Un temps humide, trop poisseux pour être honnête. Un temps qui colle aux vêtements, à la peau. Qui s'insinue presqu'à l'intérieur. Tu restes enfermé, chez toi, au chaud. Tu baisses un peu les lumières. Tu écoutes ce concert d'Elliot Smith enregistré à Washington en 98 pour oublier que les discussions sur la sortie de l'album qu'il était en train d'enregistrer ont déjà commencées. Et ce sont des rayons de soleil qui sortent des enceintes. Toutes ces chansons, belles et lumineuses comme les sourires d'une fille amoureuse. Comme cette reprise de Thirteen que tu ajoutes sur la radio en plus des autres (hum... faites une pause avant d'enchaîner sur les chansons qui suivent... le choc risque d'être un peu... rude sinon...). Pour oublier cette poisse, cette pluie grise. Pour rêver d'un sourire de fille amoureuse aussi...
En ce moment tu as l'impression de marcher sur un chemin escarpé, très étroit, perdu entre deux précipices abrupts. Comme sur la crête d'une montagne aux flans vertigineux. Tu ne sais pas où te mène ce bout de terre étroit. Tu sais que tu peux glisser, faire un faux pas à tout instant. Mais tu continues d'avancer. Grisé par l'altitude, ton regard éclairé par l'horizon pur et dégagé. Tu marches, tu ne peux t'arrêter, malgré le risque, malgré le vide. Plus bas, les nuages te masquent le gouffre qui s'étend à tes pieds. Parfois tu es gagné par les prémices d'une euphorie étrange, presque coupable. Malgré la lumière éclatante, tu ne vois pas où mène ce chemin. Il serpente devant toi mais s'efface étrangement vers l'horizon, comme s'il ne voulait se laisser dévoiler qu'au fur et à mesure. Pour attiser ta curiosité, pour te pousser à continuer à le découvrir. Alors tu avances de tes pas mal assurés, avec le pincement de la peur qui vient tordre ton estomac par moment. Tu penses "plus dure sera la chute". Mais finalement tu crains plus cet inconnu qui t'attire...
"20,000 miles to an oasis 20,000 years will I burn 20,000 chances I wasted waiting for the moment to turn
I would give my life to find it I would give it all Catch me if I fall" REM : Texarkana
Un programme qui se veut différent. Plus gai, plus léger. Enfin disons moins triste, moins mélancolique. Plus enlevé aussi, plus rythmé. Pas certain d'avoir atteint l'objectif. Tu es moins à l'aise dans cette catégorie. Et la notion de musique gaie est très relative chez toi. Quelques très belles chansons néanmoins. Tu as laissé les chansons d'Elliot Smith. Elles sont en bas de la playlist de la radio. Ainsi que Chet Baker, Costello et d'autres.
Se taire quand les mots des autres touchent autant :
"Je ris. Un jour il y a longtemps j'ai écrit : la brume est une femme. Et puis j'ai oublié. Et un jour, hier, une femme m'attend dans la brume et je ne suis pas là. Tout me fait rire quand j'ai trop envie de pleurer. J'oublie la brume et mes mille milliers d'heures perdues en pure perte à moi toute seule à lire et à réfléchir et à dériver ailleurs qu'ici, sur des sables mouvants et délirants. " Annie : Love and writing project : Voyelle
Imperial Costello hier soir au casino de Paris. Seulement accompagné de Steve Nieve au piano, pendant près de 3 heures Costello a été immense, époustouflant, exceptionnel, majestueux, émouvant. Jamais tu n'as eu autant de frissons à un concert. Il faudrait parler de tout, de sa voix énorme, de la qualité musicale des chansons, de son humour, de sa sensibilité... Lorsque sur I want you, après un climax orchestral, il calme tout, et dans un rai de lumière, sur les accords feutrés du piano nous susurre "I want you, I'm afraid I won't know where to stop, I want you, I'm not ashamed to say I cried for you, I want you", tu étais tétanisé, abasourdi. L'enchaînement avec Almost blue t'aura définitivement terrassé, des frissons parcourant ta colonne vertébrale, te donnant la chair de poule. "Almost blue Almost doing things we used to do There's a girl here and she's almost you Almost all the things that your eyes once promised I see in hers too Now your eyes are red from crying"
Il finira par chanter quatre ou cinq chansons (on ne l'arrêtait plus) à la fin du concert sans micro, comme si l'on était dans son salon. Étourdissant. Inoubliable.
