Tu le sais... tu as beau dire... mais il ne se passe pas un jour... même moins... encore un jour qui s'éteint doucement... encore un autre jour... avec ce vide, toujours un peu plus grand... que c'en était presque, tout à l'heure, en rentrant, au milieu de cette zone industrielle de banlieue, avec ses restaurants préfabriqués aux façades de couleurs clinquantes, sous le soleil, avec les marronniers en fleur, à en pleurer, que c'en était presque... comme cette chanson, dans le noir, ce soir, avec la lumière blafarde de l'écran... la fatigue aussi, avec ces rêves qui tournent au cauchemar toutes les nuits, presque, cette semaine... toi tu voulais "Des doigts gentils, des doigts doux, Dessus dessous..." et t'allonger sur l'herbe, sous le soleil, elle poserait sa tête sur ton ventre, au bord de la rivière, et tu glisserais ta main sous son petit pull léger, pour sentir sous tes doigts la douceur de son ventre... Tu t'es fait un thé, un thé au lait, pour adoucir l'amertume, l'amertume d'un jour qui s'éteint doucement...
Presque rien... presque du silence... quelques arpèges simples, trois accords, toujours les mêmes, en boucle, quatre mesures répétées à l'infini, hypnotiques... une ambiance crépusculaire, non, plus que ça, nocturne... une nuit d'été... le violoncelle doucement, qui s'élève comme la chaleur de la terre après une journée de canicule... et la voix d'une pureté irréelle, envoûtante, la voix d'Hope Sandoval, et toutes les étoiles s'allument dans le ciel d'encre... une voix douce comme la brise, comme les mots de celle que l'on aime, comme des doigts sur une peau chaude, douce, veloutée... et le violoncelle qui déroule son écrin de velours sombre pour accueillir le diamant au mille facettes de la voix, faisant vibrer les feuilles comme sous le baiser chaud du vent d'été... des frissons sur une épaule nue... une pluie d'étoiles étincelantes... comme le plaisir d'être à deux seuls au monde... presque rien... presque du silence... du plaisir...
"It was you breathless and tall I could feel my eyes turning into dust And two strangers turning into dust Turning into dust"
"Here it comes again, out of the rain" la pluie... foutue pluie... la pluie qui délave et tu sens tous ces lambeaux qui disparaissent... "sur le prospectus ça disait provisoire" tu le sais pourtant mais tout part trop vite, de plus en plus vite... au bureau, la jeunesse sonique, parapluie électrique, pour accompagner la valse des chiffres dans les tableaux, les représentations graphiques, tu colories du vent pour lui donner une consistance de façade alors que tu voudrais peindre les rêves avec des mots... tu regardais ce soir tes pensées comme des fragments d'existence se diluer dans les flaques d'eau, une mélancolie liquide... le printemps se fait désirer, encore une métaphore, 1,2,3, soleil, comme ce jeu auquel tu jouais enfant... 1,2,3, soleil et parfois tu fermes les yeux en comptant 1,2,3, pour voir si les choses auront bougé lorsque tu les rouvriras... 1,2,3, soleil... 1,2,3, soleil...
"it's been way too long an eastern star is on a disappearer"
Un écheveau complexe, une confusion inextricable... trop souvent... tu le sais... tu n'aurais pas du, tu ne devrais pas, tu aurais du, tu devrais... comme si le point de juste équilibre, tellement précaire, devenait inatteignable... un Fa dièse insistant dans une gamme de Do majeur... et des tensions, à fleur de peau, comme un nuage noir d'orage, gorgé d'électricité, menaçant, mais dont aucun éclair ne jaillit, aucun éclair libératoire, comme un cri toujours étouffé... "I sing the body electric" écrivait Walt Whitman... tu frôles parfois le court-circuit...
"Twisting round inside My heart is burning up, my head divide But you control these feelings I can't hide Tried to change my mind"
Il pleut... sur le calendrier il est indiqué "jour du souvenir"... comme s'il y avait besoin de ça... Depuis un an que tu es partie j'ai souvent voulu t'écrire, mais je n'avais pas ton adresse là-haut, au delà des nuages, alors je t'ai écrit des lettres imaginaires, dans le silence de mes pensées... et puis je me disais que parfois, en penchant un peu la tête, tu arrivais peut être à lire par dessus mon épaule ce que je raconte ici... je t'ai chanté des chansons aussi, seul à la maison, et dans le brouhaha de l'éther, ma voix de crécelle aura peut être réussi à s'élever assez haut pour que tu la reconnaisses. Tu sais, je lui avais parlé de toi, elle me posait des questions... je me souviens d'une fois, dans le train, où l'on rentrait chez elle, collé l'un à l'autre, pendant que la campagne défilait... pourquoi ai-je le souvenir de cet instant plus particulièrement, je n'en sais rien... enfin tout ça pour dire que tu me manques... parfois j'aurais bien besoin de tes conseils tu sais...
