Finalement la vie n'est qu'une histoire de remplacement... On remplace une chose par une autre. Une personne par une autre. Un amour par un autre. Différent à chaque fois, bien sûr. Mais on remplace. Plus ou moins rapidement. Pour combler le vide. La nature, l'homme de manière générale a horreur du vide. Tu ne sais pourquoi, mais quelque part, tu trouves cette idée déprimante... Et le froid, toujours, qui glace le sang, le coeur, mais est-ce seulement le froid ou le printemps qui tarde à apparaître, dans lequel tu voudrais espérer des changements... tu compenses avec de la musique tropicale... une fuite, tu ne fais que fuir, vers des horizons que tu rêves plus radieux...
Ne pas penser, ne pas imaginer... ce qui se passe, loin, là-bas. Pour éviter ces lames acérées qui s'insinuent dans ta chair et te déchirent. Ne plus tourner la tête pour regarder en arrière. Ne pas imaginer... gommer d'un geste rageur... Tu te souviens d'Eternal sunshine of the spotless mind... effacer l'autre de sa mémoire... pour ne pas souffrir... peine perdue... et tu trembles... c'est toi que l'on gomme... Et le froid, le froid toujours, qui s'accentue, et le vent, et cette pellicule blanche ce matin, la tempête ce soir, comme si tout devenait glacé, figé... pourtant ton regard se porte vers l'horizon... ailleurs... tu en oublies probablement de respirer... mais c'est dimanche et le poison s'insinue dans tes veines... un sale poison...
"This is a weeping song A song in which to weep While all the men and women sleep This is a weeping song But I won't be weeping long"
Tu dois être fâché avec le sommeil. Il te fuit depuis plusieurs soirs. Il te faut attendre le milieu de la nuit pour qu'il daigne apparaître. Rapidement, après juste quelques heures, vers 6h, il s'enfuit de nouveau. La fatigue commence à s'accumuler sous tes yeux et tu n'as pas tous les soirs des messages agréables pour accompagner tes insomnies... Durant ces heures sans sommeil, des idées, des pensées jaillissent de partout dans ton esprit, pendant que tu te tournes et te retournes dans le grand lit. Il faudrait dans ces instants là, pouvoir se connecter directement à l'ordinateur pour que celui-ci retranscrive immédiatement tout ce foisonnement d'idées. Des phrases, des paragraphes entiers qui pourraient figurer dans ce foutu livre que tu commenceras un jour. Un jour ou deux. Peut être. Tu sais que si tu te lèves pour te mettre devant l'écran, une trop grande partie de ces idées se sera envolée avant que tu n'aies pu les écrire. Tu as tenté une fois de t'enregistrer mais même la parole n'a pas la rapidité nécessaire, et le simple fait de prononcer les mots fait disparaître ta pensée. Voilà, il te faudrait ça, pour les soirs d'insomnie. Deux électrodes sur les tempes, et le flot continu de tes pensées qui s'écrirait noir sur blanc sur l'écran... sur l'écran blanc de tes nuits blanches...
Toute l'ironie du propos, prendre un album intitulé Weather system dans la voiture ce matin, avec la neige qui couvrait les rues, les trottoirs de la ville, et toutes tes tempêtes intérieures qui n'en finissent pas de tonner. Un tiraillement incessant. Tu fermes les portes derrière toi pour ne pas sentir l'appel du vide.
"Anything but hear a voice that says we're basically alone"
Difficile de ne pas se retourner. De ne pas jeter un coup d'oeil furtif en arrière. Parce qu'on crêve de savoir bien sûr, même si on sait que l'on risque de voir des images comme des coups de poignards... Tu lis par rebond cette minuscule histoire écrite début août. Prémonitoire. Tes mots semblaient sortir plus facilement à l'époque. Ce matin le ciel était lourd comme tes pensées, avec ce grésil, pas de la vraie neige, un succédané, tombant par raffales de façon presque continue. Etrangement, tu te sentais en harmonie avec ce gris barbouille et ce ciel bas, presque un apaisement. Hier soir tard, dans Oedipe sur la route d'Henri Bauchau, tu lis cette phrase terrible : "Moi je désire, je n'aime plus." Tu devrais dorénavant la reprendre à ton compte. Contrairement à Clios, dans ta bouche elle risque de manquer de male assurance... "L'Homme est un être de désir' dit Henri Laborit dans L'éloge de la fuite, "On ne peut être heureux si l'on ne désire rien". Tu ne sais plus où porter ton désir. Il s'évapore en des chimères. Tu dois le reconstruire. Tu ne vis pas, tu survis. C'est déjà beaucoup. Mais pas assez...