Le réveil n'a pas encore sonné mais tu te lèves déjà. Tu sais que vas tourner un peu en rond, que tu n'es pas bien réveillé mais tant pis. La douche n'y fera rien. Tu n'arrives pas à entrer dans ce lundi. Un bout de toi est toujours dans ce dimanche. Tu avais pris Mutations de Beck dans la voiture hier, tu savais que tu l'avais laissé dans le lecteur, tu n'en as pas pris d'autre. La voiture conduit presque seule, guidée par l'habitude.
Tu t'arrêtes après le pont de Bonneuil, pour aller photographier ces nappes de brumes légères qui flottent sur la Marne dans les pales rayons du soleil, pour essayer de capturer cette beauté éphémère et impalpable. La brume, le brouillard te fascinent toujours. Une si jolie façon de se cacher.
Tu n'arrêtes pas de penser aux mots, à ces mots qui sont parfois si durs à dire, ceux que l'on a du mal à écrire, ceux que l'on cache derrière d'autres plus anodins, ou plus durs, c'est parfois tellement difficile que l'on fait ce que l'on peut. Et Beck chante sa ritournelle dans les rues de cette banlieue qui te semble irréelle ce matin. Tu l'as mise trois fois de suite cette chanson, cette magnifique chanson. Bien sur elle t'a fait sourire. Tu te dis que peut être elle fera sourire aussi...
"its such a selfish way to lose the way you lose these wasted Blues these wasted Blues
tell me that it's nobody's fault nobody's fault but my own that it's nobody's fault nobody's fault but my own" Beck : Nobody's fault but my own
Ca germait en toi depuis deux ou trois jours. Mais là ça devient évident. Tu es décevant. Si tu regardes en arrière, ça saute aux yeux. Tu as toujours fini par décevoir. En toutes circonstances. C'est ce blog qui finalement te le révèle par un jeu de contrastes. Là où Kill Me Sarah peut susciter de l'intérêt, là où KMS peut plaire, voire même, éventuellement, séduire, Bernard déçoit. Pourtant c'est bien la même personne, KMS ne ment pas, c'est Bernard qui parle au travers de KMS, c'est bien toi. Mais KMS semble passer une légère couche de vernis sur la façade et les murs de Bernard. Légère mais suffisante pour te rendre plus brillant. KMS est moins insignifiant que Bernard. Mais dans la réalité, le vernis s'étiole, craquelle, Bernard devient tel qu'il est, terne et décevant. Là où KMS peut éventuellement entretenir une certaine illusion, Bernard montre la décevante vérité. La vérité est bien souvent décevante. Dans Le voyage au bout de la nuit, Céline dit "La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi". Tu ne sais pas mentir non plus. Ou pas vraiment. Pas assez. Pire que tout, tu ne crois pas à tes mensonges.
"So that's why I'm here, the bleeding boat drifted off and l'm stuck here in the pissing rain with my life flashing before me. Only it isn't flashing, it's crawling. Slowly. Now it's just the bare bones of what I am. Schizophrenic? I'm Bleeding Quadrophenic."
Tu as éteint les lumières. Seule la flamme de la bougie fait danser des ombres sur le mur du salon. En mai tu avais écrit un post sur Chet Baker. Tu l'as relu hier. Assez étonnamment, tu trouves ça bien ce que tu as écrit, même plusieurs mois après. C'est tellement rare. Ca doit vouloir dire que ça aurait pu être écrit par n'importe qui. Tu trouves ça bien parce que ces mots ne te ressemblent pas, parce qu'ils ne semblent pas t'appartenir... Tu voulais mettre la version de My funny valentine puisque tu en parles mais tu as prêté le CD. Alors tu mets Someone to watch over me sur la radio. Un peu triste pour un samedi soir où des ombres dansent sur le mur. Mais en même temps...
