est peut être l'inévitable avancée du "phénomène" (tu ne sais pas comment le nommer), qui semble ne jamais vouloir s'arrêter. "L'inéluctable modalité du visible" comme dit James Joyce dans Ulysse.

Tu as raccompagné ta fille chez ses grands-parents aujourd'hui. Le plus étonnant a été de mesurer l'avancée du "phénomène". Plus tu rentrais dans les terres et plus les couleurs réapparaissaient. L'autoroute, jusqu'à Nantes, et les paysages alentours, avaient ce même aspect qu'à La Baule, du gris, toujours du gris. Puis, petit à petit, à mesure que les kilomètres défilaient au compteur, les couleurs semblaient revenir à la vie, très pâles jusqu'au Mans, puis plus vives ensuite mais sans avoir non plus leur éclat habituel. Le "phénomène" se développe donc par l'ouest, il est arrivé par la mer. Mais son avancée était sensible. Au retour, les paysages étaient blafards comme le long ruban de bitume de l'autoroute.
La route du retour t'a semblé être une descente aux enfers. Tu te sentais dans la peau d'Orphée. Tu ne sais ce qui te pousse à retourner à La Baule. Mais tu sens qu'une force intérieure te l'ordonne, comme si tu devais trouver ta propre vérité dans ce phénomène paranormal.

Ce soir, en te promenant dans le cœur de La Baule, dans l'avenue Charles de Gaulle, cette voie aux boutiques chics, aux trottoirs pavés de travertin rose et blanc, près des deux tiers de la population arboraient des teintes blafardes gangréneuses, leurs habits ayant déjà définitivement virés au gris.
Les hommes et les femmes commencent à se fondre dans les rues livides. L'uniformisation grisâtre est en marche et semble ne pas devoir s'arrêter.
Tout ceci se déroulant sans que tu ne puisses lire dans le regard des passants un quelconque signe d'inquiétude, voire de prise de conscience des évènements se déroulant. Tu ne comprends pas pourquoi tu sembles être le seul à te rendre compte du "phénomène". Ta peau a conservé sa coloration habituelle, peut être même plus colorée (rouge pourrait on dire) compte tenu du soleil. La folie ne serait-elle pas justement le fait de se croire seul sain de corps et d'esprit au milieu d'un monde en déliquescence.

Sous les pesants rayons du soleil, le ciel et la mer, dédaigneux du destin des pauvres mortels, étalent leur arrogance étincelante.

De retour à ton appartement, tu te regardais dans les glaces murales couvrant le placard du salon. Tu y voyais un homme d'un quarantaine d'année, en tee-shirt vert bouteille, au short beige, au teint légèrement hâlé, aux tempes (de plus en plus) grisonnantes, pas rasé, aux traits un peu tirés par la nuit précédente difficile et les kilomètres parcourus aujourd'hui, au regard triste, accablé d'incompréhension, dont le fatalisme lui fait légèrement courber les épaules. Un homme seul. Seul face à un drôle de destin qu'il ne semble pas avoir la force d'affronter, mais qu'il n'a pas non plus la force de fuir.

Une écrasante solitude pèse sur tes épaules. Tu as acheté une bouteille d'alcool fort, tu vas prendre le chemin qui mène à la mer, tu descendras le remblai pour arriver sur la plage, tu te mettras sur le sable, tournant le dos à cette ville fantomatique. Tu brancheras tes écouteurs et écouteras Exile on main street des Rolling Stones, fort. Tu l'écouteras en boucle comme tu vas boire, jusqu'à plus soif, en attendant la nuit. Cette nuit qui gomme et masque par ses ténèbres la terrible réalité d'un monde qui s'éteint.

Tu feras face à l'océan et la lune presque pleine qui luit déjà dans le ciel, cherchant dans sa blondeur se reflétant sur la crête des vagues, une explication à l'inexplicable.