Il pleut et j'aurais préféré un peu de soleil, comme l'année dernière quand j'avais appris cette putain de nouvelle, alors tu sais, si tu t'ennuies là-haut, tu peux essayer de souffler sur les nuages, histoire que j'aperçoive un peu le ciel bleu comme tes yeux, parce que tu sais, souvent, j'en ai bien besoin...
Le parfum du pollen poussé par le vent... des rayons de soleil sur le tapis vert de l'herbe... le bleu contrastant avec le blanc cotonneux des nuages roulant leur panse géante dans le ciel... un air plutôt doux... tu prépares du poisson mariné pour demain... l'odeur du pain grillé... tout semble et puis non... le visage figé... le tien, ceux que l'on te renvoie, face à tes sourires... triste cire... des envies d'histoire... une histoire tendre... c'est sûrement trop... il y a des villes en toi, des villes plus ou moins lointaines, des villes sous le soleil, des villes au bord de l'eau, tu en prends à peine conscience... des histoires d'eau... tes pensées s'effilochent, te glissent entre les doigts... des jours comme ça... un flottement irréel... comme la voix d'Antony, dans les sphères, impalpable...
Des fulgurances électriques ensoleillées traversent ton regard... Tu traces à la craie blanche des lignes brisées sur les murs... parfois tu espères que l'on suive tes signes pour arriver jusqu'à toi... Tu ne crois pas... pas en toi... malgré ses mots qui rassurent... c'est étonnant, comme avec quelques riens... parce qu'en toi, tu ne crois pas... Tu traces à la craie blanche des lignes sur les murs, des lignes trop souvent brisées... des lignes effacées par la pluie ou les larmes... des lignes qui ne mènent nulle part...
"Je me dis que peut être quelque part, dans un lieu lointain que je ne connais pas, tout est déjà perdu d'avance depuis longtemps. Ou du moins que toutes les choses de nos vies possèdent un lieu de silence où elles se perdent, superposées les unes aux autres jusqu'à former une seule masse. En vivant, nous ne faisons rien de plus que les découvrir, les attirant à nous une à une comme on déroule un fil. Je ferme les yeux, essaie de me souvenir d'au moins une de ces belles formes, tentant de la retenir entre mes mains. Même si je sais son existence éphémère." Haruki Murakami : Les amants du Spoutnik
Tu ne troubles pas. Tu le vois. Tout est trop clair. Ou trop sombre. Tu ne troubles pas. Ou plus. Tu t'évapores. Petit à petit. On ne te voit plus... Tu te noies dans ta transparence... une ombre flottante sur les murs... sur des pavés disjoints... pas de présence, tout en absence, peut être celles qui te hantent... tu colles des mots, des images sur toi pour un semblant d'existence... Tu voudrais un regard, un regard miroir, pour voir ce qu'il reste de chair en toi, pour la sentir vibrer. Et laisser tes mains parler... tes mains trop muettes... tes mains en manque, pour dire ce que les mots ne diront jamais...
"Take my hand, we'll walk through this together But my hand gets sweaty You somehow slip away"
Voilà. 300 chansons. Un peu plus d'un an. Sing us a song, a song to keep us warm. Beaucoup de chansons tristes, beaucoup de belles chansons. Peu de chansons gaies, ou enjouées. Des instants de plaisir partagé... que tu espères partagé... Bande son d'un fragment de vie voilé de ténèbres mais aussi resplendissant de cieux étincelants... de nuages noirs trop vite revenus... un peu plus d'an... 300 chansons... combien de mots... combien de ratés, de maladresses... Sing us a song, a song to keep us warm... une chanson parce que bien souvent il ne reste que cela... quelques notes, des mots qui vrillent le coeur... des musiques associées à jamais à des images, à deux êtres qui s'effleurent du bout des doigts, et puis de la tendresse, plus que ça, des corps qui se frôlent, des épidermes électrisés... et des moments de solitude et de vertige hallucinant...