Un jour, que tu ne verras peut être pas, les progrès technologiques seront tels que l'on pourra se faire greffer un petit appareil photo relié au cerveau. Tu rêves de ça. Pouvoir prendre une photo qui soit exactement ce que tes yeux voient. Avec un appareil photo classique, on a une vision toujours différente, tous ceux qui prennent des photos savent que ce n'est jamais exactement ce que l'on voit (problème de focale, d'éclairage bien souvent). Alors toi tu rêves de ça. De ce petit appareil connecté à ton cerveau. Pas au nerf optique non, au cerveau, pour que l'appareil n'enregistre que l'image que tu perçois. Il fait le tri le cerveau. Quand la fille te sourit et a un regard profond, pénétrant, avec une étincelle de malice, un de ces regards qui te remue, qui fait que forcément tu ne trouves plus les mots, tu ne vois plus le mur du café derrière. Il disparaît. Tu ne vois que ses yeux, ses sourcils joliment dessinés, ce pétillement dans le regard. Tu vois aussi son visage, son sourire, sa peau que tu imagines douce, tu te disais déjà que tu la trouvais jolie, et là ce regard te fait fondre. Alors forcément tu ne vois pas le mur du café derrière. L'appareil photo le verrait, ça et le reste, tout ce qui n'est pas intéressant, mais pas toi. Et là, juste à cet instant précis, tu prendrais la photo. Parce que des regards comme celui là, tu n'en vois pas tous les jours. Tu voudrais le garder. Tel quel. Parce qu'il te donne la sensation d'exister. Et puis c'est tellement fragile comme instant que tu voudrais l'empêcher de disparaître. Bien sur la mémoire conserve cette image, mais tu doutes tellement que tu finis au bout d'un moment par te demander si cet instant a vraiment existé. Ta mémoire n'est pas fiable, tu la pervertis avec trop de pensées. Hum, hum... tu te demandes si tu as bien fait d'écrire tout ça... Samedi matin, pas certain d'être bien réveillé, tu divagues. Tu vas aller prendre un bain...
Le plus simple est sûrement de parler d'autre chose. Tu as toujours peur de briser des choses tellement fragiles et tu aimes ce qui est fragile. Tu n'es pas très adroit non plus. Ca n'aide pas. Tu penses à une chanson de Robert Wyatt, ou plutôt aux paroles du début de la chanson, juste la première moitié. Tu ne dis pas le titre, tu ne les mets pas non plus ces paroles. Timidité. Pas très adroit non. Alors tu parles du temps. Que tu voudrais arrêter parfois. Souvent. Ca doit être pour cela que tu ne mets plus de montre. La pile de la tienne a rendu l'âme il y a un mois ou deux, tu ne l'a pas changée, tu ne le feras pas. Tu n'en as pas envie. Tu restes sans montre. Peut être pour ne plus le voir passer ce foutu temps. Comme si cela servait à quelque chose. S'il suffisait de ne pas changer les piles des montres. Il faudrait que la vie soit aussi simple que ça. Un remplacement de pile. On n'avance plus, on ne tourne plus rond. Hop, on change la pile. Ou carrément on change de montre. Plus radical. Mais voilà, toi tu n'en mets plus. Quelque part c'est un signe...
"Singing a song in the morning Singing it again at night Don't really know what I'm singing about But it makes me feel all right" Kevin Ayers : Religious experience (singing a song in the morning)
Quand un artiste disparait, il y a parfois des morceaux de soi qui partent avec lui. C'est le cas pour toi avec Elliot Smith parce que tu l'associais à certains instants de ta vie, à des moments inoubliables. Alors forcément ce soir tu as mis ses disques, XO, Figure 8, les deux premiers albums, et surtout Either/or auquel tu restes particulièrement attaché pour des raisons sentimentales. C'est un grand artiste qui est parti. Mais les paroles sont bien vaines, il reste les souvenirs et sa musique. Alors tu mets quelques unes de ses chansons sur la radio :
La magnifique Waltz #2 (voir dessins de David Scrimaici et ici), Everything reminds me of her, Angeles enregistrée live à Paris au mois d'avril 2000, un concert où Elliot Smith avait joué seul avec sa guitare, et Say yes, cette superbe chanson qui ferme Either/or.