Kill Me Sarah | 11:28 |




La Baule : 6ème jour

" The threads that run through your life
Hand from your sleeve
Wind through your soul
The kind you can't control
The kind you can't conceive
The kind you can't believe"

Mercury Rev : Tides of the moon


- Est-ce que tu vois les couleurs ma chérie demandas-tu à ta fille ce matin.
- Ben oui Papa, pourquoi? Il va pas bien le petit Papa ajouta-t-elle en rigolant…

Ca serait donc ça. Les autres continuent de voir le monde tel qu'il était avant, ou tel qu'il est toujours pour tout le monde sauf toi. Serais-tu épargné ou ton esprit aurait-il définitivement atteint les rives de la folie?

Pour toi, La Baule aujourd'hui ressemble à un film en noir et blanc des années 50, sauf que les personnages seraient eux en couleur. Toutes les couleurs des objets ont disparu. Les rues sont en noir et blanc, comme les maisons, les voitures; la plage est grise, les arbres, tout, tout, tout. Sauf la mer et le ciel qui en deviennent plus imposants et majestueux dans leurs bleus habituels. Tout le monde évolue dans ces décors en noir et blanc sans que qui que ce soit à part toi ne semble s'en préoccuper. Tu arpentes les rues avec ton regard halluciné, finalement plus ébahi par l'EFFRAYANTE NORMALITE de tous les passants que par la perte des couleurs. Est-ce qu'ils continuent à voir les objets tels qu'ils étaient avant ou est-ce qu'ils ne s'en rendent pas compte? Tu es le seul à t'esquinter les yeux en essayant de retrouver les couleurs perdues, allant même jusqu'à toucher les objets en vitrines pour essayer de comprendre. Mais pourquoi, POURQUOI?

On ne se rend compte de l'importance des choses que lorsqu'elles disparaissent. Regarder un monde en noir et blanc sous un ciel bleu liquide, c'est comme de perdre une dimension. La terre a perdu de son relief et ressemble maintenant à des décors de cinéma. Tout semble plat, sans vie.

Un nuage de pollution délétère aurait-il abordé les côtes de La Baule? Mais dans ce cas pourquoi serais-tu le seul à en voir les effets? Tu te poses cinquante fois les mêmes questions sans qu'aucune bribe de réponse logique ne vienne effleurer ton esprit. Et toute cette population qui ne voit rien, qui, elle, conserve ses teintes originelles. Leurs vêtements, leur peau plus ou moins dorée, ou rougie par le soleil qui paraît te narguer dans le ciel et déverse ses rayons pesants sur cette mer d'un bleu d'autant plus profond que la terre n'est plus qu'une palette de tous les tons de gris imaginables.

Ce soir, dans l'ascenseur, en remontant, tu as eu l'impression que ton voisin qui est monté avec toi, un vieillard à la peau tannée par le soleil que tu as déjà croisé plusieurs fois, avait perdu de son bronzage. Serais-tu en train d'halluciner où le phénomène s'attaquerait-il maintenant aux hommes?

Toi qui te plaignais il y a peu qu'il ne se passait rien, tu es servi. Tu es de plus en plus fasciné par l'océan. Vu du balcon, ce soir, il semble vouloir dévorer la terre de son impertinente supériorité.

Tu as pris la décision de ramener ta fille chez ses grands-parents. Tu ne peux continuer à la garder avec toi. Soit tu deviens fou et ce n'est pas raisonnable qu'elle reste avec toi, soit il se passe réellement quelque chose d'étrange et autant essayer de lui épargner ça. Les explications avec sa mère au téléphone tout à l'heure n'ont pas été simples. Comment lui faire comprendre… En fait ça c'est plutôt mal passé. Elle te soupçonne de ne pas vouloir rester avec ta fille et d'avoir inventé cette histoire absurde parce que tu aurais rencontré quelqu'un… Enfin peu importe, elle était finalement soulagée qu'elle ne reste pas avec toi.
Demain matin tu l'emmèneras chez ses grands-parents à 300km d'ici. Cela te permettra en plus de voir si les évènements sont uniquement localisés ou s'ils touchent le reste du pays. Tu reviendras ensuite. Quelque chose te pousse à revenir, comme une force implacable contre laquelle tu ne peux lutter. Si tu sombres dans la folie, tu veux savoir jusqu'où cela va te mener. Toujours rien dans les journaux, rien à la télé non plus, redevenue telle qu'aux débuts de l'ORTF. Tu désespères d'obtenir une quelconque information sur ce qui se passe ici. Tu ne sais que faire, tu ne peux en parler à personne sans passer irrémédiablement pour un détraqué mental… Cela te fait peur et tu n'arrives pas à décrire ton désarroi intérieur et cet abandon qui t'envahit de plus en plus.

