Tu es allé te mettre à l'ombre sous un arbre tout à l'heure. Tu t'ennuyais alors tu as eu envie de lire un peu dehors. Tu as pris Le Petit Prince, tu avais envie de fraîcheur et d'innocence. Tu as arrêté de lire après le chapitre VIII quand tes pensées se sont envolées... Tu t'es mis à penser aux fleurs... Tu aurais bien aimé en avoir une avec toi à ce moment là, tu lui aurais lu Le Petit Prince. Mais il n'y en avait pas pour t'écouter...
Alors tu as pensé à d'autres fleurs. Tu t'es dit que tu n'en avais sûrement pas assez profité de tes fleurs. Tu exigeais probablement trop de choses d'elles. On est souvent trop orgueilleux avec les jolies fleurs.
Si quelqu'un aime une fleur qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions et les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit : "Ma fleur est là quelque part..." Mais si le mouton mange la fleur, c'est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s'éteignaient ! Et ce n'est pas important ça ! Il ne put rien dire de plus. Il éclata brusquement en sanglots[...]
[...] Ainsi le petit prince, malgré la bonne volonté de son amour, avait vite douté d'elle. Il avait pris au sérieux des mots sans importance, et il est devenu très malheureux. "J'aurais dû ne pas l'écouter, me confia-t-il un jour, il ne faut jamais écouter les fleurs. Il faut les regarder et les respirer. La mienne embaumait ma planète, mais je ne savais pas m'en réjouir. Cette histoire de griffes, qui m'avait tellement agacé, eût dû m'attendrir..." Il me confia encore : "Je n'ai alors rien su comprendre ! J'aurais dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle m'embaumait et m'éclairait. Je n'aurais jamais dû m'enfuir ! J'aurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses. Les fleurs sont si contradictoires ! Mais j'étais trop jeune pour savoir l'aimer." Antoine de Saint-Exupéry : Le Petit Prince
Totalement bluffant, ce moteur d'intelligence artificielle vous demande de penser à un objet. Il va ensuite essayer de deviner lequel au travers d'une série de questions... et le pire c'est que ça marche.
Addendum du samedi matin : Depuis hier soir tu joues avec ce truc et tu es quand même stupéfait par sa capacité à trouver les bonnes réponses... dans un sens, tu te demandes si ça n'a pas un coté effrayant tout de même...
Joseph Arthur comme Elliot Smith, fait partie des artistes dont tu ne peux te séparer. Même s'il t'arrive de ne pas écouter leurs albums pendant quelques temps, dès que tu les remets sur la platine, tu es écrasé par l'accablante évidence de leur musique, de leurs chansons faites de douce mélancolie lumineuse. Pourtant Joseph Arthur est rongé par de terribles démons, mais ceux-ci transparaissent plus dans ses mots que dans sa musique qui ne sombre jamais dans une noirceur morbide. Dans ses mélodies, il y a toujours un rayon de soleil qui pointe. Mais il suffit de regarder ses dessins qui ornent les pochettes de Vacancy ou de Come to where I'm from pour s'en rendre compte. Comment arrive-t-il à produire autant de beauté en étant habité par de telles ténèbres? Sa musique a accompagné quelques uns de tes moments de plus grand bonheur... au moins il reste les chansons...
I don't know anymore What it's for I'm not even sure If there is anyone who is in the sun Will you help me to understand In the sun
I can feel the falling leaves Filling up my vacant mind When i fall onto my knees I pray you don't leave me behind September baby
I was raised in a family They look like the enemy to me And when you're raised in captivity Don't you know you never get free Put my daddy on Prozac I don't think I want him back Daddy on Prozac
Could you follow me down With a love like yours I don't know if i'm able To keep my feet on the ground With a mind like mine you know it's never stable. Toxic Angel
Dessins : Joseph Arthur(Cliquez pour les voir en grand)
Tu es venu au bureau ce matin malgré le fait que la société soit fermée. C'est toujours étonnant de se retrouver seul au milieu des bureaux vides. Quand tu viens comme cela, tu ne peux t'empêcher de faire le tour de l'étage (le bâtiment est rond, c'est facile) pour sentir le vide des bureaux, des couloirs, le silence, alors qu'habituellement il y règne une certaine agitation. Il y a un coté légèrement angoissant dans ce silence. La sensation que le monde s'est éteint durant la nuit. Parfois un bruit te fait sursauter, tu espères voir un ou une de tes collègues sortir de derrière une porte. Il se créé toujours une solidarité étrange entre deux personnes se retrouvant dans ces cas là.
Se retrouver seul dans des bureaux désertés, c'est un peu comme respirer l'odeur de la fin du monde à moindre frais, avoir l'impression d'être le seul survivant de l'apocalypse. Etre LE survivant... quel cauchemar. Quel intérêt de survivre dans ces conditions. Autant être anéanti avec le reste. Comme dit Kierkegaard : " quel profit pour Lazare d'être ressuscité pour devoir finalement mourir...".
Tu as mis un live de Nirvana (Suicide Solution Milan, 25/02/94, near the end...) à fond sur les enceintes du PC histoire d'effrayer les éventuels fantômes...
Drôle de journée à traîner sans but précis. Un tour à la Fnac ce midi. L'impression persistante d'être transparent à tous les regards. L'impression d'être dans la quatrième dimension, d'être dans le même lieu que tous ces gens et de ne pas y être réellement tant tu as l'impression qu'on ne te voit pas. Es-tu devenu complètement invisible, as-tu perdu toute substance? Tu repenses à Smoke de Donald Westlake que C. t'avait passé l'été dernier, à l'histoire de cet homme qui devient invisible et à la difficulté de vivre lorsque les autres ne te voient pas.
Tu sembles être transparent comme une ombre...
I know you're always alone Looking for someone, a home Don't wait for me I'll be all right In the ocean of your mind I know I've seen better days Walking through life like a maze
But I can see You'll be alright In the ocean of my mind Turn on your light Shining vacancy With you I'm lost Like a shell in the sea Joseph Arthur : Vacancy
L'alcool court dans tes veines. Un concentré d'oubli. L'alcool, effaceur de rêves, chasseur de nuages. Soleil noir. Pour ne plus exister, pour disparaître, pour faire fondre l'enveloppe corporelle.
L'alcool coule dans tes veines et Lou Reed hurle dans la stéréo. Live - Take no prisoners. Satelitte of love, la plus grande version de Berlin jamais imaginée, Pale blue eyes torpillé à la guitare synthétiseur (dernier jouet trouvé par Lou à l'époque, (on est en 78)) :
"Sometimes I feel so happy sometimes I feel so sad Sometimes I feel so happy, babe baby, you just make me mad Baby, you just make me mad
Why don't you linger on your pale blue eyes Yeah, linger on, baby, don't you know your pale blue eyes"
Manque juste Rock'n roll, "ooohhh, her life was saved by rock 'n' roll". Alors du coup, tu oses, un top five "à la Rob" dans High Fidelity. Le top 5 des albums solos de Lou Reed :
1. Berlin 2. Transformer 3. Live - Take no prisoners 4. Coney Island Baby 5. Rock'n roll animal
Tu n'as pas osé, mais tu aurais pu mettre Metal Machine Music, le plus grand doigt d'honneur jamais brandi à la face du rock'n roll et à l'industrie du disque. Tu es prêt à recueillir les témoignages de personnes ayant écouté ces 64 mn de bruit blanc et de larsen EN ENTIER. Lou Reed lui-même dit ne jamais l'avoir écouté jusqu'au bout ! Toi oui !