"she'll decide what she wants i'll probably be the last to know no one says until it shows and you see how it is they want you or they don't say yes i'm in love with the world through the eyes of a girl who's still around the morning after"
Ce soir, Paris, Bercy, Bowie... catastrophe (prononcer à l'anglaise : catastrophiii)
Gosh. On va dire qu'il était fatigué le David. Ou malade. Ou les deux. Oui voilà, ça te va bien ça, il était malade ET fatigué. Parce que sinon... Un Bowie sans vie, sans voix, avec un groupe fade, monolithique et bancal (Earl Slick s'en est sorti à peu près, Mike Garson était inexistant, les autres sont à oublier... ils devaient être malades ET fatigués aussi). Sur Breaking glass, Bowie ira même jusqu'à arrêter tout le monde au milieu pour recommencer à zéro tant le groupe était apathique. La deuxième tentative n'aura pas été bien meilleure. On passera sur le départ manqué de Be my wife et par charité chrétienne tu n'évoqueras pas Sound and vision (les chansons de Low ont été les plus maltraitées). Il s'en est bien rendu compte d'ailleurs, il faisait la grimace le thin white duke. Contrairement à Courtney Taylor des Dandy Warhols (pas super convainquant, mais un excellent Godless) qui nous a expliqué qu'il n'était pas très en forme parce qu'il avait trop picolé la veille, "We're not drunk" nous dira Bowie bien conscient du carnage. Si c'est la Vittel qui fait cet effet là... Du coup, un seul rappel, et tout le monde a disparu piteusement dans les coulisses après que Bowie se soit égosillé à en perdre définitivement la voix sur le final de Ziggy Stardust. Tu voulais le voir une dernière fois. C'était une fois de trop. Un concert à oublier. Bowie sur scène, pour toi, c'est fini.
Envie de te réveiller ailleurs, autrement, pas comme ça, pas comme tous les matins. Envie de te réveiller différent, envie de rester au lit, pas seul, avec elle, ou elle, ou elle, ou elle peut être, il y en a qui te plaise, tu ne leur diras probablement jamais, tu ne sais pas pourquoi, compliqué. Envie de te réveiller dans la douceur, dans le sensuel. Envie d'avoir envie d'avoir envie d'avoir envie...
"It's in your eyes, Uncomplicated" chantait Elvis Costello dans la voiture ce matin. Pas compliqué... tout ce que tu n'es pas. Tu aimerais vivre les évènements plus simplement, juste pour ce qu'ils sont, sans aller chercher plus loin. Mais il faut que tu partes systématiquement dans des tas de pensées, dans des ramifications insensées, tu inventes des complications utopiques et au final tu restes toujours sur la réserve, tu ne te lâches jamais vraiment. Tu viens gâcher des plaisirs simples, tu les étouffes dans des craintes imaginaires, dans des doutes constants. Probablement parce que tu as peur de toi. Sans savoir pourquoi. Tu ferais mieux d'utiliser ton imagination à des fins plus constructives, plus créatrices. En fait tu génères seul tes propres frustrations... Hum... compliqué tout ça...
"still don't know what I was waiting for And my time was running wild A million dead-end streets Every time I thought I'd got it made It seemed the taste was not so sweet So I turned myself to face me...
[...]Ch-ch-Changes Just gonna have to be a different man Time may change me But I can't trace time"
Le rhume te fait flotter dans un cocon ouaté. Dans ces instants, l'imaginaire se fait plus prégnant. Comme si ton corps ressentait tes pensées de façon plus fortes de par sa plus grande sensibilité exacerbée par la fièvre. Comme s'il exprimait un besoin sensuel plus fort. Peut être également parce que le soir, à l'approche de la frontière invisible du sommeil, tes pensées deviennent plus... érotiques. Tes mains, ton corps, tes lèvres appellent dans tes rêves le contact d'une peau douce, chaude. Le besoin de contact charnel vient effleurer tout ton épiderme, le fait presque frémir. Sensations étranges, plutôt agréables. Ou alors l'actifed a des propriétés insoupçonnées.
"I have these hands beating with love for you And you're not here to touch Sent you away, what else can I do When I need something that much?" Tindersticks : City sickness
Deux adultes qui ne le sont peut être pas tant que ça, qui flânent sur le boulevard St Michel, longent le jardin du Luxembourg, un oeil sur leurs filles. Des notes de trompette, de saxophone flottent dans leurs conversations. Des notes bleues, portées par l'air froid. Deux adultes qui s'émerveillent de la couverture du dernier Mojo devant des enfants qui rient. Ton samedi.