Il est presque 22h00, le soleil couchant teinte le ciel de reflets rouges et orangés se mêlant au bleu dans une beauté irréelle; l'océan luit comme s'il était éclairé de l'intérieur tant ses couleurs éclatent à la surface. La ville semble être rongée par un cancer pernicieux. Tu sais que tu auras du mal à trouver le sommeil.

Kill Me Sarah | 11:16 |


jeudi, juillet 10, 2003

La Baule : 5ème jour

“Staring at the sea
Staring at the sand
Staring at myself
[...]I’m a stranger”

Cure : Killing an arab


Tu écris cela sur le balcon, face à la mer, surplombant la ville… grisonnante…
Contrairement à ce que tu espérais, le phénomène n'a pas disparu pendant la nuit. Il s'est accentué. Les couleurs de tous les objets sont de plus en plus pâles, ternes. Comme si l'on avait encore diminué le réglage des couleurs.

Dès ton réveil tu t'es rué sur le volet pour voir si tout était redevenu comme avant. Tu l'as remonté avec des gestes saccadés, impatient de savoir. Peine perdue. Les pins aux alentour étaient gris vert, les quelques toits de tuiles, d'un orange crasseux. Les voitures entraperçues sur la rue en contrebas ne laissaient transparaître leurs couleurs que sous un voile grisâtre. Même le tapis vert posé sur le balcon en fausse pelouse était d'un vert qu’on peut facilement qualifier de pisseux. Paradoxalement, le ciel, la mer, étaient une nouvelle fois d'un bleu profond, le soleil brillait de tout son éclat… jaune, classiquement, jaune. Le phénomène semblait les épargner.

Dans la rue, les personnes contrastent d'autant plus avec cet environnement fadasse, que leurs vêtements ont conservé toutes leurs couleurs, ainsi que leur peau.
MAIS QU'EST-CE QUI SE PASSE BORDEL?
Si tu avais un problème aux yeux, ou si ton cerveau était devenu incapable d'interpréter les couleurs, tu ne verrais pas le ciel bleu. Tu ne verrais pas les vêtements en couleurs !!! Alors quoi ???

A la plage cet après-midi, tout était presque gris, le sable aussi. Ce soir, les images à la télé avaient perdues une grande partie de leurs couleurs, même en forçant le réglage. L'écran de ton PC portable semble être en noir et blanc également. Et personne n'en parle, personne ne semble s'en apercevoir. Tu étais entouré de personnes âgées à la plage tout à l'heure (ces gens là ont un instinct grégaire particulièrement développé, la plage est immense mais ils viennent se coller à coté de vous…), tu épiais leurs conversations : pas un mot là-dessus. Ni dans le journal (tu as même feuilleté les feuilles à ragots régionales, rien). Rien non plus sur le journal de FR3 région. Rien de rien de rien. Tu n'oses pas questionner les gens, tu crains de passer pour un malade mental.

Il faut se rendre à l'évidence tu dois être le seul qui se rend compte de cela. Ce qui semble signifier que cela vient de toi. Tu dois être en train de devenir fou, c'est la seule explication plausible. Tu es inquiet. Que faire? Rentrer sur Paris pour te faire examiner par un spécialiste (mais quel genre de spécialiste?), attendre pour voir si les choses reviennent dans l'ordre? Tu n'as pas de mots pour décrire cette situation.
Tu as demandé à ta fille si elle voyait toujours les couleurs, elle t'a dit que oui. Mais l'imagination des enfants leur permet peut être de voir ce qui n'est plus. Tu ne sais plus...
Tu vas continuer à consigner par écrit tes observations sur ce curieux phénomène ou sur ta folie naissante. Dans tous les cas ton témoignage pourra être utile...