Caroline dit en soupirant : Je n'aime pas les dimanches. C'est triste et ennuyeux les dimanches. Surtout seule à la maison. - Tu n'es pas seule, je suis là. Caroline dit, les yeux écarquillés : Mais tu sais bien que je n'existe pas, à part dans ton imagination. - C'est pour cela que je te dis que tu n'es pas seule. Et puis ce n'est pas que tu n'existes pas, tu n'existes plus. C'est différent. Caroline dit, les yeux au ciel : Mon dieu ce que c'est compliqué. Et ça change quoi. - Je suis compliqué. C'est plus triste. Pour le coté perdu... Caroline pose un coussin sur la table du salon, et allonge ses jambes : Mets nous un disque tu veux, mais un que je connais un peu. - Un que tu connaîtrais si tu existais. Caroline allonge son bras vers son paquet de cigarette en souriant : Voilà, admettons. - Je te pique une cigarette. Caroline dit tendant le paquet ouvert : Tu refumes. - C'est dimanche aujourd'hui. Caroline allume prestement sa marlboro et tend le minuscule briquet rouge : Hier tu as fumé aussi. - Everyday is like sunday en ce moment. Caroline dit en souriant : Baby. - Pardon? - Tu devrais dire baby à la fin d'une telle phrase. Everyday is like sunday en ce moment, baby. Ca donne un coté cliché. - Ah? J'suis pas doué pour ça tu sais. Pas doué tout court d'ailleurs... Caroline souffle sa fumée vers le plafond, esquissant une moue de dépit : Ah tiens ça faisait longtemps. Ou plutôt non. Oui, un coté cliché désabusé. Alors ce disque? - Elliott Smith. Either/or. Caroline sourit doucement, une petite lueur triste dans les yeux : Il te fait penser à moi ce disque? Pourquoi tu mets la deuxième face d'abord? - Il me fait penser à moi. Je suis égoïste. Il me fait penser à la douceur aussi. C'est beau comme le rire d'une fille alors que des larmes coulent encore sur ses joues. C'est beau comme un arc-en-ciel alors que la pluie tombe encore. Sa musique a la saveur des paradis perdus aussi. Caroline écrase sa cigarette dans le cendrier, serre ses bras contre sa poitrine : Je suis déçue qu'il ne te fasse pas penser à moi. - J'essaye de ne pas dire ce qui me fait penser à toi. La liste serait trop longue. J'ai mis la deuxième face parce que je veux écouter la dernière chanson. Celle où il dit "I'm in love with the world trough the eyes of a girl". Caroline s'allonge sur le canapé, la tête sur les coussins : Il vient de se faire larguer dans cette chanson non? Tu viens passer ta main dans mes cheveux? - "we broke up a month ago"... ouais mais tu vois, même s'il dit qu'il se sent comme une merde, il y a un coté autodérision dans la chanson, un coté qui me fait défaut... désolé pour les cheveux, tu n'existes plus. Mes mains ne caressent que du vide. Caroline dit avec sa moue boudeuse : Tu pourrais faire comme si. J'aime bien quand tu passes ta main dans mes cheveux. "A happy day and then you pay"... c'est ça finalement. Il dit tout dans cette chanson non? - "I'm damaged bad at best"... oui il dit tout, peut être même un peu plus... Caroline se redresse et réajuste sa boucle d'oreille : Allez "Say yes" comme dit Elliott. Le disque est finit. Je n'aime pas les dimanches. Dommage pour tes mains dans mes cheveux... - Je ne demande que ça. Moi non plus je n'aime pas... surtout sans arc-en-ciel... dommage oui, dommage...