"Le Chat qui Pêche Rue de la Huchette Paris at night and the strains of a ghost saxophone" Robert Wyatt : Old Europe
Le palmares de l'opération Biblioblog vient d'être publié. Pas énormément de participants ce qui est un peu décevant mais bon... Dans les livres le plus cités, celui qui arrive en tête est Le voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. Un bon choix, tu ne peux pas dire autrement.
"Si j'étais pas tellement astreint, contraint, je supprimerais tout... surtout le "Voyage"... Le seul livre vraiment méchant de tous mes livres c'est le "Voyage"... Je me comprends... Le fonds sensible..."
"J'ai toujours aimé le désert. On s'assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n'entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence... -Ce qui embellit le désert, dit le petit prince, c'est qu'il cache un puits quelque part..." Le petit prince
Et puis, subitement, parce que tu viens de parler d'Alain Bashung dans un mail, tu mets sur la radio sa reprise des mots bleus de Christophe. Tu as eu envie de l'écouter. Comme ça. D'un seul coup. Peut être histoire de glisser un peu plus vite : "Je lui dirai les mots bleus Les mots qu'on dit avec les yeux Parler me semble ridicule Je m'élance et puis je recule Devant une phrase inutile Qui briserait l'instant fragile..." (hum... c'est Jean-Michel Jarre qui a écrit ces paroles... étonnant non?)
Voilà, tu glisses. Tu ne tombes pas non. Tu glisses, en douceur, comme si le sol se dérobait lentement sous tes pieds. Ce n'est pas très agréable. Mais tu as l'habitude. Tu ne luttes plus. Tu te laisses entraîner. Tu sais que ça va s'arrêter et que tu pourras reprendre ta marche. Mais ça finit toujours par revenir. Comme ça. Sans prévenir. Surtout sans prévenir, presque lorsque tu t'y attends le moins. Bêtement en fait. Trop souvent surtout. Tu mets un disque plein de douceur pour accompagner ce lent mouvement inexorable et déplaisant. Celui de Lady & Bird (pour ne pas dire Keren Ann et Bardi Johannsson (le monsieur de Bang Gang)). Où l'on trouve cette reprise de Suicide is painless, la chanson de la B.O de M.A.S.H. de Robert Altman. Forcément, c'est sur la radio.
"The return of the thin white duke Throwing darts in lovers' eyes"
Stationtostation dans la voiture ce matin. Tu arrives au bureau. Pareil, toujours pareil. Un jour… un jour tu trouveras le courage, tu laisseras tout tomber, tu ouvriras ton petit magasin. Ca fait des années que tu y penses. Tu y vendras des disques et des livres. Oui forcément, ça fait très Rob dans High fidelity, sauf qu'il ne vends pas de livres, mais ça ne change pas grand chose. Il y a aura des rayons plein de CD, plein de vinyls d'un coté, plein de livres de l'autre. Sélectionnés, tu ne vas pas vendre n'importe quoi non plus, on n'y trouvera pas le dernier étron de la Star Ac'. Tu essaieras de réserver un petit espace pour que des groupes puissent venir faire des show cases. Tu présenteras tes coups de cœur, tu feras un petit coin lecture, tu... enfin tu as quelques idées... Pas certain que la clientèle se bouscule dans les rayons, mais au moins tu passeras tes journées dans un environnement agréable, dans Ton environnement, plutôt que de tourner et retourner ces chiffres sans signification, sans âme dans tous les sens. Comme d'habitude tu rêves... Un jour... un jour tu trouveras le courage, la volonté et l'argent pour te lancer. Le courage surtout. C'est peut être cela le plus difficile à trouver...
