Une heure de plus de décalage avec le changement d'heure. Comme si Bodh Gaya s'éloignait encore un peu plus. Tu gouttes le vent qui porte ses pensées. Et puis le vent s'arrête net. Trop vite. Il reste un dimanche inutile. Le dimanche c'est souvent inutile. Dans cette atmosphère grise, un peu cotonneuse, pas désagréable mais un peu soporifique. Parfois tu regardes derrière tes vitres le spectacle du rien immobile et figé. Comme si les champs du possible, déjà flous, s'évanouissaient dans les brumes. Avec du talent, tu tenterais de capturer l'essence de ce climat d'ennui latent flottant doucement dans l'air. La nuit est déjà tombée. Avec ces silences parfois effrayants. Tu voudrais déjà trouver le sommeil.
Idéaliste comme tu l'es. Tu rêves toujours de ça. Etre un cerf-volant. Voler. Au-dessus de tout. En harmonie. A deux. Parce que seul... Sans contrainte. Libre comme l'air, comme le vent. "Oh what a contrast ". Et puis on oublie trop souvent que libre on ne l'est pas. Il faut toujours, toujours, qu'il y ait cette foutue ficelle qui retienne au sol. Ces foutues ficelles qui finissent toujours par s'emmêler. "When our kite lines first crossed, We tied them into knots ". Sans que tu comprennes pourquoi. Sans que personne ne comprenne pourquoi. A quel moment de notre existence on commence à ne plus comprendre ce qui passe? Pourtant, enfant, tout est simple. Et puis, à un moment donné. Tout se complique. Tout devient terrifiant. Insurmontable. Les relations avec les autres. Les relations sentimentales. Surtout. Qu'est-ce qui a tout fait basculer? A quel moment? "Since then it's been a book you read in reverse, So you understand less as the pages turn". Et on passe le reste de sa vie à essayer de démêler les noeuds. "We tied them into knots, And to finally fly apart, We had to cut them off." Pour finalement s'écraser. Là. Lamentablement. Peut être que tu n'as pas appris à voler. Tout simplement. Peut être qu'il suffirait que l'on te tienne la main. Aussi. Peut être... "Two loose kites falling from the sky, Drawn to the ground and an end to flight"
Tu y as pensé trop tard. Trop lent comme souvent. Elle était déjà partie. Mais tu aurais du écrire une lettre avec à l'intérieur, couché sur le papier, tout ce que tu n'aimes pas en toi. Tous ces défauts, ces comportements dont tu voudrais te débarasser. Tu aurais mis également tes angoisses imbéciles. Tu aurais écrit tout cela. Noir sur blanc. Puis tu aurais soigneusement fermé l'enveloppe. Tu lui aurais demandé, lorsqu'elle serait à Bénares, de bruler la lettre sur le Gange. Elle l'aurait allumée avec la petite bougie flottante qu'elle a posée sur le fleuve hier soir. Un symbolisme de pacotille. Cela n'aurait probablement pas changé grand chose. Mais tu trouves l'idée belle. Comme dit Le petit prince, "C'est véritablement utile puisque c'est joli".
Un jour elle t'a écrit : "La division de la joie. Parce qu'entière, c'est un peu trop..." Tu dis un jour comme si cela te paraissait loin mais non. Tu t'étonnes toujours de la manière dont tu perçois le temps. A 20 ans, seulement penser qu'un jour tu en puisses en avoir 40 te paraissait tellement loin dans le temps que cela te semblait inimaginable. Maintenant tu te dis que ces vingt années ont passé diablement trop vite. En allant chercher ta fille ce matin chez ta mère, qui habite toujours l'immeuble du grand-père, même si le café a été transformé en appartement depuis bien longtemps, tu regardais ces rues de banlieue plutôt sinistres où tu as grandis. Tu t'es dit que tu devrais faire à pied le chemin menant à l'école primaire, celui que tu parcourais quatre fois par jour. Afin de voir si des souvenirs remontent à la surface. Tu te dis que peut être, un jour, ta fille aimera lire tes souvenirs d'enfance. L'idée germait en toi depuis quelques temps. Tu viens de lui trouver un but. Alors tu vas essayer de les écrire... un jour...