En couchant ta fille tout à l'heure, tu lui as lu Cendrillon. Les couleurs des illustrations semblent avoir disparues comme si le livre avait passé des années au soleil. Il est neuf, tu l'as acheté ce matin… Tu ne sais plus quoi faire, quoi penser… tu espères que demain tout ira mieux...

Kill Me Sarah | 16:45 |




La Baule : 4ème jour

”There are two colours in my head
There are two colours in my head
What, what is that you tried to say?
What, what was that you tried to say?”

Radiohead : Everything In Its Right Place

Etrange, étrange, étrange. Tu as dit étrange? Oui, étrange.
Etrange impression ce matin en ouvrant les volets. Tu ne t'en es pas rendu compte immédiatement, tu n'as pas saisi tout de suite ce qui te semblait étrange. Mais rapidement, tu as vu. Sous un ciel azuréen, la mer reflétait le bleu de ses flots au loin. Mais le reste paraissait… comment dire… Il y a beaucoup de maisons blanches avec des toits en ardoise ici, c'est pour cela que tu as eu besoin de regarder plus attentivement, mais les couleurs de la ville semblait être légèrement étouffées par une sorte de voile. Les pins devant ton balcon étaient d'un vert plus pâle que d'habitude, comme si les couleurs avaient perdu de leur saturation pendant la nuit. Sur le moment tu as cru à un phénomène optique ou climatique particulier.

Lorsque que vous êtes allés faire les courses, ta fille et toi, cela t'est apparu plus nettement. Les voitures, les vitrines, les trottoirs, les maisons, semblaient plus pâles. Un peu comme si on avait déréglé les couleurs d'un écran de télévision en diminuant la quantité de couleur. Tous les objets apparaissaient dans des couleurs ayant perdu de leur éclat. Mais le plus étrange, ce sont les vêtements, les tiens, ceux de ta fille, ceux des passants, qui avaient conservé leur éclat habituel. Voilà, ce matin, La Baule ressemblait au corsage lavé avec la mauvaise lessive qui mange les couleurs à force de lavage qu'on peut voir de temps en temps dans ces mauvaises publicités lessivières. Pourtant le soleil brillait dans le ciel qui conservait son bleu habituel, l'océan atlantique également, et sous une telle lumière ce n'est pas ce que l'on s'attendait à voir. Même le jaune de l'enseigne du bureau de poste de la place des palmiers s'était affadi.

Au marché de l'avenue Lajarrige, tu as tendu l'oreille, afin de savoir si cet étrange phénomène était dans les conversations, mais non. Pourtant, compte tenu du pourcentage de personnes du 3ème âge, friandes des commentaires climatiques, tu pensais que les conversations seraient animées. Mais non. Tu t'es dit que c'était toi qui devait avoir un problème visuel.

L'après-midi, tu es allé au cyber-café pendant que ta fille était au club des léopards, dont la décoration à points noirs sur fond jaune vif en temps normal (il faut bien justifier le nom du club) était moins vive que dans tes souvenirs. Toutes les boutiques de l'avenue Charles de Gaulle où se trouve le cyber-café, toutes les voitures présentaient le même symptôme. Rien ne transpirait non plus, pas un mot entendu sur ce sujet dans les conversations des personnes entrevues.

De plus en plus, tu es persuadé que tu as un problème visuel, cela ne peut pas être autrement. Cela t'inquiète un peu. Tu essayes de chasser toutes les questions qui te viennent à l'esprit, en te disant que demain, tout ceci aura probablement disparu. Vu de ton balcon, tu as l'impression ce soir que les couleurs se sont affadies un peu plus depuis ce matin, mais le soleil est voilé derrière les nuages, c'est donc probablement normal.
Il n'empêche, c'est tout de même extrêmement étrange. Oui, étrange…

Kill Me Sarah | 15:46 |


mardi, juillet 08, 2003

La Baule : 3ème jour

”Heaven is a place where nothing ever happens"
Talking Heads : Heaven

Aujourd'hui : Rien.
Il se passe toujours des choses même quand il ne se passe rien. On mange, on boit, on fait quelques courses, on va à la plage, on lit, on dort. Pas grand-chose. Trois fois rien. Ce qui fait toujours rien.