Sur ton scooter, direction le bureau. Tu as ralenti pour la laisser traverser, elle s'est retournée et t'a sourit. Ca sera probablement ton plaisir de la journée. Tu descends la rampe du parking, tu ouvres la porte avec ta carte et tu vas te garer sur ta place. Tu passes ta main dans tes cheveux en te regardant dans la glace de l'ascenseur, le casque ça aplatit les cheveux. Tu ouvres la porte de ton bureau, accroches ton casque et ton blouson au porte-manteau. Tu allumes le PC. En fait tu as appuyé sur le bouton avant d'avoir enlevé ton blouson. Ca lui laisse le temps de démarrer pendant que tu poses tes affaires et mets ton sac à dos dans le placard. Tu cherches 0,30 € dans ton tiroir pour aller au distributeur te chercher un chocolat. Tu t'assois à ton bureau complètement encombré, il ne te reste qu'un tout petit espace dégagé devant l'écran où se trouve le clavier. Tu te dis qu'il faudrait quand même que tu ranges un peu. Ca impressionne les personnes qui rentrent dans ton bureau tout ce foutoir. Dans Le principe de Peter, Laurence Peter et Raymond Hull expliquent qu'il y a deux sortes de comportements pour masquer son incompétence, avoir un bureau parfaitement vide de tout papier qui brille par son dénuement, et l'inverse, l'entassement perpétuel de papier en piles chancelantes... tu as choisi ton camp.
Tu mets un peu de musique, tu as des gigas de MP3 sur ton disque dur qui te permettent d'égayer un peu tes matinées au bureau. Ce matin tu mets My Bloody Valentine, Isn't it anything, parce que The Lazy Sunbather ("Please keep the noise Down low, Because you're waking The lazy sunbathers...") en parlait hier, ça t'a donné envie de réécouter ce superbe album (et oui tu as ça sur ton disque dur au bureau…).
Tu sirotes tranquillement ton chocolat en faisant un petit tour des blogs, Tu entends la voix de la jolie S. dans le couloir, tu passeras lui dire bonjour tout à l'heure, pour apercevoir ses yeux si bleus et son joli sourire. La beauté de son visage t'impressionne, tu ne peux t'empêcher de la regarder à chaque fois que tu passes devant son bureau. Elle change souvent l'arrangement de ses cheveux tout au long de la journée. Soit elle les laisse libres, soit elle les attache avec une grosse pince, un chouchou, une simple barrette ou autre, mais ça lui va toujours très bien. Et toi, tu dois passer au moins quinze fois par jour devant son bureau rien que pour le plaisir de l'entrapercevoir...
Ton regard s'évade vers l'extérieur, l'homme est à sa fenêtre, comme tous les matins, inlassablement... tu te dis qu'un jour tu essaierais bien de trouver sa porte. Tu sonnerais chez lui en le suppliant de te laisser regarder par sa fenêtre pour enfin découvrir ce que l'on y voit...
Parfois tu te demandes si tu t'en rendrais compte si tu revivais perpétuellement la même journée, tous les jours... la seule chose qui change finalement, ce sont les disques que tu écoutes...
Superbe Black Session des Dandy Warhols ce soir, presque sur le ton de la confidence. Et en plus ils ont joué Lou Weed... "Well Baby Just Look At Lou... Now You Always Act So Cool, Like Your Waiting For Your Man Up On Lexington Ave..."
Well I could sleep forever But it's of her I dream If I could sleep forever I could forget about everything If I could sleep forever If I could sleep forever If I could sleep forever The Dandy Warhols : Sleep
Finalement le plus dur, c'est encore de se dire que si tout a finit par capoter, c'est par ta faute. Se dire que si tu avais été différent, les choses se seraient passées autrement. Parce que tu es toujours trop.. ou pas assez.. mais jamais dans la tonalité exacte. Parce que tu ne sais pas être autrement. Tu es probablement ton pire ennemi, et tu n'arrives pas à le combattre...
"J'aimerais pouvoir tout oublier, m'oublier moi même et le monde entier. Les véritables confessions ne s'écrivent qu'avec des larmes. [...] Je devrais canaliser la passion chaotique et informe qui m'habite afin de tout oublier, de n'être plus rien, de me délivrer du savoir et de la conscience. Si je dois avoir un espoir, c'est dans l'oubli absolu. Mais ne s'agit-il pas plutôt d'un désespoir ? Cet "espoir" ne constitue-t-il pas la négation de toute espérance ? Je ne veux plus rien savoir, ni même le fait de ne rien savoir. Pourquoi tant de problèmes, de discussions et d'emportements ? Cioran : Sur les cimes du désespoir
Gus Van Sant a eu la palme d'or hier soir à Cannes. Méritée ou non, tu n'en sais rien. Mais cela te fait penser à un autre film de ce réalisateur, Good Will Hunting. Un film qui évoque toujours chez toi des souvenirs impérissables de l'été 1999...
C'était un été étrange, l'été de l'éclipse. Les murs de la vie que tu avais cru construire s'étaient salement décrépis en quelques mois. Tu n'allais pas tarder à les abattre. Des bouleversements germaient en toi, annonçant une révolution personnelle. Tu la connaissais au travers d'internet depuis deux semaines quand elle t'a proposé de partir une semaine avec elle, loin, à 5000 km de là, de l'autre coté de l'atlantique. Tu as dit oui. Sans hésitation. Tu ne l'avais jamais vue, tu l'avais juste eue au téléphone...
Elle était arrivée par un autre vol que le tien. Tu l'attendais à l'hôtel, dans la chambre que tu avais réservée. Tu tremblais en l'attendant. N'allait-elle pas changer d'avis au dernier moment, rester avec l'amie qu'elle était censée venir voir... et en même temps, tu ne t'étais jamais senti aussi confiant, toi l'angoissé perpétuel, toi qui n'a généralement aucune confiance en toi... difficile de décrire avec quelques mots les émotions ressenties à cet instant précis... Etrangement, tu n'avais pas peur d'être déçu, tu n'as jamais su pourquoi. Elle a frappé à la porte, tu lui as ouvert, elle est entrée, magnifique, ses cheveux volant autour d'elle. Tu l'as prise dans tes bras, tu as posé tes lèvres sur les siennes et un océan de passion a déferlé sur vous instantanément. Tu as vécu une semaine de folie avec elle sur les routes américaines, changeant d'hôtel toutes les nuits...
Puis vint le retour en France, elle vers son mari, toi vers les ruines que tu venais de laisser en partant, tous les deux vers la suite de cette aventure insensée qui continua pendant deux ans...
Et puis un soir, bien plus tard, tu as vu Good Will Hunting à la télé. Peu importait l'histoire qui n'avait rien à voir, mais dans ce film tu retrouvais les rues de la ville qui avait abritée le début de tes amours interdites, les rues que tu avais foulées la tête dans les nuages en l'attendant. Au détour d'une scène, quelques notes de guitare acoustique sont venues te tirer de ta rêverie nostalgique. Il t'a fallu quelques instants pour reconnaître Elliot Smith. Tu ne connaissais pas la chanson. Tu as su ensuite que c'était Between the bars, s'associant parfaitement aux souvenirs qui t'envahissaient. Sur fond de guitare acoustique jouée nonchalamment, la voix retenue racontait son histoire douloureuse. "between the bars where i'm seeing you...", entre les mesures de sa musique, tu la revoyais. Plus loin dans le film, on entendait une autre chanson, Angeles, aux arpèges rapides, sur lesquels la voix d'Elliot Smith se fait murmure.