Il y a des mauvaises nuits parce que l'on n'arrive pas à s'endormir, on se tourne et se retourne mais le sommeil ne vient pas. Et puis il y en a d'autres où l'on se réveille en plein milieu de la nuit. Et c'est le même manège. On se tourne, on se retourne, mais le sommeil n'est plus là. Il s'est envolé. Ca doit être ton rêve qui t'a éveillé un peu avant 3h00. Tu ne sais pas trop pourquoi, il n'avait rien de particulier pourtant. Ou quelque chose t'a échappé. Ensuite les pensées ont fait comme toi. Elles ont tourné et retourné. Comme ces visages aussi. Et tout ce que tu inventais autour. Peut être un trop plein qui avait besoin de s'évacuer de cette manière. Ils étaient souriants ces visages pourtant. Mais à un moment donné l'histoire déraillait. Tes histoires déraillent trop souvent. Alors parce que les heures passent et trépassent, tu te lèves, tu viens devant cet écran. Tu restes dans le silence, comme si tu ne voulais pas briser définitivement cette nuit qui n'existe déjà plus. Et tu jettes ces quelques mots, parce que ça permet à ces visages, à ces pensées d'arrêter de tourner et de retourner. Histoire aussi de froisser cette nuit comme un vulgaire brouillon et de la mettre à la poubelle.
"When I say I'm so sad about, Not so glad about, I'm so mad - I can't sleep tonight" The La's : I can't sleep tonight
Un temps à s'asseoir face à l'océan, à regarder les vagues déferler sur la plage, l'esprit ailleurs, sans savoir où. Sentir des mains qui se posent sur tes épaules, un corps qui se plaque contre le tien. S'échapper un instant, à deux. Oublier le reste du monde. Egoïstement. Passer un instant entre deux parenthèses. Entre ces deux rondeurs réconfortantes. Tu rêves...
"well i'm floating on air when i'm daydreaming i quietly observe, standing in my space" Massive Attack : Daydreaming
Tu écoutais cet album de Jeff Buckley tout à l'heure, ce magnifique Live at sin-é qui vient de ressortir en double album. Tu t'étais dit que tu allais en parler. De ces reprises, Dylan deux fois, Van Morrison, The Band, du fantastique Night Flight de Led Zeppelin et de Nusrat Fateh Ali Khan dont Jeff reprend une chanson sur cet album. Des embryons de Grace également qui parsèment ce disque. Et puis voilà, tout ceci te semble tellement dérisoire ce soir.
Alors tu te dis que tu vas mettre un morceau de Nusrat Fateh Ali Khan, ce chanteur Paskinais adulé par Buckley, soufiste, qui ne chantait (parce qu'il s'est éteint en 1997) que pour son dieu et ses prophètes. Parce que sa musique est une incantation, une invocation. Parce qu'il chante des prières, parce qu'il chante la transe. Les Dieux, les prières, tu n'y crois pas. Mais pourtant ce soir, une prière tu en as une, pas pour toi, pour Elle. La voix magique de Nusrat Fateh a peut être des pouvoirs. Qui sait. Ecoutez Haq Ali Ali Haq sur la radio, écoutez ce morceau fort.
Forcément, d'en parler depuis quelques jours, il fallait que tu le réécoutes. Et puis cela faisait longtemps. Alors ce soir tu as mis ATWIAD (ça c'est pour les initiés, pour les autres dont tu fais partie c'est Around the world in a day). Oui, Prince bien sur (non pas de lien parce que le site de sa majesté ce n'est que pour les membres, et en bas de la page pour s'inscrire il y a la zone pour le n° de carte de crédit donc non merci...). Et la magie intemporelle de Paisley park, Raspberry Beret, Pop life fonctionne toujours.
Ce disque te fait penser à ton premier appartement. Et aux appliques que tu as cherchées pendant pas mal de temps. Tu voulais qu'elles soient accordées au papier-peint. Tu as le souvenir de visites de magasins de luminaires avec ce disque (ou plutôt la K7) qui tournait en boucle dans la voiture. Tu avais tout le temps, tu sortais de la fac, tu n'avais pas encore de travail. C'est marrant, tu les revois accrochées au mur de ton petit salon, avec la petite table basse noire premier prix chez Ikéa, tes étagères où s'étalaient tes vinyls et la vingtaine de CD que tu possédais à l'époque. Tu les as toujours ces étagères, elles croulent maintenant sous les CD dont le nombre a du être multiplié par au moins 40 entre temps... C'est étonnant parfois ces images qui sont associées à une chanson. Pop life te fera toujours penser à cet hiver 85/86 où il faisait si froid que la neige avait couvert les rues pendant presque deux semaines en région parisienne. Tu ne peux l'écouter sans revoir ce ciel gris, bas et lourd, chargé de nuages, ces foutues appliques, en forme de fleur, plutôt moches au demeurant, ce petit appartement et ces après-midi passés à écrire des lettres de candidatures que tu envoyais à la chaîne. Quelque part, la fin d'une certaine insouciance... What's the matter with your life..."