Un jour comme hier, un jour comme demain. Tous interchangeables. Sans rien, non rien, de neuf. Une journée de rien, faites de petits riens.

A part que ce soir, sur le balcon, alors que le soleil est en train de se coucher dans des cieux rougeoyants, flotte dans l'air une vague odeur d'ozone, ou quelque chose qui fait penser à une odeur d'ozone. Une sorte d'atmosphère électrique sans que le temps soit à l'orage. Assez étrange. Quelque chose d'indéfinissable mais que l'on perçoit comme anormal. Maintenant que la nuit est tombée, tu as cru voir des reflets phosphorescents à la surface de l'océan. Probablement des reflets lumineux. Tu dois être en train de te faire un film. Quand il ne se passe rien on a tendance à vouloir croire que n'importe quelle banalité est un évènement. Et aujourd'hui, justement, comme tu le disais, il ne se passe rien. Ca serait impossible de dire mieux : rien. Voire même : moins que rien.

Kill Me Sarah | 16:26 |




La Baule : 2ème Jour

"I went to a schrink to analyse my dreams,
She says it's lack of sex that's bringing me down"

Green Day : Basket Case


La Baule est rempli d'une population assez hétéroclite. Beaucoup de vieillards décrépis et plutôt arrogants, côtoyant la jeunesse dorée féminine post-pubère qui traîne son ennui et sa volonté d'attirer les regards. La mode cette année devant être au décolleté agressif ce qui te vaut des poussées d'adrénalines subites. Mode qui semble être également appréciée par les jeunes males déboulant sur leur scooter à tous les coins de rue. Il y a également une forte proportion de personnes dans la cinquantaine. Femmes au port altier et au cou couvert de colliers d'or, accompagnée d'homme grisonnant à la forme entretenue sur des cours de tennis ou des terrains de golf à la cotisation annuelle exorbitante. D'ailleurs, la concentration de Mercedes et de Jaguar indique qu'il semble de bon ton d'afficher ses signes extérieurs de richesse. Le reste est constitué de familles avec enfants.

Sur la plage les corps alanguis prennent le soleil. Philippe Besson, dans Son frère, a une belle phrase sur ces corps allongés dans un quasi dénuement mais tu ne l'as pas en tête, et pas le livre sous la main pour retrouver ce passage.
Tu regardes discrètement par-dessus ton livre, le regard caché derrière les lunettes de soleil, les gens autour de toi, ceux qui passent, marchant sur la plage. Tu évites les personnes âgées à la peau flasque, ton regard est plutôt attiré par ces jeunettes à la poitrine arrogante, arpentant la plage par groupe de trois ou quatre, défiant le reste de la population féminine de leur ventre plat. Et puis les femmes, plus ou moins charmantes, plus ou moins jolies, plus ou moins grosses.

Et toi, tu es là, sur la plage, regardant toutes ces personnes comme au spectacle, pendant que ta fille fait des trous dans le sable. Tu te sens étranger à tout cela, comme bien souvent. Cet après-midi, une femme d'environ 35 ans est venue s'installer près de toi avec ses deux enfants. Elle avait de belles jambes. Son visage et le reste de son corps semblaient disgracieux par rapport à ses jambes. Elle était légèrement devant toi dans son maillot de bain noir deux pièces. Tu pouvais contempler ses jambes à loisir. Elle semblait avoir la peau douce. Tu t'imaginais caressant ses longues cuisses fuselées. Tu imaginais même beaucoup plus que ces simples caresses. Tu serais bien venu mettre ta tête entre ses cuisses dorées et… hum, tu t'égares un peu… Bref, cela a constitué ta distraction de l'après-midi. Avant que l'on ne découvre une méduse d'environ 60 cm de diamètre échouée sur la plage. Depuis hier, il y en a plein qui restent sur le sable à marée basse. Une année à méduses.