Cette musique devenait la bande son par procuration de ton "lost week-end", t'évoquant la douceur des paysages d'automne baignés par le soleil couchant que tu avais traversés. Comme la route que Matt Damon prenait à la fin du film. Cette image finale où la voiture de Matt Damon s'en va au loin, t'évoquera à jamais la route bordée d'arbres défilant doucement, que tu avais prise avec elle, avec le soleil s'éteignant lentement pour vous offrir la nuit. Sur ces images, Elliot Smith chante Miss Misery. Cette musique comme ce film ranimeront à jamais en toi les souvenirs de cette semaine magique, de cette semaine de folie pure comme on en vit probablement qu'une fois dans sa vie... Voilà, Gus Van Sant te fait penser à cette histoire, et tu as eu envie de la raconter ce soir…
" you had plans for both of us that involved a trip out of town to a place i've seen in a magazine that you left lying around i don't have you with me but i keep a good attitude do you miss me, miss misery like you say you do?
i know you'd rather see me gone than to see me the way that i am but i am in the life anyway
next door the tv's flashing blue frames on the wall it's a comedy of errors, you see it's about taking a fall to vanish into oblivion is easy to do and i try to be but you know me i come back when you want me to do you miss me miss misery like you say you do?" Elliot Smith : Miss Misery
Depuis trop longtemps tu ne penses qu'en terme de "combien de temps". Combien de temps depuis que... combien de temps avant que... Comme si tu avais aboli toute notion de présent pour ne vivre que dans un passé révolu, dans l'espoir d'un avenir plus radieux. Tu vis dans le souvenir de passions éteintes et dans les fantasmes d'espoirs illusoires censés en ranimer de nouvelles. Comme si tu avais stoppé la marche de ton existence. Tu as l'impression de te trouver au centre d'un maëlstrom temporel où le passé et le futur se fondent entre eux. Tu as besoin de présent comme tu as besoin de présence...
"You're too old to lose it, too young to choose it And the clocks waits so patiently on your song" David Bowie : Rock'n roll suicide
Tu es plongé dans Cioran depuis tout à l'heure. Cet auteur est terrassant. Sa lucidité extrême sur le monde et les humains que nous sommes est terrifiante. Parfois la noirceur de son écriture atteint les rivages de la poésie. Une poésie du désespoir et de la mélancolie ultime.
"Je me sens attiré par les lointains, par le grand vide que je projette sur le monde. Une sensation de creux monte en moi, traversant membres et organes comme un fluide impalpable et léger. Sans savoir pourquoi, je ressens, dans la progression incessante de ce vide, dans cette vacuité qui se dilate à l'infini, la présence mystérieuse des sentiments les plus contradictoires qui puissent jamais affecter une âme. Je suis heureux et malheureux à la fois, je subis simultanément l'exaltation et la dépression, je suis submergé par le désespoir et la volupté au sein de l'harmonie la plus déconcertante. Je suis si gai et si triste que mes larmes ont à la fois les reflets du ciel et ceux de l'enfer." Cioran : Sur les cimes du désespoir
Hier soir. Une chanson qui n'a l'air de rien mais des mots qui te touchent subitement.
Dimanche matin. Envie de rien. A part être ailleurs... regarder la mer, marcher sur une plage sous les nuages, laisser des traces de pas sur le sable mouillé... comme une signature éphémère de son passage, comme des pas qui ne mènent nulle part...
Like a pawn on the eternal board who's never quite sure what he's moved towards I walk blindly on and heaven is in front of me your heaven beckons me enticingly when I arrive it's gone the river flows the wise man knows I follow you Depeche Mode : The bottom line
"See the sky about to rain, broken clouds and rain." Neil Young
Il y a des jours où les mots ne viennent pas. Parce qu'ils ne naissent pas ou qu'ils restent enfouis trop profondément pour sortir. Les mots des autres sont bien souvent le seul réconfort dans ces moments là. Leurs notes aussi. Douze notes. Douze simples notes. Une goutte d'eau dans l'océan des mots. Ces mêmes douze notes que tu n'arrives pas à combiner entre elles pour leur faire dire ce que tu ressens, pour leur faire exprimer ces émotions profondes qui te tourmentent. Il y a des jours où les mots ne viennent pas, ces jours là, tu voudrais pouvoir tout dire avec quelques notes.
No sun will shine in my day today The high yellow moon won't come out to play. I said darkness has covered my light, And has changed my day into night Now where is this love to be found? Won't someone tell me? 'Cause my life, sweet life, must be somewhere to be found Bob Marley : Concrete jungle
Parfois tu voudrais te murer dans le silence... réussir à tout exprimer dans un grand silence... juste par la présence, ou par un regard. A quoi servent tous ces mots, toutes ces vaines phrases mal tournées... tu remplis du vide avec du vide, tu l'agrémentes de quelques couleurs pour que cela soit plus joli, mais cela reste du vide... tu n'as pas grand chose d'autre à donner de toute manière... des propos vides de sens sur la vacuité de ce monde... mais tu t'accroches à ces petits riens, comme un naufragé à son radeau de fortune...
"Oh we're so pretty oh so pretty vacant but now and we don't care" Sex Pistols : Pretty vacant
Vu chez Le voyage immobile (Allez lire les pérégrinations de Cathbleue et Picabiette).
Voilà, tu t'es inscrit pour aller t'écraser sur la comète Tempel 1. Quelle fin magnifique, entrer en collision avec une comète... finir dans une explosion silencieuse, dans un nuage de poussière cosmique... tout revivre en une fraction de seconde et disparaître... le rêve ultime... S'il y en a qui ont envie de venir s'écraser avec toi, ils peuvent s'inscrire ici
"Come so close that I might see the crash of light come down on me With good luck I'll find the dark, stop me now Find me to your heart Let me hold you tight like rain and sunshine on a rainy day See the lights Come so close that I might see, see the light come down on me Mazzy Star : So tonight that I might see
Après des années d'attente, Neil Young va ENFIN ressortir le 24 juin On the Beach remasterisé, ainsi qu' American stars 'n bars. Ne manque plus que Time Fades Away pour que le bonheur soit total.
Oui, tu sais, tout est cela est très futile... mais c'est quand même une putain de nouvelle.
"Hey hey, my my Rock and roll can never die "
"I guess I'll call it sickness gone It's hard to say the meaning of this song. An ambulance can only go so fast It's easy to get buried in the past When you try to make a good thing last...
...You're all just pissin' in the wind You don't know it but you are.
And there ain't nothin' like a friend Who can tell you you're just pissin' in the wind." Neil Young : Ambulance blues
Quelque part, dans un petit écrin loin du monde, un blog à quatre mains que tu n'oses même pas lier de peur de les déranger et parce que cela te rappelle des souvenirs toujours trop proches, ses mots à elle cet après-midi, t'ont fait penser à ce poème. A ce poème et à d'autres souvenirs. C'est M. qui te l'avait fait connaître, tout au début où tu l'avais rencontrée. Elle t'avait dit que ces quelques vers lui faisaient penser à toi. M. ne s'était pas trompée, M. se trompait rarement, ce poème te va bien... malheureusement...
Je suis le ténébreux, -le veuf, -l'inconsolé, Le prince d''Aquitaine à la tour abolie: Ma seule étoile est morte, -et mon luth constellé Porte le soleil noir de la Mélancolie...
"(Waiting so long, I've been waiting so, waiting so) Look back in anger, driven by the night Till you come" David Bowie : Look back in anger
Depuis plusieurs années, tu te rends compte que ta vie n'es faite que d'attente. Pendant près de deux ans, tu n'as vécu que dans l'attente de la voir, dans l'attente de pouvoir prendre l'avion et aller la rejoindre. Et puis tu n'as plus voulu attendre. Alors tu as attendu autre chose. Une autre femme est arrivée et tu as recommencé à attendre de pouvoir la voir, attendre qu'elle puisse se libérer pour te voir, attendre ces moments avec elle, attendre que les choses changent aussi, sans trop y croire. Les choses ont changé, pas comme tu l'espérais, et tu as attendu dans l'espoir de pouvoir attendre comme auparavant. Vainement. Alors maintenant tu attends de nouveau. Mais tu n'as plus personne à attendre. Tu attends que ta vie change. Tu attends des hasards, des collisions, des passages de comètes étincelantes, des fracas d'explosions stellaires, pour avoir de nouveau quelqu'un à attendre. L'attente est une aliénation qui engendre l'attente. Après tu t'étonnes d'avoir l'air de tourner en rond...