300 chansons... et d'autres à venir, encore, toujours, pour combler le manque, le vide, pour ne pas entendre le silence résonner sur les murs froids... 300 chansons, comme l'espoir d'un ailleurs enfin, comme des portes ouvertes et jamais refermées sur des univers fantasmagoriques... 300 chansons... comme du rêve liquide... comme une vie meilleure, inventée, espérée... Sing us a song, a song to keep us warm... comme l'espoir d'un peu de chaleur éphémère...
" Wake From your sleep The drying of your tears Today we escape We escape"
Tu as imprimé ce tableau de Mark Rothko, sur feuille A4, papier qualité copie 80gr. Tu l'as affiché face à toi, sur ce tableau de liège posé contre le mur et reposant sur le petit placard de ton bureau. Comme cela, dès que tu lèves les yeux tu peux l'apercevoir. Et tu laisses ton regard se perdre dans la lutte de ce jaune violent qui gronde derrière, impatient de crever ce rouge, cet orange, comme une force tellurique. Comme une lumière trop longtemps assoupie, déchirant l'horizon de sa clarté...
Tu sens accroché à toi, comme un appendice extracorporel digne d'un film de Cronenberg, une sorte d'élastique rivé à ton dos qui te retient, t'empêchant de faire le pas supplémentaire, le pas suffisant pour aller un peu plus loin, vers un ailleurs inconnu, un ailleurs pour ne pas rester nulle part... Tu sens pourtant ce désir d'aller plus en avant, un désir un peu oublié, mais ce foutu lien tissé de tous tes doutes te tire en arrière... Alors tu regardes cette lumière filtrer par cet interstice, sans savoir si elle va réussir à percer ou s'éteindre à bout de force et d'énergie, une lumière comme un signal dans la nuit...
"Take me out tonight Take me anywhere, I don't care I don't care, I don't care And in the darkened underpass I thought Oh God, my chance has come at last"
Un regard... des regards... les regards... ceux qui te manquent parfois... ou souvent... douleur exquise... ceux que tu cherches... ceux qui te troublent... et généralement, tu restes muet... espérant toujours que l'on puisse lire dans le tien tous ces mots que tu ne dis pas...
"you wouldn't hear a sound from my lips and maybe some day I will see that it's a crime I never told about the diamonds in your eyes"
Tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Tu ne sais plus rien. Et puis il y a tout ce que tu ne veux pas savoir. Ca grince dans tous les coins. Une vieille machine grippée. Qui laisse des traces de rouille sur les doigts. Des visions de rues, de quartiers que tu n'arpenteras plus, te hantent... En te promenant avec ta fille cet après-midi, les pensées perdues dans les nuages gris du ciel, tu pensais au Japon. Probablement les livres de Murakami qui finissent par s'insinuer lentement en toi. Ou des souvenirs de Lost in translation. Un doux mélange confus. Un pays étranger dont tu es complètement ignorant de la culture, de la langue, un contraste . Quitte à être perdu, autant parfois l'être totalement... Et le temps qui passe... en écoutant sur le coffret de Nirvana tout à l'heure, une version acoustique de Been a son, tu butes sur la date... 1990... quinze ans déjà... il s'est passé quoi durant tout ce temps... des souvenirs furtifs défilent devant tes yeux... les dates sur les pochettes de disques sont les miroirs cruels de nos errances... et pourtant tu préfères ce que tu es maintenant...
"What else could I be All apologies What else could I write I don't wanna fight What else could I say All my words are gray What else could I be All apologies"
Elle t'avait dit, La division de la joie. Parce qu'entière, c'est un peu trop... mais il ne t'en reste plus guère maintenant... et ces murs gris ce matin sous la pluie triste... l'impression d'être inatteignable... même trajet répété... quelques rares fragments, parsemés, de-ci de-là, comme des restes abandonnés de présence humaine... ou de vagues promesses... difficile de savoir vraiment... d'ailleurs tu ne sais pas... Le soir, flottent comme une nappe de brouillard en suspension, des sentiments imprécis, comme une impression de "déjà vu", la persistance d'un écho lointain... ou ta part de rêves qui s'évapore... tu te demandais, hier, avant de te coucher, si ce n'était pas ça... ta part de rêves... combien en reste-t-il... en quelques années, tu en as trop laissé dans le coeur des filles... mais après avoir éteint, dans tes yeux dansaient des silhouettes imprécises, comme les formes devinées des corps bleus d'Yves Klein, avec ces ventres, ces seins, ces cuisses ouvertes, et tu lui écrivais l'autre soir comme ils étaient chargés d'érotisme, comme ils faisaient naître le désir... au matin, les pensées du soir ont une odeur de tabac froid, accrochée dans les replis de la mousseline des voilages...