Le soir, tu passes de longs moments sur ton balcon, bercé par la musique (toujours les 69 love songs).
Avant d’aller te coucher, tu viens écouter le silence de la nuit en regardant la lune se refléter à la surface de l’océan.

Kill Me Sarah | 15:52 |




La Baule : 1er jour

"You left me standing in the doorway crying
Blues wrapped around my head"

Bob Dylan : Standing in the doorway


Les derniers rayons du soleil couchant font scintiller sur la crête des vagues, quelques reflets dorés aux éclats envoûtants. Dernières illusions d'existence avant la plongée dans les ténèbres.

Sur le balcon, bercé par les 69 love songs de The Magnetic fields, tu regardes ces flammèches de lumière danser maladroitement sur l'océan. Il y a un an, tu étais sur ce même balcon, étreignant l'horizon de ton regard mélancolique. Les évènements de l'année écoulée défilent devant tes yeux. Les évènements, puis plus d'évènement du tout.
Comme quand l'insomnie gagne et que toutes les images du passé viennent frapper à la porte de la conscience, tambourinant de leurs poings sauvages. Tous ces visages qui défilent, souvenirs de moments heureux disparus, venant nous rappeler que ces instants là sont révolus, qu'il ne reste plus que des ruines de ce passé fastueux. Et toutes ses erreurs, ses hésitations, tout ce que l'on n'a pas dit, pas fait qui remontent à la surface comme des témoins à charge. Combien de fois as-tu assisté à ton propre procès ces derniers mois, tenant tous les rôles, de l'accusé, en passant par le juge et le procureur, tout cela pour te déclarer coupable invariablement.

Il faudrait que tu ranges ces souvenirs dans une boite métallique, comme celles de nos grand-mères, où elles mettaient ces gâteaux secs qu'elles nous offraient au goûter. Bien souvent les gâteaux n'avaient de sec que le nom, après un hiver passé dans cette fameuse boite aux vertus hermétiques immuables si l'on s'en tenait aux dires de tes grands-mères. Tu mettrais tout ça dedans, tu fermerais la boite avec un gros élastique large, ceux qui faisaient mal et laissaient des traces rouges lorsqu'ils claquaient sur nos cuisses. Tu irais enterrer ce coffre-fort de fortune au pied du grand pin en face de ton balcon, dont la cime est à ta hauteur, toi qui domine toute la baie de La Baule depuis ton sixième étage de cet immeuble construit sur une butte.

L'année dernière, tu contemplais l'océan avec des espoirs impossibles qui grouillaient en toi. Les espoirs se sont envolés avec le reste. Tu aimerais en retrouver des espoirs, pour combler tout ce vide mais ton horizon s'étend à l'infini sans que rien ne vienne en rompre sa monotonie.

Au loin, la silhouette d'un cargo se dessine sur l'horizon. Le vent frais te fait frissonner, la chair de poule apparaît sur tes bras. Il est temps de rentrer.

"J'étais plus heureux dans ce temps là. Mais était-ce moi? Ou bien, est-ce maintenant que c'est moi? […] On ne peut rien ravoir du passé. Comme de tenir de l'eau dans sa main. Voudriez-vous? Revenir en arrière? Recommencer tout. Voudriez-vous?"
James Joyce : Ulysse

Kill Me Sarah | 15:09 |


vendredi, juillet 04, 2003

Bon, voilà. Tu es en vacances. Tu pars demain matin direction La Baule.
Ton sac est plein de disques et de livres (Rolling Stones, une biographie de François Bon que tu as presque terminé, Ulysse de James Joyce, Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint, Desolation angels de Jack Kerouac, The Ax de Donald Westlake, Le bruit et la fureur de William Faulkner et La ballade de l'impossible d'Haruki Murakami... tu ne devrais pas manquer, tu ne pars que deux semaines... en commençant par Ulysse tu n'arriveras sûrement pas à tout lire...).