Tu as reposé tes mains sur ta guitare ce soir. Cela faisait longtemps. Le métal des cordes blesse tes doigts trop tendres. Tu égrènes des arpèges tristes autour d'un La m. Tu essayes de faire passer dans ces quelques notes un peu de ta tristesse en espérant que ça la fera s'échapper. Les notes volent dans la pièce, résonnent lentement, sans grand espoir. Is there anybody out there?... ...There's still nobody home...
Le temps passe inlassablement. Presque un peu plus vite chaque jour. Tu te lèves le matin, lassé par avance de la journée qui arrive, attendant déjà la suivante en espérant qu'elle sera différente. Et ainsi de suite. Tu ne luttes plus contre le temps. Tu le regardes passer. Statique. Immobile. Les pieds englués dans le béton du quotidien. Tu regardes le monde autour de toi sans rien faire.
Le temps finit par être la seule chose qui passe dans ta vie.
"...You're invisible now, you've got no secret to conceal
How does it feel How does it feel To be on your own With no direction home Like a complete unknown Like a rolling stone?" Bob Dylan : Like a rolling stone
Il y a des albums qui ont le pouvoir d'adoucir les jours sombres. And the surrounding mountains des Radar Bros en fait indéniablement partie. Cette musique et le petit bout de ciel bleu qu'elle t'a envoyé et les nuages se dispersent un peu. Alors tu vas remettre Rock of the lake, Sisters et les autres pour sentir encore cette douceur t'envahir...
Comme dit Nietzsche : "Sans musique la vie serait une erreur"
Quand tu as l'impression que tout est noir, tu reprends Le voyage au bout de la nuit. Comme cela, ton noir finalement, c'est juste du gris à peine foncé.
"On est accablé du sujet de sa vie entière dès qu'on vit seul. On en est abruti. Pour s'en débarrasser on essaie d'en badigeonner un peu tous les gens qui viennent vous voir et ça les embête. Etre seul c'est s'entraîner à la mort." Celine : Le voyage au bout de la nuit
La triste pluie du lundi matin, la même que celle du dimanche soir... Et puis Ouahad t'emmène au cinéma et tu as envie de partager ça, même si c'est une sale histoire, mais tu aimes les sales histoires.
Déjà que la journée était triste avec toute cette pluie... Déjà que tu avais le cafard dans tout ce gris... Déjà que tu n'avais pas du écouter les disques qu'il fallait cet après-midi... Et puis là, tu vas voir une page, innocemment. Tu lis des choses qui te font mal et tu sombres. C'est étonnant de voir comme parfois des petits détails font plus mal que des grandes révélations. Etonnant de voir qu'une scène anodine imaginée au travers des mots d'un autre puisse engendrer autant de douleurs. Juste parce que tu ne peux l'oublier, juste parce que tu l'aimes encore... Au moins tu sais que tu n'iras plus lire...
"I hate myself for lovin' you and the weakness that it showed" Bob Dylan : Dirge
"Pense à moi la prochaine fois que tu entendras la rumeur des vagues et si elles te disent que tu m'as fait que du mal, t'en fait pas j'suis là pour ça" Nada Surf : Là pour ça
Tu es passé au bureau ce matin pour rattraper un peu de retard. Pas grand chose à faire d'autre non plus, le temps maussade n'invite pas à la promenade. Il était là, à sa fenêtre. Comme tous les matins. Dans la barre HLM livide qui fait face à ton bureau, de l'autre coté du grand carrefour, un homme est à sa fenêtre. Il y est tous les matins. Il regarde. Tu ne sais pas ce qu'il voit mais il regarde. Son regard est souvent fixé sur la rue, quelques étages plus bas. Parfois il tourne la tête vers la gauche et regarde en direction du carrefour. Parfois il regarde vers la Marne mais très rarement. Non, la plupart du temps il regarde en bas. Il n'y a rien en bas. Une vague pelouse lépreuse, un parking clairsemé avec deux ou trois épaves miteuses qui finissent de rouiller, une rue où passe continuellement voitures et camions. Quelques jeunes qui traînent leur désoeuvrement en bas du bâtiment s'interpellant entre eux. C'est tout. Quand tu regardes tu n'y vois rien d'autre que la triste banalité d'une rue grise. Mais lui, il passe de longs moments à contempler ce rien et en fait son spectacle favori. Il a l'air assez âgé. Parfois une femme vient le rejoindre. Elle a l'air plus jeune. Par moment elle regarde avec lui. Ils ont l'air de se parler. Lui raconte-il ce qu'il voit de si particulier de sa fenêtre? L'autre jour il lui montrait quelque chose au loin. Ils avaient l'air fasciné par ce qu'ils voyaient. Ils sont restés longtemps la tête tournée vers cet horizon à se parler. Est-ce que cette rue lui rappelle des souvenirs d'une époque plus faste? Ou sa fenêtre est-elle magique et lui fait voir les choses différemment? Tu aimerais bien savoir. Peut être est-elle faite d'un verre spécial qui enlumine ce quotidien du gris et du banal. Peut être qu'au travers de sa fenêtre, la pelouse pouilleuse au pied de sa cage d'escalier lui parait comme les jardins de l'Alhambra. Il regarde et toi tu le regardes. Peut être s'ennuie-t'il tout simplement. Tu aimerais tellement que cela ne soit pas ça l'explication.
"Je suis à la fenêtre Toi tu es dans la baignoire Tes pieds dépassent, je peux les voir Dans la glace de l'armoire
II y a ce disque idiot Qui est rayé au milieu Et, les tarots que je te tire Sur ton châle en camaïeux
II y a l'odeur d'encens Et les bougies ont fondu Tout est si vague Le fil des pensées s'est perdu
Au dos de cet album mythique (produit par Bernard Lenoir en... 1971) il est inscrit : "This record must be played as loud as possible, must be heard as stoned as possible and thank you everybody"
Tu viens de voir Son frère de Patrice Chéreau sur Arte, adapté du roman de Philippe Besson. Ce livre t'avait marqué, profondément marqué. Il reste gravé en toi comme la blessure d'un être proche, comme la douleur d'une personne que l'on aime et que l'on veut prendre à son compte pour la soulager. Tout en étant beaucoup plus que tes quelques mots. Chéreau montre plus les corps que les âmes. Du moins, tu l'as perçu comme cela, comme s'il montrait une autre histoire. Tu vas donner l'impression que tu n'as pas aimé ce film alors que ce n'est pas le cas mais... l'histoire qu'il montre, ce n'est pas celle que tu voulais voir. Tu sais que ce soir tu vas reprendre le livre.
"Droide équalisé sans désir de chaleur Avec mes sentiments sur microprocesseur Parfois dans le silence obscur de mon hangar Je déchausse mes circuits et débranche mon sonar Bouillie d'étoiles fondues sur mes lèvres plasma De gargouille irradiée revenant du magma" Hubert Felix Thiéfaine : Droïde song
Tu n'aimes pas les vendredis soirs, seul chez toi.
Encore un putain de rêve et plus moyen de fermer l'oeil... C'est fait de rien un rêve qui empêche de dormir : un train, une femme et une phrase que la femme prononce. Et voilà, on se réveille parce que la phrase est trop forte pour le rêve et ensuite...