La division de la joie. Parce qu'entiere c'est un peu trop... mais trop fractionnée, ce n'est pas assez...
"Hoping for something more Me-ee, seeing me this time Hoping for something else"
Il y a des soirs où tu n'as pas les mots... parce qu'ils ont pris d'autres chemins plus intimes... il y a des soirs où il vaut mieux dormir parce qu'hier, à 3h du matin, encore, les yeux ouverts sur les étoiles, tu ne dormais pas parce qu'un corps fantôme était dans ton lit, à coté de toi, un corps auquel tu avais furieusement envie de faire l'amour mais forcément alors, on ne dort pas... il y a des soirs où il y a quand même une chanson, une chanson pour remplacer les mots partis ailleurs, les mots qu'on ne dévoilera pas... une chanson comme une image... une chanson et ça pourrait être presque n'importe laquelle mais finalement non bien sûr... juste une des plus belles chansons du monde... un soir où tu avais envie... d'une des plus belles chansons du monde.... égoïstement... juste pour toi... et il y aurait tellement à dire dessus mais parfois, le silence est suffisant... une chanson que tu as jouée un soir juste pour... parce qu'il y a des soirs, où par défaut, il faut une des plus belles chansons du monde...
"Thought of you as my mountain top thought of you as my peak Thought of you as everything I've had but couldn't keep I've had but couldn't keep"
Sur le grand rond point, les drapeaux se détachaient sur le ciel bleu, agités par des rafales tourbillonnantes, n'indiquant aucune direction et toutes en mêmes temps. Homme poussière, le vent te disperse petit à petit aux quatre coins dans un lent processus de désagrégation. Des parcelles de toi s'envolent. Souvent, empreint de nostalgie, tu fais rouler au creux de ta paume, sous ton index, ces grains siliceux à jamais perdus...
"No-one's telling you you're not to blame Things around they just don't feel the same And I don't recognise this person that still remains"
Les heures. Puis les jours. Puis les week-end. Puis les semaines. A nouveau les heures. Et les jours. Ces fractions temporelles s'enchaînent. L'une après l'autre. Tout ce temps défile dans une stérilité, une vacuité constante. Tu attends de passer à l'unité suivante. Heures, jours, semaines... qui se ressemblent trop pendant qu'au loin on t'oublie, tu t'agites, inutile, remplissant sans plaisir du vide avec du vide, un tonneau des Danaïdes... A l'exposition Dionysiac cet après-midi, isolé dans ton silence musical, tu erres dans ces salles de bric et de broc, le regard se portant autant sur les oeuvres que sur les visiteurs, dans ce monde où tu n'existes pas, ombre parmis les ombres... tu voudrais parfois, juste serrer une main, un corps mais tu n'étreins que du vent... comme le dit Stig Dagerman, découvert récemment, " Notre besoin de consolation est impossible à rassasier". Tu as acheté des cartes postales, Klimt, Bacon, Klee, Hopper, Klein, Schiele, Lichtenstein... tu les mettras au mur de ton bureau demain, un patchwork coloré... pour remplir l'espace en deux dimensions... en attendant la troisième...
Combien lisez vous de livres par an ? Pas assez... une trentaine probablement, tu ne comptes pas... tout dépend de l'épaisseur des ouvrages, de leur difficulté de lecture (tu lis nettement plus lentement en anglais)... de toute manière pas assez compte tenu de tous les livres qui attendent sur tes étagères et certains depuis plusieurs années...
Quel est le dernier livre que vous ayez acheté ? Waiting Period d'Hubert Selby Jr, pour Selby bien entendu parce que cet auteur est un des plus grands écrivains contemporains ou était puisqu'il nous a quitté...
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ? Le manuel des inquisiteurs d'Antonio Lobo Antunes. Cela faisait bien un an qu'il attendait son instant sur une étagère et l'écriture de cet écrivain est une gifle. Une découverte et une révélation pour la narration et le verbe.
Listez 5 livres qui comptent beaucoup pour vous ou que vous avez particulièrement appréciés : Et ça bien entendu c'est la question piège...