"Pop life Everybody needs a thrill Pop life We all got a space 2 fill Pop life Everybody can't be on top But life it ain't real funky Unless it's got that pop Dig it"
Climat étrange ce soir, une ambiance poisseuse, lourde comme un vendredi soir à traîner devant ton écran. Sans vraiment savoir pourquoi comme bien souvent. Ou toujours pour les mêmes raisons ressassées. Ou parce que la jolie Cat Power gémit dans les enceintes "We made no sense, No sense, We had no sex". En même temps elle n'a pas tort. Et puis les mots te fuient, deviennent aussi inaccessibles que cette fille. Tu ne trouves plus les mots. Tu ne trouves plus rien d'ailleurs. Alors que tu souhaiterais qu'on te trouve. Paradoxes, incohérences, tu t'enlises.
"It's damned if you don't and it's damned if you do Be true 'cause they'll lock you up in a sad sad zoo Oh hidy hidy hidy what cha tryin to prove By hidy hidy hiding you're not worth a thing" Cat Power : Metal heart
Une sélection peut être un peu déséquilibrée (certainement un peu comme toi...) qui commence d'une manière plutôt joyeuse (si, si) avec XTC et Belle & Sebastian et qui dérive rapidement vers les berges de la mélancolie comme bien souvent. Néanmoins de belles choses à écouter et/ou à découvrir comme Baxter Dury, Sebastien Tellier, le Phantom's theme. Et puis se laisser emporter sur le Still Cold de Mazzy Star et le Because d'I am kloot avec ses paroles qui ne pouvaient que te faire craquer :
She turns the blue sky back, she puts me on my back Is it the night time, it's a lifeline to the day, It will come again.
Kill me before you die, kill me before you die, Cos I love you, cos I love you, don't let it go, It will come again
Beauté glacée "cathodisée" sur ton écran hier soir, apparition irréelle. Elle te regarde, elle te parle. Tu penses à Vidéodrome. Il y a des soirs où le monde ressemble de plus en plus à un film de David Cronenberg. Et Terminator est élu gouverneur de Californie...
In every dream home a heartache And every step I take Takes me further from heaven Is there a heaven? I'd like to think so Roxy Music : In every dream home a heartache
Tu voulais changer le programme de la radio ce soir, la liste est presque terminée et puis... le courage te manque, tu feras ça demain, parce que ce soir est un soir où tu ne sais pas quoi écouter, pas quoi lire, pas quoi faire en fait. Et pourtant il y aurait de quoi. Mais voilà, ce soir la procrastination l'emporte. Comme bien souvent. Ou la lassitude. Ou les deux. Qu'importe. Alors tu mets See the sky about to rain sur la radio. Parce que cette chanson te trotte dans la tête depuis tout à l'heure. Parce que... en fait il n'y a pas vraiment de raison. Juste comme ça. Comme une parenthèse.
"See the sky about to rain, broken clouds and rain"
C'est souvent Neil Young qui vient tournoyer dans ton esprit lors de ces journées d'automne maussades. Tu regardes la pluie tomber par la fenêtre. Tu voudrais bien sentir des bras t'enlacer, là tout de suite. Mais au bureau... et puis même, ou sont-ils ces bras, a qui appartiennent-ils? Questions sans réponse. Alors tu imagines les notes du Wurlitzer de Neil bercé par les gouttes de pluie s'écrasant sur le rebord de la fenêtre...