La marée monte. Ou descend. C'est selon. Peu importe le sens du mouvement. Tout ça n'en a pas d'ailleurs. C'est de toute manière de la douleur qui coule dans les veines. Au creux du ventre. Ca vient. Disparaît. Revient... Le vent et le froid continuent leur litanie. Devant le château, les forains ont terminé l'installation des manèges. Les ampoules de couleur, rouges, bleues, vertes; les sons criards de la musique et des annonces se chevauchent mutuellement, les enfants courent sur l'herbe pelée... une tristesse infinie... tu vois toujours les manèges tourner en noir et blanc au ralenti... encore un cliché... Le monde défile devant toi. Immobile tu assistes à la parade. Elle a raison. Ca donne le vertige. Tu as toujours été attiré par le vide... En rentrant tu as pris un grand verre de jus d'orange. Un de ces mélanges que l'on trouve au rayon frais. Orange, citron, orange sanguine. Très acide. Pour bien sentir la morsure à l'estomac. Il faudrait parfois un peu de rage pour adoucir l'amertume...
"Sometimes I forget that we're supposed to be in love sometimes I forget my position"
Le froid encore. Cet hiver ne semble pas vouloir en finir... et le temps qui coule comme tes larmes... Il fait froid, froid comme des pourquoi sans réponse. Un homme dévorait la bouche d'une fille hier soir vers la place d'Italie, dans l'ombre d'un porche. Tu as failli les frôler pour ressentir un peu de leur chaleur animale... ce matin le ciel est blanc, comme si les décors étaient en train de s'effacer. Au sortir de la douche, tu jettes un œil machinalement sur le téléphone pour voir si... malgré tout... un goût salé et amer dans la bouche. Devant le château de Sucy, le cirque installe ses manèges et leurs néons bleus. Comme des silhouettes immobiles. Tu es un pessimiste qui garde toujours espoir. Une fille t'a dit un jour que c'était la définition d'un idéaliste. La voie royale pour s'écraser sur le mur au fond de l'impasse. Tu voudrais sortir de cette fatalité de l'échec. Tu ne fais qu'attendre celle qui te reconnaîtra. Tu te sens comme une ombre. Une ombre perdant sa consistance dans la lumière qui décroît. Tu as besoin de sourires, de sourires rien que pour toi, comme une explosion de bulles de couleur. Stéréolab ce midi au bureau, en pensant au soleil, ailleurs, quelque part... mais c'est quoi tout ça, tu peux me dire toi... c'est ta vie, ça ne ressemble à rien, c'est un peu encombrant...
"Ooh! Get me away from here I'm dying Play me a song to set me free"
Pull me out of the aircrash... tu t'écrases lamentablement. Cockpit explosé. Tu avais beau tirer sur le manche, le sol se rapprochait trop vite... the ideal crash... tu parles... tu as envie de crier, d'hurler, mais plus aucun son ne sort de ta gorge... une pression d'un doigt sur ta tête et tu sombrais... hier soir elle a appuyé des deux mains... l'occasion était trop belle... la destruction était bien avancée... ne manquait que la finition... la douleur atteint parfois un seuil anesthésiant... c'est bon là ... tu as ta dose... à moitié mort, à moitié vivant, tu hésites sur la direction à prendre... ne reste plus qu'à trouver une chambre à l'heartbreak hotel... à vie, avec vue... sur cour... pour l'obscurité... allez vas-y Elvis, sing your song for me...
" You make me so lonely baby, I get so lonely, I get so lonely I could die."
“I tried and tried NOT to write a divorce song, I really did, you have to believe me. The last thing I wanted was to come over as a grieved cattle bum crying into his beer in the bar of heartbreak motel. Or even worse, as Phil Collins." Andy Partridge
La pluie sur Paris. Une pluie poisseuse. Les chaussures des passants laissaient des traces sur les trottoirs comme dans de la neige sale. Le pavé luisait... Tu roules dans les rues et tu penses à ses rues à elle, à Geneve. A son quartier. Ces rues où tu aimais marcher... Paris t'opresse ces temps ci. Cette ville et sa banlieue t'opressent, t'étouffent. Ou bien est-ce seulement ta vie... Tu as racheté l'arrière-saison puisque tu lui donné le tien. D'occasion. Tu aimes les livres d'occasion. Comme si les lecteurs précédents avaient laissé un peu d'eux-même entre les pages. Il y a deux ans, un samedi pluvieux comme aujourd'hui, tu avais acheté Son frère, dans des circonstances équivalentes. Retour en arrière. Eternel recommencement. Ironie du sort. Peu importe les noms, les mots...