- Le voyage au bout de la nuit de Céline, pour toi le plus grand roman. Pour ces mots acérés, pour cette froide lucidité sans espoir sur l'âme humaine. Parce que tu l'as déjà lu trois fois et qu'à chaque nouvelle lecture c'est un uppercut au creux de l'estomac, de nouvelles découvertes, de nouvelles phrases, de nouveaux passages soulignés au crayon de papier, parce que souvent tu vas relire un passage, parce que tu as déjà truffé ton blog de citations de cet ouvrage, parce que c'est un livre inépuisable dans lequel tu te replonges et tu te replongeras souvent...
- On the road de Jack Kerouac, pour le beat (sans jeu de mot) ternaire de son écriture, pour la route, pour la folie, pour la liberté, pour Kerouac et tout ce qu'il était, pour ça aussi "the only people for me are the mad ones, the ones who are mad to live, mad to talk, mad to be saved, desirous of everything at the same time…", pour Big Sur et pour plein de souvenirs…
- High Fidelity de Nick Hornby, parce que c'est une telle évidence pour toi que cela ne peut être autrement. Pour Championship Vinyl, pour "What came first? The music or the misery?", pour tout le reste, pour tout...
- Lolita de Nabokov, mais tu as hésité avec Ada ou l'ardeur, finalement Lolita pour les allitérations de l'incipit "Lolita, light of my life, fire of my loins. My sin, my soul Lo-lee-ta : the tip of the tongue taking a trip of three steps down the palate to tap, at three, on the teeth. Lo. Lee. Ta.". Pour le style qui t'avait transpercé comme un poignard lorsque tu l'as lu pour la première fois, pour le désir interdit, pour l'odeur de souffre...
- Ulysses de James Joyce, pour la fin, pour "then I asked him with my eyes to ask again yes and then he asked me would I yes to say yes my mountain flower and first I put my arms around him yes and drew him down to me so he could feel my breasts all perfume yes and his heart was going like mad and yes I said yes I will Yes." et tout ce que cela représente pour toi, parce que cette fin est un des plus beaux passages de toute la littérature et pour l'immensité de l'oeuvre dans son ensemble.
Et puis, comme tu n'aimes pas les limitations et qu'il aurait fallu également citer en vrac Le démon de Selby, Le petit prince de St Exupery, 1984 d'Orwell, La conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole, Crash de J.G.Ballard, The naked lunch de W.S.Burroughs, La peste et La chute de Camus, Sur les cimes du désespoir de Cioran, Le Chateau de Kafka, La fin d'une liaison de Graham Greene, Les raisins de la colère de Steinbeck, L'homme-boîte de Kobo Abé, La vacation de Martin Winkler et tellement d'autres, alors trois coups de cœur qui ne te quitteront plus :
- Le buveur de lune de Goran Tunstrom, parce qu'elle te l'a offert, parce qu'il te fait penser à elle, parce que la beauté poétique (beauté que tu n'oseras qualifier de lunaire...) de ce livre t'a fait rêver, et pour des sentiments et des instants inoubliables, tatoués au fond de toi... - Son frère de Philippe Besson, pour ça et des raisons trop personnelles pour être évoquées ici... - Spider de Patrick McGrath pour son angoissante description de la folie, pour cette déconstruction minutieuse de la raison et qu'une fois ouvert tu n'as pu le refermer avant de l'avoir terminé.
A qui allez vous passer le relais et pourquoi ? A David parce que c'est ton ami et que ses choix seront intéressants, à Mues par curiosité et pour ses voyages en train, à Kaia et à qui voudra...
Lundi dernier, ce blog a eu deux ans... tu ne sais quoi en penser... deux ans pour se retrouver quasiment au même point, au même endroit, dans la même situation, avec le même manque, juste un peu plus gros, juste un peu plus présent... Ce matin tu songeais à cette chanson... tu avais écris une histoire à son propos... ton histoire finalement, parce que cette femme n'est autre que toi... cette petite histoire, comme cette chanson magnifique et mélancolique résument bien cette page...