"Oh the feelings never went away Like she did Now she haunts all my dreams
Oh love's traces left in memories I was once alone Now she haunts all my dreams..." Spain : She Haunts My Dreams
JPB, auteur du blog Bertholdien, a créé son propre test : "Ce test reprend une vision archétypale de la nature humaine que j’expose dans un texte de mon bouquin et qui divise les gens en quatre catégories.". Tu dois dire que l'image illustrant ton résultat est judicieusement choisie : Lester (Kevin Spacey) dans American Beauty... C'est clair, tu es un archétype...
YOU'RE A MARGINAL. Wise, solitary, private. Just as Zarathustra, you dwell in the margins of society to better observe mankind - but mostly to observe yourself. Your meditative approach to life can lead you to great spiritual wealth.You are an exceptional being. And precious. But your uniqueness may disturb some people, so watch out !
Ce soir, tu as mis l'album Born to run de Bruce Springsteen. Ca faisait une éternité que tu ne l'avais pas écouté. Et sans savoir pourquoi, un flot de souvenirs remonte à la surface de ton esprit marécageux.
Tu te souviens de l'été 1977. Tu étais en vacances dans le sud de la France avec tes parents, dans un minuscule camping à l'intérieur des terres. L'endroit idéal pour mourir d'ennui à 16 ans. Seulement dans ce camping, il y avait cette fille. Elle s'appelait Catherine, elle avait 15 ans, elle était jolie. Elle semblait s'ennuyer autant que toi. Vos parents respectifs avaient sympathisé. Elle te plaisait cette fille mais tu étais à moitié paralysé devant elle, tu n'arrivais pas vraiment à lui parler, surtout tu n'arrivais pas à l'intéresser. Elle non plus ne te parlait pas beaucoup. Presque tous les soirs, tu prenais ton magneto K7, chargé de piles neuves, tu t'installais sous un chêne liège sur la colline dominant ce camping et tu écoutais tes K7 en regardant le soleil se coucher. Tu la voyais souvent qui errait un peu plus bas dans le camping, ne sachant trop quoi faire. Toi, tu espérais qu'elle vienne s'asseoir à coté de toi sous cet arbre. Tu voulais lui faire écouter cet album qui rythmait presque toutes tes soirées. Plus que tout, tu voulais lui faire écouter deux chansons. Sur la 2ème face de l'album, après Born to run, il y avait She's the one. Tu ne comprenais pas toutes les paroles, mais quand Bruce chantait "With her long hair falling, And her eyes that shine like a midnight sun, Oh-o she’s the one, she’s the one" là, tu savais de quoi il parlait. Que tu aurais aimé lui chanter ces paroles. Et puis, juste après, il y avait Meeting across the river, cette magnifique chanson. Tu aurais voulu qu'elle soit assise à coté de toi pour écouter cette trompette qui s'envolait dans la nuit qui tombait. Tu voulais lui parler de tout ce qu'évoquais cette musique pour toi. Tu rêvais qu'elle pose sa tête sur ton épaule, tu rêvais de lui prendre la main, de l'embrasser... Mais voilà, la trompette s'est toujours envolée seule. Elle n'est jamais venue. Peut être qu'elle en avait envie, mais comme un crétin que tu étais (es toujours), tu ne lui as jamais proposé. Et tu as passé tous les soirs de ce mois de vacances seul sous ton arbre à regarder le soleil se coucher à écouter tes K7. Tu avais toujours cet album avec toi, dans l'espoir que ce soir là elle...
Finalement, 26 ans plus tard, tu en es toujours au même point. Assis seul, sous ton arbre, à attendre qu'une fille vienne s'asseoir à coté de toi pour que tu lui parles de cette trompette qui s'envole dans la nuit..
"And the word’s been passed this is our last chance..." Bruce Springsteen : Meeting across the river
Il y a 15 ans aujourd'hui, Chet Baker tombait de la fenêtre de la chambre 201 du Prins Hendrik hotel à Amsterdam et se tuait sur le coup. On n'a jamais su comment c'était arrivé. S'il avait sauté lui même, s'il était tombé par accident, ou autre. Peu importe d'ailleurs. Depuis 15 ans il s'est tu, c'est tout.
Chet Baker a eu une carrière plus que chaotique. Sa belle gueule à la James Dean de ses débuts et son penchant pour le courant "jazz cool" avait su susciter l'admiration de la jeunesse malgré son addiction pour les substances opiacées. Pour cette jeunesse Américaine, qui jugeait plus ses jazzmen sur la couleur de leur peau que sur leur musique, à la différence de Miles Davis ou d'autres, Chet avait "l'avantage" d'être blanc. Mais Chet s'en foutait un peu. Il voulait jouer, jouer, jouer. Et puis il voulait des filles et de la dope pour voyager. Tu ne peux que renvoyer vers le film de Bruce Weber, Let's get lost sorti en 88, qui évoque sa vie.
Chet n'a jamais été un "grand" trompettiste dans le sens virtuose du terme, mais il était un de ces artistes qui mettent leurs plaies à vif dans la moindre de leur note. Il avait un style spécifique, une coloration inimitable où ses faiblesses, la douleur et la tristesse de sa vie chancelante s'exprimaient dans chaque inflexion. Il chantait comme il jouait de la trompette ou inversement. Avec parcimonie, avec un souffle émotionnel qui étirait souvent les notes comme la flamme d'une bougie lorsque la mèche est trop longue. Sa musique ressemblait d'ailleurs étrangement à cette flamme, toujours vacillante dans le vent, d'une beauté éphémère. Le flot émotionnel qui passait dans son souffle faisait trembler la justesse de ses notes comme un funambule sur un fil.
Les dernières années de sa vie, Chet Baker avait pris l'apparence d'un clochard céleste aux traits marqués par une existence trop lourde à porter. Ses notes, sa voix devenaient encore plus fragiles, construisant des architectures de cristal d'une finesse extrême. Le son de sa trompette, de sa voix, comme deux soeurs siamoises indissociables, étaient remplis de tendresse et chargées de toutes les souffrances de son existence. Dès qu'il embouchait sa trompette, toute sa roublardise de vieux junkie disparaissait.
Sur The last great concert, son chant du cygne discographique, il y a une version extraordinaire de My funny Valentine. Après deux accords de guitare, Chet entame le thème dans un souffle mélancolique d'une rare douceur. Plus loin, lorsqu'il commence à chanter, juste accompagné par la contrebasse qui résonne, sa voix sonne comme un vent chaud dans la nuit. Tout l'art de Chet Baker est dans ces moments d'une indicible émotion. Deux semaines plus tard, il passait par la fenêtre de la chambre 201 du Prins Hendrik hotel.
Tu te souviens qu'il y a un peu plus de deux ans, en décembre, tu étais à Amsterdam avec M. Au gré de vos pérégrinations dans les rues froides bordées de canaux, l'esprit allégé par les substances fumigènes du coffee-shop où vous aviez bu un chocolat, ton regard a été attiré par une plaque de bronze fixée sur le mur d'un hôtel. Le hasard avait mené vos pas devant cet hôtel où il était venu mourir, sur ce trottoir même où son corps décharné était venu s'écraser. Tu t'es arrêté devant cette plaque, tu as regardé le trottoir. Tu te souviens qu'une vague de mélancolie t'a envahie à cet instant précis. L'écho de sa voix est venu résonner dans ton esprit, pas sa trompette, non, juste sa voix murmurant My funny Valentine, comme un dernier adieu. Tu es resté un moment sur ce trottoir, devant cet hôtel, sans pouvoir dire grand chose. La rumeur dit que lorsque l'on est venu ramasser son corps, celui-ci n'avait pas de plaies. Mais ses os étaient brisés, comme du cristal...