Réapprendre le silence. Réapprendre à ouvrir les yeux sans la voir. Retourner dans un passé, pas si lointain, que tu aurais tellement voulu oublier. La solitude de ces vendredis soirs. De ces samedis. De ces dimanches. Même l'écriture te fait défaut. Le cri qui gronde en toi n'arrive pas à sortir. Ce cri d'incompréhension. "Tu as tout à apprendre, tout ce qui ne s'apprend pas : la solitude, l'indifférence, la patience, le silence." Georges Perec : Un homme qui dort
"She tends her garden in a dress It’s white and I don’t know If pulling all the weeds is gonna help
People look the same to me And they’re much uglier than you"
...et tu n'es pas une pierre... te sentir comme une boule de papier froissé, jetée négligemment dans un coin... papier, pierre, ciseaux, tu perds à tous les coups... "où elle va cette ombre, se perdre au loin, sûr qu'un grand nombre n'y verra rien"... C'est usant, de se retrouver toujours au même point de nulle part...
Tu as voulu, à une époque pas si lointaine, écrire l'histoire d'un homme. Un homme vivant une relation amoureuse et la décrivant quotidiennement dans son journal intime. L'histoire débute lorsque son histoire d'amour se termine. Il décide de n'exister que dans son souvenir, en revivant exactement les mêmes journées que celles passées avec la femme qu'il aimait, jour par jour, heure par heure. Suivant les notes détaillées consignées dans son journal. Il va voir les mêmes films, va dans les mêmes magasins, les mêmes restaurants, les mêmes lieux... ce qui n'est pas toujours simple... Un jour, par hasard, il rencontre une fille dont il finit par tomber amoureux. Sans rien expliquer à la fille, il continue de revivre les évènements de son passé, mais avec elle, cette nouvelle femme, à la place de l'autre qui n'est plus là. Bien entendu, quand la fille comprend les raisons de cette vie étrange, elle le quitte... il se met alors à reproduire fidèlement, les mêmes évènements que ceux vécus avec cette fille, consignés une nouvelle fois soigneusement dans son journal, ces mêmes journées passées avec elle, reproduisant ces mêmes journées passées avec la première femme qu'il aimait... Juste un conte de la folie ordinaire. Pitoyable. Finalement tu n'as rien écrit...
"Mon petit feu, je t'embrasse sur les yeux, Je quitte l'enveloppe, j't'aime plus qu'un peu..."
Les mêmes matins. Le même trajet. Le même bureau. Les mêmes couloirs. Les mêmes personnes. Pas les bonnes. Tu ne supportes plus ces murs. Cette vue sur cette barre lugubre. Tu erres comme un fantôme dans ta vie quotidienne. Sans intérêt. Tu veux être ailleurs. Alors tu rentres chez toi. Même chemin. Mêmes rues grises. Mêmes ralentissements. Mêmes personnes croisées au hasard dans le parking dans les escaliers sur ton palier. Pas les bonnes. La même porte que tu ouvres. Personne. Personne à attendre. Personne à désirer. Ton désir se perd dans les souvenirs de son corps. Dans son absence trop présente. Des souvenirs comme un brouillard épais qui ne se dissipe pas et bouche tout horizon. Tu remplis ta vie d'objets, disques, livres, pour combler ton gouffre intérieur. Tu n'as plus de courage. Tu es lent, il te faut du temps, de plus en plus, pour tout, tu n'en as pas, de moins en moins. Ton quotidien obligé phagocyte ton existence, tu n'arrives plus à fuir. Tu te liquéfies à force d'inconsistance. Un matin il n'y aura plus qu'une flaque de toi. Un matin ou un soir. Tu as envie d'océan. De plages désertes sous les nuages, de vagues, de vent. Des vieilles obsessions, tes vieilles envies qui ressortent… tu penses parfois, ces jours là, ces jours ci, à tout abandonner, partir, disparaître… prendre le temps de regarder, de sentir, d'essayer d'écrire...