"Elle regarde la mer et toi tu la regardes. Elle est seule. Elle est descendue de la dune d'où tu l'observes pour se rapprocher de la mer. Il fait beau mais il y a du vent et quelques nuages. Une étrange solitude flotte en ce jour de septembre. Les touristes sont partis depuis longtemps. C'est aussi pour cela qu'elle est venue. Pour les souvenirs aussi mais pas seulement. Elle a mis sa petite robe d'été, celle qui lui va si bien et qui se boutonne par devant. Elle a hésité ce matin, elle ne savait pas laquelle mettre. Puis quand elle a aperçu cette petite robe blanche avec ses légers motifs colorés elle a sourit. Elle se trouve belle dedans. Ce n'est pas tous les jours et aujourd'hui elle voulait se sentir belle. Elle aurait pu mettre sa petite robe noire assez courte qui dénude ses épaules, celle qui lui plaisait tant. Mais pour aller voir la mer ça n'est pas idéal. Ca fait longtemps pourtant qu'elle ne l'a pas mise. Elle aurait aimé savoir si elle attirait toujours le regard des hommes dans sa petite robe qu'elle trouve toujours trop courte et comme une gourde elle est toujours en train de tirer dessus pour la rallonger. Alors elle a mis sa petite robe d'été blanche. Elle pense au temps, aux petites pattes d'oie au coin de ses yeux. Et puis elle ne peut s'empêcher de penser à lui. Elle aimait venir là avec lui. Son grand amour. Celui qui l'a consumée. Celui qui n'a laissé que des braises fumantes quand il est parti. Oh elle en a eu d'autres des amours. Des qu'elle croyait solides, des qu'elle pensait voir durer même si ce n'était pas ce qu'elle rêvait mais elle avait envie d'y croire. Des amours qui se sont brisées comme du cristal. Elle se dit qu'elle doit être maladroite avec les choses fragiles. Du coup elle n'ose plus, même si elle voudrait bien être amoureuse. Elle pense à son âge. Elle sait que cela sera de plus en plus dur. Elle pense à eux. A ces hommes qu'elle a aimés, qui l'ont aimée. Elle voudrait savoir si parfois elle leur manque, s'ils pensent à elle. Elle voudrait tellement que quelqu'un pense à elle. Mais il n'y a que le vent pour passer dans ses cheveux qui ondulent sur ses épaules. Elle se rapproche de la mer pour sentir le voile léger de l'écume porté par le vent sur son visage. Oh bien sûr, elle préfèrerait que cela soit ses mains, ses lèvres qui viennent caresser son visage. Mais elle est contente de sentir cette fraîcheur sur ses joues. Le vent la fait frissonner, elle serre ses bras contre sa poitrine. Elle passe sa langue sur ses lèvres pour sentir le goût du sel et reste là, face à la mer, perdue dans sa rêverie. Tu la regardes et tu te sens tellement proche d'elle, comme si tu te regardais dans un miroir. Tu as presque l'impression de pouvoir la toucher si tu étends ton bras. Peut être qu'elle aimerait sentir tes mains sur ses épaules. Peut être que tu aimerais qu'elle pose sa tête contre ta poitrine..." KMS 09/2003
"easiest days of her life have been spent wonders if she is loved, if she is missed"
Bouclé dans ton monde, les parois du conduit du RER défilent et la musique dans les oreilles tu pensais tu as remué du vent toute la journée dans un grand palace Parisien et en rentrant ça défile ça défile et puis comme un flash la lumière qui jaillit presque violente et ça défile comme des images en accéléré, tu ouvres les yeux, les fermes ça défile ça défile enfermé dans ta bulle avec la musique qui t'isole de l'extérieur. Ca défile avec des blancs, des noirs, des images furtives, hachées comme la nuit dernière, perdue, agitée et on te maintenait la tête sous l'eau dans cette piscine tu t'es réveillé avant de suffoquer. Ca défile comme tes pensées. La tête en arrière, tu sentais les rayons du soleil sur ton visage à travers la vitre, les yeux ouverts, fermés, mais toujours tu ne vois qu'absence, vide, rien, les yeux ouverts, les yeux fermés...
