Tu dînes au bord du lac Mälaren sous les saules pleureurs, en plein Stockholm . Le soleil couchant illumine l'île de Södermalm juste en face. Tu écris quelques mots pour la première fois depuis ton arrivée. Il t'aura fallu ces deux jours pour absorber un peu de l'atmosphère de la ville, de sa douceur, pour te sentir un peu moins étranger. Le clapotis de l'eau se mêle aux conversations. Tu as demandé à deux jeunes filles de te traduire le menu qui n'était qu'en Suédois. Elles riaient en cherchant les mots en anglais pour traduire la description des plats. Finalement tu leur as demandé de te conseiller, elles ont trouvé ça plus simple aussi. Les filles sont tellement jolies ici. Tu as passé une partie de la journée à les regarder. Assis à une terrasse, ou allongé sur l'herbe d'un parc. Leurs yeux sont hallucinants. D'un bleu plus pur que le ciel. Les plus jolies filles du monde... tellement que c'en est presque cruel de les voir partout dans la ville... La ville est belle également. Terriblement. Avec l'eau omniprésente, et tous ces ponts reliant les différentes îles, la nature presque toujours à portée de la main. Dans les rues on croise une vie incroyable et en même temps, une atmosphère légère, détendue, souriante surtout. Il n'y a pas de policiers dans les rues ou on ne les voit pas, le contraste avec Paris est tellement saisissant. Tout à l'heure, assis dans une petite rue de Gamla Stan, tu regardais la lumière extraordinaire sur les façades jaunes, ocres, roses se détachant sur le bleu du ciel. La lumière est chaude mais le soleil n'est jamais écrasant. Dès qu'il se voile ou se couche comme actuellement au bord du lac, l'air se rafraîchit très rapidement. Aux terrasses des cafés et des restaurants on trouve des plaids pour se couvrir le soir, ils passent d'une table à l'autre au fur et à mesure des arrivées et des départs. Et toujours les filles jolies comme ça n'est pas permis, à droite, à gauche... Le Götheborg est parti tout à l'heure sous les applaudissements. Il n'avait pas déployé sa voilure.
Depuis vendredi tu parcours la ville à vélo, il y en a plein ici, plein de pistes cyclables également, respectées par les automobilistes. On ne devrait pas s'étonner de ce comportement mais encore une fois, par rapport aux rues Parisiennes... Hier tu as traversé toute la ville et après avoir visité le Moderna Museet tu as fini par faire le tour de la grande île de Djugården qui avance vers l'archipel. Il doit être agréable de tomber amoureux dans cette ville, s'allonger sur l'herbe au bout de cette île pour regarder la mer et les oies sauvages qui s'écartent à peine pour laisser passer les vélos et les piétons. Marcher le long des rives le soir, regarder les lapins courir aux pieds des immeubles le long du petit canal bordé de saules sur Kungsholmen... tellement de choses entre l'air et l'eau... Le crépuscule s'éternise comme si le temps s'arrêtait doucement, sans heurt. A 4h du matin il fera déjà jour. Le temps paraît suspendu ici l'été, comme s'il s'accrochait le plus longtemps possible avant de sombrer dans les ténèbres de l'hiver. On sent d'ailleurs partout, que les Stockholmois profitent au maximum de cette lumière.
La rive opposée s'illumine petit à petit, noyé dans tes pensées, tu te dis qu'il te faudra revenir. Pas seul. A deux. Pour s'émerveiller encore plus...
Lundi 22 août
La plus jolie fille du monde t'a servi ton thé ce matin. Ca fait partie des détails magnifiques qui font aimer cette ville. Un café konditori avec une terrasse ensoleillée où tu étais déjà venu, et ce matin, derrière le comptoir (on va se servir ici), la plus jolie fille du monde avec un sourire à mourir sur place, des yeux d'un bleu clair infini et les plus jolies épaules du monde dans son petit débardeur noir décolleté. Le plus désarmant finalement étaient peut être son naturel et sa douceur. Tu n'arrivais plus à chasser son image de ton regard flou...
Tu as pris le bateau pour l'archipel et Vaxholm, faute d'avoir le temps d'aller jusqu'à Sandham. La balade dans l'archipel est magnifique avec ces îles minuscules ou parfois une seule maison est venue s'accrocher sur un bout de rocher. Les façades des villas au bord de l'eau revêtent des teintes jaunes ou ocres, contrastant avec le vert des pins ou des bouleaux, renforcé par la pureté du ciel. Il faudrait pouvoir habiter une de ces maisons et rester des heures durant à contempler le spectacle de la lumière sur la terrasse surplombant la pelouse descendant vers le rivage, le regard perdu vers le large et les îles dispersées comme des grains de riz jetés à la volée, absorber la sérénité de la vue, en faire des réserves pour soi, pour plus tard, pour les instants difficiles...