"My funny valentine; Sweet, comic valentine; You make me smile with my heart.
Your looks are laughable; Unphotographable; Yet, you're my favorite work of art...
...Don't change a hair for me; Not if you care for me; Stay, little valentine, stay! Each day is valentine's day. " My Funny Valentine
Tu as fait un rêve étrange. Pas un cauchemar non, loin de là. Juste un de ces sales rêves qui laissent un goût amer au réveil. Un de ces rêves qui font remonter à la surface un passé dont on n'a pas besoin, surtout dans ses rêves, la journée suffit déjà pour cela. Depuis ton réveil, tu traînes les images de cette nuit comme un fardeau. Il est temps que tu te débarrasses de tous ces poids qui t'empêchent de t'envoler ailleurs.
"Why is this happening to you, you're not a child? Why is this happening? You've too much on your mind Things creep up on you when you are fast asleep You are dreaming, you are sleepy You are stuck to the sheets" Belle & Sebastian : Dirty dream # 2
Il a commencé à pleuvoir quand tu rentrais tout à l'heure. Les rues avaient cette odeur particulière de poussière mouillée qui vient lorsque la pluie lave l'atmosphère de ses impuretés. Les gouttes cinglaient ton visage. Tu aimerais parfois que la pluie te nettoie de toutes ces particules de souvenirs qui flottent continuellement autour de toi. Peut être que les souvenirs mouillés ont aussi une odeur particulière, l'odeur d'un passé qui s'estompe...
"...and maybe some day I will see that it was a crime I never told you about the diamonds in your eyes and maybe someday we will be away with the wind we'll go in the sea we'll float and away with the wind we'll go..." The Black Heart Procession : it's a crime I never told you about the diamonds in your eyes
Grâce à une inconnue, tu as le sourire depuis ce matin. Alors tu mets cette chanson pour la remercier de ses quelques mots, en te disant que ça la fera peut être sourire de lire ça.
"There are many things To talk about Be constructive Bear witness We can use Be constructive with your blues Even when it's only warnings?" Radiohead : Dollars and cents
Cet après-midi au parc avec ta fille, tu lisais le traité du désespoir de Kierkegaard(et après tu t'étonnes de te sentir différent et que personne ne vienne te parler...) en écoutant Perry Blake. Tu n'es pas certain de tout comprendre, le livre est parfois hermétique. Néanmoins, il y a des passages intéressants :
"[...] avec le désespoir, du virtuel au réel on tombe, et la marge infinie d'habitude du virtuel sur le réel mesure ici la chute. [...] D'habitude le rapport du virtuel au réel est autre. Les philosophes disent bien que le réel, c'est du virtuel détruit; sans pleine justesse toutefois, car c'est du virtuel comblé, du virtuel agissant. Ici, au contraire, le réel (n'être pas désespéré), une négation par conséquent, c'est du virtuel impuissant et détruit; d'ordinaire le réel confirme le possible, ici il le nie." Kierkegaard : Traité du désespoir
Pensées (bien réelles) pour V. qui s'interroge sur le passage du virtuel au réel et à qui ces mots t'ont fait penser.
Tu as pris ton courage à deux mains. Tu lui as écrit. Alléché par l'interview paru dans La Recherche, sur la quête du cerveau musicien, tu es allé sur le site d'Isabelle Peretz. Tu as découvert quelques articles extraits de ses publications. Si le sujet vous intéresse, tu ne peux que conseiller d'aller voir son site. Les émotions suscitées par la musique ont quelque chose de fascinant. Alors tu lui as écrit un mail. Tu n'as pas grand espoir qu'elle y réponde mais peu importe. Tu trouves ses travaux trop intéressants pour ne pas lui dire.
"Finally, musical emotions present interesting peculiarities. Sadness in music is a good example. It is pleasurable in music while perceived as unpleasant in most other channels. By studying the neural correlates of certain musical emotions, like sadness, the various taxonomies of emotions can be advantageously tested. It may turn out that some musical emotions are unlike any other type of emotions." Peretz, I. : (2001) Listen to the brain : The biological perspective on musical emotions.
"...elle m'avait procuré beaucoup de joie, elle avait supporté mes sautes d'humeur, et que lui avais-je donné en échange, à part un peu de plaisir passager? Je m'étais lancé dans cette aventure les yeux ouverts, sachant qu'un jour elle se terminerait, et malgré cela, quand cette absence de sécurité, cette certitude logique d'un avenir sans espoir s'abattaient sur moi comme une folie mélancolique, je tourmentais et je harcelais Sarah, comme si j'avais voulu conjurer cet avenir, le faire apparaître immédiatement sur le seuil de la porte, tel un hôte indésiré et prématuré." Graham Greene : La fin d'une liaison
Tu veux du rouge. Pour la passion, pour la chaleur, pour ne plus avoir froid. Tu veux du rouge pour la lumière. Tu veux du rouge pour sentir le feu dans tes entrailles. Tu veux du rouge pour l'amour, pour le sexe. Tu veux du rouge comme un soleil embrasant le ciel. Tu veux du rouge dans ta nuit parce que le rouge va si bien avec le noir.
"Fill the void in me now Making love to me girl Red light cruising the night Red light getting me home
Pull the weight of me now Wrapped around me so good Red light cruising the night Red lights getting me home " Red House Painters : Void
Tu veux du bleu. Pour le calme, pour la sérénité. Tu veux du bleu pour apaiser tes nuits. Tu veux du bleu lisse et plein de reflets comme un lac d'altitude. Tu veux du bleu pour y plonger après l'amour. Tu veux du bleu comme cette femme. Tu veux du bleu comme une lumière dans la nuit.
"Almost blue Flirting with this disaster became me It named me as the fool who only aimed to be
Almost blue It's almost touching it will almost do There's a part of me that's always true...always Not all good things come to an end now it is only a chosen few I've seen such an unhappy couple
Almost me Almost you Almost blue" Elvis Costello : Almost blue
Tu glisses. Tu ouvres des fenêtres de couleurs sur un no man's land et tu te sens glisser. C'était prévisible. Tu résistes mais tu te sens aspiré. Tu plantes tes ongles dans le sol pour freiner la chute. Le sommeil, ce traître, recommence à déserter tes nuits. Alors le matin, tu remontes cette pente sur laquelle tu glisses...
"When I get to the bottom I go back to the top of the slide Where I stop and I turn and I go for a ride Till I get to the bottom and I see you again " Beatles : Helter Skelter
"La musique éveille des régions cérébrales fondamentales du point de vue biologique, liées aux fonctions vitales de l'individu. Cela nous donne une ouverture vertigineuse sur le rôle qu'a pu jouer la musique dans l'évolution humaine." PERETZ Isabelle : En quête du cerveau musical
C'est toujours étonnant de voir comme certains matins, dès que tu ouvres un oeil, il y a un cafard monstrueux qui te tombe dessus. Pourtant tu n'as pas fait de rêve extraordinaire, tu n'as pas eu de pensées sombres à ton réveil, plutôt des évocations légèrement érotiques. Aucun évènement particulier n'étant intervenu depuis hier soir qu'est-ce qui pourrait expliquer ce spleen matinal? Ou alors est-ce parce qu'il ne s'est rien passé depuis hier soir. Mais tu espérais quoi? Que la fée bleue apparaisse dans ton sommeil pour exaucer tes voeux? Non, tu es un rêveur mais il ne faut pas exagérer. Alors voilà, tu ne sais pas pourquoi, mais ce matin, tu as un coup de cafard. Il ne te reste plus qu'à espérer que cela passera dans la journée...