Pour les disques ça serait trop long à citer, tu as juste évité de prendre des albums que tu écoutais l'année dernière à la même époque, au même endroit, pour ne pas... pour ne pas... c'est tout.
Tu essaieras de venir poster de temps en temps, histoire de raconter tes vacances.

Et puis, juste comme ça, en passant, avant de partir, tu voudrais dire que Mr Scrima, n'a pas que talents graphiques, il en a aussi des sonores plein de douceur (et en plus sa discothèque recèle quelques trésors...).

Kill Me Sarah | 22:45 |




Tu vas aller te couper les cheveux, un bon coup de tondeuse. Il n'y a que lorsque tu viens de le faire que tu te trouves une tête acceptable. Peut être uniquement parce que tu as l'impression que ça te change. L'idée doit être là, dans le changement...
Seulement la tondeuse on ne peut pas la passer partout. En fait c'est l'intérieur de ton crane que tu devrais raser, pour faire du vide, pour respirer. Couper ces mauvaises pensées, couper tout ce qui ne va pas. Même si ça repousse ensuite. Mais se sentir différent pendant quelques jours. Quelques jours seulement...

"Why should I care
If I have to cut my hair?
[...] 'Cos inside I'm just the same"

The Who : Cut my hair

Kill Me Sarah | 10:05 |


jeudi, juillet 03, 2003

(Via Emmanuelle)

Ca va plaire à Marylène, La chapelle Notre-Dame-de-Jérusalem décorée par Cocteau en vision panoramique.

Kill Me Sarah | 09:23 |




"I've had enough of living
I've had enough of dying
I've had enough of smiling
I've had enough of crying
[...] I'm bored with hate and passion
I've had enough of trying to love."

The Who : I've Had Enough

Kill Me Sarah | 08:40 |


mercredi, juillet 02, 2003

Tu as fait un test vu sur un blog tu ne sais plus où. Quel est votre âge mental? La réponse est sans appel : 16 ans. Paf. Pas une surprise cela dit, et puis quelle valeur peut-on donner à ces tests idiots? Aucune bien sur. Néanmoins, le profil d'ado attardé ne te surprend pas, c'est globalement ce que tu es dans un sens. Enfin plus ou moins, suivant les jours, les situations. Il y a pire, c'est ce que tu te dis, et puis cela permet de garder une part de rêve en soi. Mais tu vis tes aventures sentimentales comme un ado attardé. Certainement parce que tu as raté quelque chose dans ces années là, et celles qui ont suivi d'ailleurs. Le temps perdu ne se rattrape pas. Tu cours probablement derrière des chimères illusoires. Parfois tu voudrais pouvoir revenir en arrière, histoire de vivre ta vie autrement. Le plus simple serait de réussir à trouver le courage nécessaire pour changer pendant qu'il en est encore temps...

"To spend a little time happy to be by your side.
Baby, won't you let me have a little time to hide. "

Wings : Time to hide

Kill Me Sarah | 11:44 |


mardi, juillet 01, 2003

Sensations étranges depuis déjà quelques jours. Des hauts, des bas, très rapprochés, inexplicablement. Comme sur un scenic railway infernal qui ne s'arrêterait jamais.
Tu es pressé de pouvoir aller t'assoir face à la mer pour regarder le soleil se coucher...

"the world grows dark and bones get cold
you look into your heart and you know
there's something still missing

Calexico : Missing

Kill Me Sarah | 21:55 |


Ego
Sexe : M / Age : 44
Profession : Aucun interet
Situation : Helplessly Hoping

14 jours à La Baule (Pdf)

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Playlist
Dresden Dolls : Dresden Dolls
Andrew Bird : The Mysterious Production Of Eggs
The Arcade Fire : Funeral
Rufus Wainwright : Want two
Nirvana : When the lights out
Eels : Blinking lights and other revelations
Beck : Guero
I am Kloot : Gods and monsters
The Smiths : The world won't listen
Hood : Outside closer
V.a : Golden apples of the sun
Jude : Sarah
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