Tu t'es dis que ça devait être la clarté de la lumière qui rendait les yeux des filles aussi beaux, aussi lumineux, presque irréels. Accoudé à la rambarde du bateau durant le trajet de retour, tu te disais que tu pourrais disparaître ici. Ne pas rentrer, ne plus donner de nouvelles, laisser derrière cette vie parfois un peu terne. Rester ici pour continuer à te refléter dans le regard bleu acier des filles. Tu es revenu dîner au bord du lac Mälaren, la fille devant toi a un geste adorable pour glisser sa mèche de cheveux derrière son oreille, dévoilant le hâle rosé de ses joues. Les filles semblent sortir ensemble ici, par groupe de deux, trois ou quatre. Tu en croises souvent aux terrasses des cafés, des restaurants. Spectateur silencieux dans ta solitude, tu les regardes avec un sourire léger en écrivant ces mots. Les flammes des torches éclairant les tables dansent devant les eaux du lac et tu n'as pas envie de refermer cette parenthèse de quelques jours, malgré le manque de compagnie... étrangement, il te semble qu'ici la situation ne durerait pas...
Mardi 23 août
Du hublot de l'avion tu aperçois la mer Baltique, l'archipel et toutes les îles éparpillées... le retour est difficile... Tu as poussé tout à l'heure jusqu'à la colline de Vita Bergen et ses jardins ouvriers aux petites maisons en bois rouge et son parc en pente. Tu es revenu en longeant le quai où sont amarrés les gros paquebots avant d'aller prendre une glace au café en plein air, celui avec les chaises longues sur la pelouse, à l'entrée de la petite île de Skeppsholmen, l'île aux musées. La fille qui servait avait les plus jolis yeux du monde, d'un bleu clair strié de gris et irisé d'or, comme éclairé de l'intérieur. Tu es resté sans voix quelques instants, ton regard figé dans le sien. Elle a sourit de ton air ébahi en te demandant si tu voulais autre chose. Lui répondre "vous" eut été déplacé. Et toujours ces sourires désarmants... En arrivant par la vieille cité de Gamla Stan où se trouve le palais Royal, tu as vu un policier, un des rares aperçus, s'excusant auprès du taxi l'ayant klaxonné parce qu'il marchait au milieu de la petite rue pavée. Un détail insignifiant qui t'a fait sourire. Tu es resté un instant à rêvasser assis sur ta chaise longue face au soleil, l'esprit plus léger qu'à l'habitude, impression fugace, comme si quelque chose était mort et qu'on ne le regrettait pas... seul le temps dira ce qu'il en restera...
A défaut de tomber amoureux d'une jolie blonde aux yeux pâles, tu es tombé amoureux de cette ville magnifique. Cette ville sur l'eau où l'on croise les plus jolies filles de la terre. Après quelques jours tu commençais à prendre tes habitudes, à avoir tes endroits préférés. Tu aimerais revenir en hiver, quand le jour existe à peine, quand le froid transforme en glace les étendues d'eau. Tu as remonté la piste cyclable en contrebas de Kungsholms strand jusqu'à la marina avant d'aller rendre ton vélo, croisant cyclistes et joggeuses. Auparavant tu t'étais assis sur le quai près du Strömbron, pour regarder une dernière fois le doigt sortant de l'eau pointant le ciel et le visage affleurant la surface de l'eau à la limite de la noyade.
Assis au bar de l'aéroport, derrière les grandes vitres donnant sur les pistes au milieu des sapins, regardant les avions atterrir, tu avais cette chanson de Dylan dans la tête, Well, if you're travelin' in the north country fair, Where the winds hit heavy on the borderline, Remember me to one who lives there. She once was a true love of mine... toutes et aucune à la fois... un peu tristement... il faudra revenir, tu pensais, il faudra revenir, pour vérifier que ce n'était pas un rêve... ou juste pour le continuer...
Sufjan Stevens : Illinois
Broadcast : Tender buttons
Wire : Chairs missing
The Brian Jonestown Massacre : Strung out in heaven
Diabologum : #3
Tindersticks : Curtains
Belle & Sebastian : Our favorite party songs (Utrecht 2004)
Nick Drake : Time of no reply
Velvet Underground : TOUT et +
Sonic Youth : Sonic Nurse
The Kinks : Face to face
The Clash : Sandinista !
Hood : Cabled Linear Traction
Fugazi : The Argument
Stereolab : Mars audiac quintet
The Posies : Amazing disgrace
Bob Dylan : John Wesley Harding
Pavement : Brighten the corners
The National : Alligator
J.L Murat : Lilith
The Pastels : Mobile Safari
My Bloody Valentine : Loveless