Tu t'es dit ce midi ça fait du bien, dans la voiture, en regardant le soleil et le vert tendre sur les arbres, tu t'es dit ça fait du bien, bon sang ça fait du bien, c'est la lumière surtout. La lumière comme si on t'aspirait vers le haut. Et ce soir avec la chaleur. Ca ressemblait à la musique de Mojave 3. Alors tu as pensé à ces collines au-dessus du Lavandou, qui est si beau en janvier quand les mimosas sont fleuris, mais là c'était le printemps pas encore l'été mais là bas le printemps c'est déjà l'été et on était fin mai ou début juin tu ne sais plus. On voyait le soleil se coucher au loin, vers les îles, et on voyait la mer, de cette petite auberge perdue dans les collines où l'on mangeait tous assis à des grandes tables en bois avec des bancs, dehors, sous ce ciel et cette lumière, tout le monde se mélangeait, et tu étais là au milieu des odeurs incroyables de la végétation, des pins chauffés par le soleil, des chênes-lièges et toutes ces herbes. C'est l'endroit qui est resté, l'endroit, plus que les personnes ce soir là. Juste l'endroit et ça ressemblait à la musique de Mojave 3 cette atmosphère mais à l'époque tu ne le savais pas encore et tu avais mis les Tindersticks dans la voiture pour monter et elle avait dit c'est pas Curtains, non ce n'est pas Curtains. C'était Simple pleasure, des plaisirs simples, parce que tu n'en pouvais plus c'était la fin bientôt, et c'était peut être pour ça que c'était pour toi et pas pour elle pour une fois, c'est pas Curtains avec sa moue de déception. Une histoire simple c'est ce qu'elle disait et toi tu disais oui bien sûr pareil mais ça ne pouvait pas et il y a eu ce lundi où tu aurais du rentrer où tu es resté, et il y avait du soleil aussi au bord du lac où vous aviez déjeuné et c'était l'automne mais des années plus tard et une autre histoire. Tu avais fini par avoir froid, à regarder la mer et le soleil se coucher, tu tremblais un peu à cause du vent qui se glissait insidieusement à travers ton pull léger à même la peau ils se moquaient de toi et elle en rajoutant, mais que c'était beau cette lumière et ces odeurs et ce soleil là bas sur les îles, se couchant silencieusement c'est pour ça aussi que tu tremblais, pas seulement à cause du vent frais. Ils ne comprenaient pas et tu t'en fichais. La lumière ce midi, pas la même, mais qui te tirait vers le haut, qui t'aspirait. C'est pas Curtains. Non ce n'était pas Curtains, mais elle devait penser que quelques mois auparavant vous aviez fait l'amour là, pas loin de cette auberge, dans la garrigue allongés sur ton manteau en fin d'après-midi, c'était l'hiver et l'hiver là bas où c'est si beau avec les mimosas en fleur c'est déjà le printemps. Bon sang ça faisait du bien cette lumière, tu te mets à y croire à nouveau avec cette lumière, ce soleil. Et les îles, Port-Cros, Porquerolles, qu'on voyait au loin et le soleil qui se couchait avec toutes ces odeurs sur ces grandes tables avec ces bancs en bois où tout le monde se mélangeait. Oui une histoire simple, et tu disais oui pareil mais ça a raté alors il reste la lumière, la lumière, pour toi, pour un peu de temps tu l'espères, comme ce jour là, et tu avais froid à cause de la fatigue, du reste et de la beauté du moment, tu tremblais en regardant le soleil se coucher et puis la nuit est tombée et les étoiles ont décoré le ciel d'encre...
Un vieux souvenir poussérieux, déjà oublié au fond d'un tiroir, avec des cartes postales aux mots perdus et inutiles. Un jouet brisé, trop vite usé, abandonné au fond d'un carton. Un épouvantail désarticulé, aux membres brisés, pendant lamentablement, rongé par les intempéries et le temps, perdu au mileu dans un champ en friche, perdu, au milieu de nulle part, dont l'ombre se perd dans les herbes folles. Parfois naïvement, tu crois que ta silhouette n'est pas si transparente que cela... mais cela te revient en pleine face, comme un boomerang, sèchement. Rébellion inutile. Vite réprimée. Tu devrais piétiner ton rétroviseur dans lequel le soleil se reflète. Comme un miroir aux alouettes.
Dresden Dolls : Dresden Dolls
Andrew Bird : The Mysterious Production Of Eggs
The Arcade Fire : Funeral
Rufus Wainwright : Want two
Nirvana : When the lights out
Eels : Blinking lights and other revelations
Beck : Guero
I am Kloot : Gods and monsters
The Smiths : The world won't listen
Hood : Outside closer
V.a : Golden apples of the sun
Jude : Sarah
Antony and the Johnsons : I'm a bird now
Black heart procession : 2
Lou Reed - John Cale : Songs for Drella
Pinback : Summer in abadon
Blonde Redhead : Melody of certain damaged lemons
Joy Division : Closer
Otis Redding : The definitive Otis