"- Il me semble que j'ai toujours essayé d'être quelqu'un d'autre. Il me semble que j'ai toujours voulu aller vers des gens et des lieux nouveaux et différents, pour m'inventer une vie nouvelle, devenir un être au caractère différent. J'ai répété ça à plusieurs reprises dans ma vie jusqu'à présent. En un sens, devenir adulte, c'était ça, et en un autre sens, ce n'était qu'un changement de masque chaque fois. Quoi qu'il en soit, en tentant de devenir un être nouveau, je tentais de me libérer des éléments qui me constituaient jusqu'alors. Je voulais vraiment, sérieusement devenir un autre, et je croyais qu'en faisant assez d'efforts j'y parviendrais. Mais pour finir, je ne suis arrivé nulle part. Je suis demeuré moi-même. Mes défauts restaient irrémédiablement les mêmes. Les paysages avaient beau changer, les échos, les voix différer autour de moi, je n'étais toujours rien d'autre qu'un être humain imparfait. J'avais les mêmes manques en moi, qui suscitaient une violente avidité d'autre chose. Une soif et une faim insatiables me torturaient, comme, certainement, elles continueront de le faire. Parce que, en un sens, ces manques font partie de moi-même." Haruki Murakami : Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil
Quelle heure était-il? Minuit? Une heure? Peu importe. La fatigue te gagnait mais tu voulais terminer ce livre, il ne te restait que quelques pages. Et tu tombes sur ce passage saisissant. Tu as l'impression de voir ton reflet dans cette page-miroir. Tu es troublé à la lecture de ces mots. Tu les lis une nouvelle fois. Et puis une autre encore. Tellement tu as cette sensation de t'y retrouver. Comme si des années de ton existence se trouvaient être résumées là, en quelques lignes. Comme si tu faisais face d'un seul coup à une vérité que tu avais toujours voulu rejeter au fond de toi. Ce matin, tu t'interroges sur la perception de toi-même. Es-tu réellement capable de te voir tel que tu es? Est-ce réellement toi ou juste la vision d'une image falsifiée que ton esprit a façonné, imaginé? Une explication ou un prétexte qui semble te satisfaire? Tu ne sais pas le dire. Mais ces manques sont bien réels. Tu sais qu'ils sont ancrés en toi, comme cette insatisfaction chronique. Un être humain imparfait. Oui, pas de doute, c'est bien ce que tu es...
Selon The Guardian, les 40 meilleurs groupes Anglais actuels, et oh surprise, en première position, tu en rigoles encore, qui trouve-t-on? The Libertines !!! La meilleure plaisanterie du mois, sans aucun doute.
"Autumn leaves, Beauty's got a hold on me" chante Beth Gibbons sur ta radio. Les nuages gris, le craquement des feuilles sous tes pas ce soir, cette atmosphère humide et des drôles de sentiments. Une sensation de glissement étrange. Comme quelque chose qui s'échappe de toi et que tu regardes s'enfuir. Sans réellement de regret. Comme de se rendre compte subitement de la disparition d'une douleur sourde à laquelle on s'était habitué. Sans être vraiment certain que cela soit réel.
Presque 6 mois que tu as ouvert à nouveau cette page. 6 mois et un flot de mots. Toutes sortes de mots. Des sons aussi, des images. Peut être pour donner une consistance au temps. Pour tenter de rompre le silence. Quelque part, la nécessité de se rassurer. Des personnes croisées également. Le plaisir du contact, de l'échange, du partage. Et un besoin d'écrire. Qui ne fait que croître. Pour toutes ces raisons. Les mots n'effacent rien mais ils permettent parfois d'ouvrir de nouvelles portes.
If I could dig down deep in my heart feelings would flood on the page. Would it satisfy ya, would it slide on by ya, would ya think the boy's insane? He's insane." The Rolling Stones : It's only rock 'n roll
Dresden Dolls : Dresden Dolls
Andrew Bird : The Mysterious Production Of Eggs
The Arcade Fire : Funeral
Rufus Wainwright : Want two
Nirvana : When the lights out
Eels : Blinking lights and other revelations
Beck : Guero
I am Kloot : Gods and monsters
The Smiths : The world won't listen
Hood : Outside closer
V.a : Golden apples of the sun
Jude : Sarah
Antony and the Johnsons : I'm a bird now
Black heart procession : 2
Lou Reed - John Cale : Songs for Drella
Pinback : Summer in abadon
Blonde Redhead : Melody of certain damaged lemons
Joy Division : Closer
Otis Redding : The definitive Otis