Tu te retrouves au même point qu'il y a un an, deux ans… Kill me again… tu parles… c'est réussi…
"I've got to choose between tomorrow and yesterday I can't stop to think about my life, here today"
"Maybe I'll find someone to get you off my mind Take me away from here and leave it, leave it all behind "
(Ecoutez cette chanson, d'une beauté à faire pleurer les pierres ...)
Il y a toujours trop de choses qui remontent à la surface le dimanche soir. Ces bilans sur toi-même, sur ta vie, avec la colonne du passif toujours trop lourdement chargée. Et les espoirs qui s'amenuisent. Certains dimanches soirs, tu aimerais parfois, basculer temporairement vers une folie qui édulcorerait la réalité glacée de l'existence...
"I really love you and I mean you the star above you, crystal blue Well, oh baby, my hairs on end about you... "
Peut être que le plus dur est de constater que l'on n'est plus rien pour l'autre. Ou éventuellement d'avoir perdu l'illusion d'exister pour l'autre... Tu as des images associées à cette chanson. Tu n'y as pas pensé plus tôt. Elles te sont revenues soudainement. La côte méditerranéenne. En fin de soirée. Un soleil magnifique. Dans la voiture, Mutations. Début juin. Un garçon. Une fille. Ils s'arrêtent pour regarder la mer. Une relation qui s'est tendue. Une relation très particulière. Un triangle compliqué. Le garçon vivait mal sa situation. Et puis le garçon est troublé par une fille croisée un peu par hasard. On ajoute un point au triangle. Et ça n'en est plus un. Le garçon trace des pointillés vers ce nouveau point. La fille du triangle, qui avait tendance à être hautaine avec le garçon, se rend compte qu'elle peut le perdre. Comme ça. Pour une inconnue. Que le garçon n'a même pas encore vue. La fille comprend que si elle ne se rapproche pas du garçon, son triangle ne sera plus qu'une droite. La fille connaît bien le garçon. Elle sait que le garçon ne lui a pas parlé du trouble provoqué par cette fille à la légère. Elle sait qu'il ne dessinera pas de carré. Mais une droite. Sans elle. Alors la fille change la forme du triangle en se rapprochant de la pointe du garçon... La fille avait sauvé son triangle. Du moins pour quelques temps. Et puis, ironie du sort, près de quatre ans plus tard, l'inconnue retrouvera le garçon par hasard. Le garçon n'avait pas oublié la fille. Ni le trouble ressenti. Il mettra toute son âme et son coeur à tracer une jolie droite avec l'inconnue qui ne l'était plus... Une droite toute simple. Avec juste deux points. Et un trait les reliant. Le garçon était content. Il ne supportait plus les triangles. Mais la fille gommera la droite trop rapidement... maintenant le garçon n'est plus qu'un point isolé dans l'espace... la géométrie amoureuse n'a jamais été ton fort...
"who would ever notice you you fade into a shaded room it's such a selfish lose the way you lose these wasted blues, these wasted blues
tell me that it's nobody's fault nobody's fault but my own..."
Midi, il pleut. Comme si cela devenait un évènement remarquable. Le point culminant de ta vacuité quotidienne. Même pas une vraie pluie... Sur les plaques sensibles de ton esprit, des images persistantes. Elle était encore dans tes rêves la nuit dernière. Elle t'ignorait. Au moins cette fois elle ne disparaissait pas. Si les rêves se mettent à ressembler à la réalité... Le soir, dans ton appartement vide qui résonne comme une condamnation, tu joues un peu de guitare pour tes fantômes. Tu joues mal mais cela ne semble pas les faire fuir. Tes doigts écrasent maladroitement l'acier des cordes. Ta voix disgracieuse, fausse, avec cet accent horrible, mâchouille les paroles plus qu'elle ne les chante. De bonnes intentions, un résultat désastreux. A l'image de ta vie sentimentale. Peut mieux faire. Un jour, tu voudrais savoir ce qu'il y a en toi pour tout rater systématiquement. Tu n'existes que dans le regard des filles que tu aimes, mais leurs yeux se ferment systématiquement...