"There's a house with no door and I'm living there at nights it gets so cold and the days are hard to bear inside. There's a house with no roof, so the rain creeps in, falling through my head as I try to think out time...
There's a house with no bell, but then nobody calls; I sometimes find it hard to tell if any are alive at all outside..." Van Der Graaf Generator : House with no door
Addendum de 12h28 : Tu sentais que ça allait être une bonne journée... le mitigeur de la cuisine vient de te rester dans la main... Fuckin' life...
Tu as emmené ta fille au parc cet après-midi. Tu ne sais pas pourquoi, mais tu as toujours l'impression de ne pas être comme ces autres parents avec leurs enfants. Cela ne te dérange pas, tu es même plutôt content de te sentir différent. Mais il reste la sensation de ne pas être à ta place. Tu les entends parler, tu les vois aller et venir, comme si tu regardais une mauvaise émission de télé sans intérêt. Alors pendant que ta fille va jouer, tu t'enfermes dans ton monde. Tu bouches tes oreilles avec tes écouteurs, tu mets de la musique et tu te plonges dans un livre, tes lunettes de soleil sur les yeux. Tu lèves la tête par instant pour garder un oeil sur ta fille mais tu ne vois plus ni n'entends les autres. Tu te coupes de ces gens, tu te coupes de cet environnement. Sans trop savoir si c'est pour ne pas le voir ou pour ne pas être vu.
Lu dans Les Inrocks de cette semaine, Arnaud Viviant, à propos des albums solos de Dave Gahan et Martin Gore (qui contient une belle version du Loverman de Nick Cave) :
"Les albums solos sont au rock ce que la masturbation est au couple : une infidélité qui ne trompe personne, une infidélité sous le signe de la fidélité."
- Alors il faut que je le lise le Graham Greene? dit-elle. - Je ne sais pas dit-il. ... - Il y a des passages extrêmement pertinents, il n'a pas pu les inventer dit-il. - Oui dit-elle, en souriant.
Tu souris en repensant à hier soir...
"Je n'ai jamais, avant elle ou depuis, connu d'autre femme qui eût ce pouvoir de changer du tout au tout mon humeur rien qu'en me parlant au téléphone, et lorsqu'elle entrait dans une pièce ou posait sa main sur mon flanc, elle créait immédiatement la confiance absolue que je perdais à chaque séparation." Graham Greene : La fin d'une Liaison
Il y a des choses que tu ne peux/veux oublier... même celles auxquelles tu ne peux penser... comme le désir...
Tu regardes la photo de Hope Sandoval là en dessous et... bons sang ce qu'elle est belle tout de même...
"If you want a lover I'll do anything you ask me to And if you want another kind of love I'll wear a mask for you If you want a partner Take my hand Or if you want to strike me down in anger Here I stand I'm your man
If you want a boxer I will step into the ring for you And if you want a doctor I'll examine every inch of you If you want a driver Climb inside Or if you want to take me for a ride You know you can I'm your man..." Leonard Cohen : I'm your man
"I'll take a second of the day to think about the things that we have done this year"
La caméra recule, filmant l'homme qui marche. Il est seul, parait détendu. Il a un pas décidé mais souple, il regarde loin devant. Il semble être ailleurs. Par moment un léger sourire apparaît sur son visage. Un de ces petits sourires qui nous viennent lorsque l'on repense à des moments heureux. Dans son regard un peu triste, brille un petit éclat particulier. Par moment il tourne la tête, regarde vers l'extérieur au travers des baies vitrées, sourit de nouveau discrètement.
Il ralentit son pas, s'arrête de marcher, juste porté par le tapis roulant il baisse la tête, comme s'il plongeait en lui-même. Il reste quelques secondes dans cette posture, puis relève la tête, son regard à nouveau loin devant, sourit, et reprend sa marche. La caméra s'arrête, pivote pour suivre l'homme qui continue d'avancer. Il arrive à la fin du tapis roulant, emporté par l'élan, il semble être projeté en avant, puis son pas retrouve une allure normale. Il se dirige vers la porte que l'on distingue devant lui, la pousse et disparaît. La caméra reste en plan fixe sur la porte qui se referme seule. Le mot fin apparaît à l'écran… le générique commence à défiler. Par dessus la musique, on entend une voix off "à la Rob" dans High-fidelity :
"Tu ne sais pas si ça va durer, mais là… [pause] tu te sens bien."
Fondu au noir, la musique continue seule :
"Have you seen the loneliness of a middle distance runner, When he stops the race and looks around I like the stage, I've seen it now I'll walk to the station Walk to the station Walk to the station Won't you follow me?" Belle & Sebastian : The loneliness of a middle-distance runner
Les soirs trop sombres, lorsque tu as besoin de sentir briller une lueur d'espoir, tu écoutes Mazzy Star. Leur musique, et surtout la voix bouleversante, émouvante, ensorcelante de Hope Sandoval ont le don de t'apaiser. La voix de Hope Sandoval c'est de l'or fondu qui coule des enceintes, c'est la corne d'abondance à portée de la main, à portée du coeur.
Tu aurais besoin d'une petite lumière dans la nuit pour te guider, pour te rassurer. Tu as tant besoin d'être rassuré. Tu aurais besoin d'une lumière qui ne scintillerait que pour toi.
Alors ce soir, tu as mis cet album, So tonight that I might see, fort, pour te laisser envoûter par les sortilèges magiques et irréels de la belle Hope, pour oublier tout ce gris, pour rêver de cette lumière...
"There's a blue light, In my best friend's room There's a blue light, In his eyes There's a blue light, yeah, I want to see it, shine
There's a ship, that sails by my window There's a ship that sails on by, There's a world under it I think I see it, Sailing away
I think it's sailing, Miles crashing me by Crashing me by, Crashing me by
There's a world , Outside my doorstep Flames over, everyone's heart Don't you see them shining, I want to hear them Beating for me..." Mazzy Star : Blue light
"Rain down, rain down Come on rain down on me From a great height From a great height... height... Radiohead : Paranoid android
La pluie n'en finit plus. Tu as envie d'être ailleurs. Tu as envie d'être un autre, différent, autrement. Sans ces angoisses, sans ces échecs qui finissent par user. Tu as envie d'être entouré, choyé, cajolé. Tu as envie d'attirer le regard des autres, de quitter ce costume gris muraille qui te rend invisible...
Il pleut. Tu as envie de soleil...
"I've got a strong urge to fly. But I got nowhere to fly to." Pink Floyd : Nobody Home
Tu es allé pour la première fois au cimetiere du Père Lachaise aujourd'hui. Tu as honte d'avoir attendu autant, le temps perdu ne se rattrape jamais. Tu as pris plein de photos mais il va falloir que tu y retournes, tu as loupé trop de choses, et puis il y avait trop de monde, trop de soleil aussi, pour rendre vraiment l'atmosphère de ce lieu. Tu y retourneras et tu feras une galerie photo que mettras ici. Mais ce soir tu voulais rendre un modeste hommage à Jim Morrisson. Sa tombe a énormément changé. Constamment sous la surveillance d'un garde, l'endroit est devenu trop propre, trop net. Tu regrettes énormément de ne l'avoir pas vue lorsqu'elle ressemblait à ça :
Les tombes autour ont été nettoyées de leurs graffitis et le lieu semble ne plus avoir d'âme. Tu as quand même envie de partager ce que tu as vu au travers de cette petite ballade pour Jim.
"Is everybody in? The ceremony is about to begin!"
"Un soleil bleu liquide, coule, des projecteurs...
Sous les paillettes mauves son regard tremble encore, Et son grand corps de fauve fait un dernier effort...
Le batteur fait un plan, de cymbales qui crient, Des roulements sur les toms, charleston c'est à lui...
"Waiting for the sun... Waiting for you to, Come along. Waiting for you to, Hear my song."
il est tombé livide, pas loin des compresseurs...
La musique qui tourne, à vide sur un binaire, Plane encore comme un vautour dans le désert...
Un soleil noir et lourd, qui épaissit le jour, Fonce sur ma planète, Des visages inconnus a jamais confondus, Se brouillent dans ma tête" B.Lavilliers : Plus dure sera la chute
"I am the Lizard King, I can do anything"
NOTA : Cliquez sur les photos pour les voir en grand.
"Sunday Morning brings the dawn in It's just a restless feeling by my side
Early dawning Sunday morning It's just the wasted years so close behind
Watch out, the world's behind you there's always someone around you Who will call it's nothing at all
Sunday morning and I'm falling I've got a feeling I don't want to know..." The Velvet Underground : Sunday morning
Ce matin le soleil fait danser des ombres sur le mur de ton salon. Tu as essayé de capturer cet instant. A mesure que le soleil se lève les ombres se font plus minces. Voilà, ce matin tu as envie de ça. Du soleil qui affirme sa présence, et des ombres qui s'évaporent.
"L'idée de la souffrance est beaucoup plus facile à communiquer que celle du bonheur. On dirait que le malheur nous fait prendre conscience de notre propre réalité, même si cette conscience revêt la forme d'un égoïsme monstrueux: la douleur que je ressens m'est personnelle, ce nerf qui se crispe m'appartient, à moi, pas à un autre; tandis que le bonheur nous annihile, nous, y perdons notre identité." Graham Greene : La fin d'une liaison
Toujours ce fameux livre, tu n'as pas fini d'en extraire des passages. Mais, n'en déplaise à ce cher Graham, tu es prêt à perdre un peu de ton identité pour un peu de bonheur. Oh juste un peu, pas beaucoup, un tout petit bout, et puis il y a des traits de ta personnalité dont tu te débarrasserais bien, cela serait l'occasion rêvée. Tu es prêt à te sentir annihilé par un peu de bonheur, par un peu d'amour, par un regard amoureux, par une main qui caresse ton visage. Tu voudrais bien avoir moins conscience de ta propre réalité. Et puis comme disait Lennon, Happiness is a warm gun :
"Happiness is a warm gun Happiness is a warm gun mama When I hold you in my arms and I feel my finger on your trigger I know nobody can do no harm Because Happiness is a warm gun mama Happiness is a warm gun, yes it is" The Beatles : Happines is a warm gun
Nota : En anglais, le titre du roman de G.Greene est The end of theAffair. Ce the, comme ce A majuscule, changent beaucoup de chose finalement dans le titre, et marquent toute l'importance de cette liaison.
Il y a du soleil ce matin et le ciel est d'un bleu très pur à cette heure matinale. Les couleurs vues de ta fenêtre de cuisine t'ont fait penser à un autre tableau de Mark Rothko. Les briques rouges du bâtiment, le ciel bleu, le vert des feuilles t'ont rappelé celui-ci. Tu dois avoir besoin de mettre des couleurs sur les murs gris de l'ennui.
Ce matin tu te demandais depuis combien de temps tu ne t'étais pas réveillé seul... longtemps, trop longtemps. Trop longtemps que tu n'as pas posé tes mains au creux des courbes de la femme allongée à coté de toi, trop longtemps que la seule présence croisée le matin est cet écran, trop longtemps que les seuls sons que tu entends à ton réveil sont ceux des disques mis pour ne pas rester dans le silence. Ce matin, ceux de Belle & Sebastian ont les couleurs de ce tableau.
Tu te souviens d'un matin il y a presque quatre ans, loin d'ici, de l'autre coté de l'atlantique, où le soleil entrait dans la chambre d'hôtel, tu avais mis Tiger Milk et la douceur de leur musique avait poursuivie le rêve de la nuit précédente.
"I'm not as sad as Doestoevsky, I'm not as clever as Mark Twain, I'll only buy a book for the way it looks, And then I stick it on the shelf again.
Now I could tell you what I'm thinking, But it never seems to do you good, It's beyond me what a girl can see, I'm only lucid when I'm writing songs.
This is just a modern rock song, This is just a sorry lament..." Belle & Sebastian : This is just a modern rock song
"Doing nothing, stuck in the mud, just pumping the blood."
Tu n'as le coeur à rien aujourd'hui. Tout te pèse. Il n'y a que du vide. En toi. Autour de toi. Et personne pour le remplir. Tu te sens comme cette personne sur ce banc.
"Catch me if i fall I'm losing hold I can't just carry on this way And every time I turn away Lose another blind game The idea of perfection holds me Suddenly I see you change Everything at once The same But the mountain never moves... ...There's nothing left but hope Your voice is dead... ...Please Say the right words... ... went away alone With nothing left But faith." Cure: Faith
Une journée comme une parenthèse. Rien fait, traîné à la maison. Tu as passé une partie de l'après-midi à essayer de jouer Exit Music (for a film) au piano ('scuse me Thom...). Sous tes doigts cette chanson sonne comme une marche funèbre. Tu mets du noir sur tout ce que tu touches.
"I've still got the scars that the sun didn't heal There's not even room enough to be anywhere It's not dark yet, but it's getting there" Bob Dylan : Not dark yet
Tu te souviens du 1er Mai de l'année dernière et de cette manifestation monstre à Paris. Tu n'avais pas pu accéder à la place de la République tellement il y avait de monde. Pendant que tu attendais Avenue de la République, il y a ces personnes sur échasses qui sont passés, fendant la foule de leur hauteur. Ils s'étaient grimés et portaient tous des valises, symbolisant le départ des étrangers. Quand tu vois les mesures sur l'immigration proposées par Sarkozy, tu te dis qu'ils pourraient bien reprendre leurs valises.
Finalement tu avais pris les boulevards Voltaire et Richard Lenoir pour aller jusqu'à la Bastille qui étaient noir de monde. L'ambiance était décontractée. On allait tous voter pour Jacques C. dans la douleur le dimanche suivant, mais voir cette foule bigarrée criant, chantant, scandant ses slogans redonnait un peu de baume au coeur, nous donnant la vaine illusion d'un sursaut politique. Tu ne savais pas que Sarko voudrait te piquer ton scooter un an plus tard parce qu'il t'arrive de fumer des substances chargées en THC.
Tu étais arrivé assez tôt sur la place la Bastille qui ressemblait à une fête populaire. Tu avais pris cette photo qui te fait toujours penser à cette chanson de Renaud : J'peux pas encaisser les drapeaux, quoiqu'le noir soit le plus beau".
Tu savais que cette manifestation ne changerait rien à ces élections ratées, tu espérais juste que cela permettrait aux gens de ne pas oublier, de prendre conscience du danger qui nous avait frôlé. Un an plus tard l'amertume n'est pas vraiment partie.
Et puis il y a aussi des souvenirs personnels, anodins mais toujours présents, qui font que tu ne veux pas oublier cette journée...
Dresden Dolls : Dresden Dolls
Andrew Bird : The Mysterious Production Of Eggs
The Arcade Fire : Funeral
Rufus Wainwright : Want two
Nirvana : When the lights out
Eels : Blinking lights and other revelations
Beck : Guero
I am Kloot : Gods and monsters
The Smiths : The world won't listen
Hood : Outside closer
V.a : Golden apples of the sun
Jude : Sarah
Antony and the Johnsons : I'm a bird now
Black heart procession : 2
Lou Reed - John Cale : Songs for Drella
Pinback : Summer in abadon
Blonde Redhead : Melody of certain damaged lemons
Joy Division : Closer
Otis Redding : The definitive Otis