Tu traînes au bureau, regardant le ciel crépusculaire derrière la grande barre hlm. A quoi bon rester. La voiture tremble en grimpant la rampe du parking. Talking Heads dans le lecteur. La tienne ne pense plus. Pas depuis quelques jours. Juste des pensées rémanentes. Les mêmes. Ce n'est pas penser. Bonne réédition. Psycho killer, qu'est-ce que c'est? Ta tristesse semble déteindre sur la banlieue environnante. Ou est-ce l'inverse. Au feu rouge, la petite galerie d'art ouverte il y a peu. Sculptures derrière la vitre. Des pensées encore. Combien depuis ce matin... everything reminds me of... Tu tournes à droite vers le pont. Tu penses au secours mais qui peut t'entendre. Roule roule. Vitesses qui montent, descendent. Le port glauque. Tu te dis et si, tu te dis oui mais... mathématiques souterraines... Feu rouge non vert accélère. Zone industrielle... putain de banlieue... elle pense quoi elle là-bas... elle est chez elle... with your guardian eyes so blue... elle se dit quoi... elle fait quoi... pense à toi... tu n'oses... tu voudrais bien... savoir... what is in her mind? what is in her mind?... tu te sens déchiré... pensées contradictoires... quoi faire... ta vue baisse de près, tu as bien vu ou plutôt non tout à l'heure au bureau, bon sang changer de lunettes... putain déjà déjà... why am i so shy? tu as envie de faire l'amour... des images, son corps, entier, des détails, défilent devant tes yeux, et tes mains, plus que ça, tension, tu as envie, tu as envie, de faire l'amour... tell me why... oublier un peu, dans les corps qui se serrent, se pénètrent, mais non... tu partirais bien quelques jours, tu ne sais pas où... pays nordiques... mais quoi... partir sans qui comme elle disait... sans qui... will anything happen?... hier soir tard, tard, encore plus, tu ne voulais pas dormir, pour éviter les rêves, caresses, plaisir... tu t'es réveillé 5 ou 6 fois entre 3h et 5h30, toujours pareil... encore le froid, boulangerie, pain chaud sorti du four, tu sens sa chaleur dans ta main au travers du papier qui l'enrobe, la saveur du pain chaud, depuis si longtemps... la fille nettoie la vitrine, la mousse blanche de son produit, son chiffon, des images, trop vite, elle a l'air triste... Caroline dit oh Caroline dit... penser à la petite souris pour ta fille vendredi... mal au bras, ça tire tire... le pain chaud, dans ta bouche... la maison, courrier, rien, un paquet chez le gardien, trop tard, demain, elle? une jolie fille se suicide, les élections en irak, le procès de Michael Jackson, les otages français, Raffarin à gerber pas d'autre terme, de plus en plus de solitude, signe oh signe des temps... rosbeef froid et des nouilles, tu finis la bouteille de vin, le pain a refroidi tant pis, c'est quoi tout ça... ces murs, ta vie... ta guitare en passant, mais chaque junkie est comme un soleil couchant... plonk... déprime, subite, elle t'a vieilli, dix ans d'un coup tu pensais en regardant la glace de l'ascenseur... ta vie qui glisse sur la pente, tu t'accroches à quoi, et demain, recommencer sans motivation... le dernier Bonnie Prince, chansons tristes, beauté fulgurante parfois... elle pense quoi là-bas ça revient et merde, combien de fois depuis ce matin, everything, everything... ta vie s'effrite comme un château de sable sous les assauts des vagues et ce soir tu n'en as cure... going away on a strange day...
Dresden Dolls : Dresden Dolls
Andrew Bird : The Mysterious Production Of Eggs
The Arcade Fire : Funeral
Rufus Wainwright : Want two
Nirvana : When the lights out
Eels : Blinking lights and other revelations
Beck : Guero
I am Kloot : Gods and monsters
The Smiths : The world won't listen
Hood : Outside closer
V.a : Golden apples of the sun
Jude : Sarah
Antony and the Johnsons : I'm a bird now
Black heart procession : 2
Lou Reed - John Cale : Songs for Drella
Pinback : Summer in abadon
Blonde Redhead : Melody of certain damaged lemons
Joy Division : Closer
Otis Redding : The definitive Otis