"Oh how I realised how I wanted time, Put into perspective - tried so hard to find, Just for one moment I thought I'd found my way, Destiny unfolded - I watched it slip away"
Il semble qu'exceptionnellement tes démons se soient assoupis. Pas totalement. Un peu. Assez pour respirer. Tes doutes, tes inquiétudes semblent s'apaiser, te laisser un peu en paix. Du coup cela t'inquiète. Paradoxe. Tu trembles. Tu n'aimes pas être confiant. Ca ne te réussis pas. Comme si tes doutes te protégeaient. Encore une illusion. Souvent la déception a été forte derrière. Mais pour une fois, tu aimerais tellement te tromper...
"Everybody knows that, I only have myself to blame, Everybody knows that, softly softly wins the game, Trust, I'll try to learn again..."
"Waldo Jeffers had reached his limit". Enfant, tu as toujours aimé les cartons pour jouer. Pas les petites boîtes. Non. Les gros cartons dans lesquels tu pouvais entrer complètement. Il faut dire que c'était facile pour toi d'en disposer. Tes grands-parents tenaient un café épicerie, au rez-de-chaussée de la maison où tu habitais. Le café s'appelait le 421. Un de ces cafés à l'ancienne, avec un grand comptoir en zinc et formica rouge. "But lately, Waldo had begun to worry. He had trouble sleeping at night, and when he did, he had horrible dreams." Il y avait aussi des banquettes rouges. Tu te souviens que l'on sentait les ressorts sous les fesses lorsque l'on s'asseyait dessus. De merveilleux trampolines pour un gamin, mais cette activité suscitait systématiquement l'ire de ton grand-père paternel qui était loin d'être un comique. "Daytime fantasies of sexual abandon permeated his thoughts". L'épicerie était le domaine de ta grand-mère. C'est là où tu trouvais tous tes cartons. Tu les transformais en voiture, en maison, en camion. Ton imagination n'avait pas de limite. "The idea came to him on the Thursday". Tu t'asseyais souvent dedans, avec tes mains, tu les faisais glisser sur les tomettes rouges et blanches du sol de l'épicerie, les transformant en voiture. Tu dessinais les phares, découpais parfois le pare-brise. "It was absurdly simple. He would ship himself, parcel post special delivery." Parfois tu allais mettre un carton sous les tables rouges du café. Cela devenait ta maison. Tu t'enfermais complètement à l'intérieur. Les habitués du café jouaient avec toi entre deux verres de rouge ou de ricard. "Marsha Bronson had just finished setting her hair." Ca ne plaisait pas trop au grand-père. Alors tu attendais les moments où il partait conduire son bus parce qu'il était chauffeur à la RATP en même temps. Il conduisait le 104 entre Alfortville et Charenton. Le dimanche après-midi et le lundi, il allait construire son pavillon avec des clients du café qui lui donnaient un coup de main. "My god, he was like an octopus, hands all over the place!" Tout ça le fatiguait terriblement et le mettait de sale humeur s'il te voyait avec un de tes foutus cartons à trainer dans le café. "It was at this point that Mr. Jameson, of the Clarence Darrow Post Office, rang the doorbell." Et puis ils ont pris leur retraite en 1969. Pour toi, le terrain de jeu a fermé ses portes. Plus de cartons. Tu allais voir tes grand-parents dans leur pavillon trop grand qui te faisait un peu peur. Dans le grand sous-sol où tu jouais il n'y avait pas de cartons. "Inside the package, Waldo quivered with excitement". Petit à petit le grand-père est devenu indifférent. En 1971 il est mort subitement. Il n'aura jamais profité de sa maison qui l'avait tant fait rêver mais qui l'aura tué. "Ahh, God, It's from Waldo! That schmuck, said Sheila." Des années plus tard, tu as lu L'homme-boîte de Kobo Abe. L'histoire de cet homme qui décide de vivre enfermé dans une boîte en carton. Cette histoire ne pouvait que te parler, toi qui avait trouvé refuge si souvent à l'intérieur de ces grosses boîtes marron. "My god you need a power drill to get this thing open". Parfois tu te dis que tu devrais retrouver la sérénité de ces abris dérisoires et oublier les tracas quotidiens en allant t'enfermer quelques heures dans une grosse boîte en carton. "Inside the package, Waldo was so transfixed with excitement." Voire même ne plus en sortir...
"Sheila stood quite upright and walked around to the other side of the package. Then she sank down to her knees, grasped the cutter by both handles, took a deep breath, and plunged the long blade through the middle of the package, through the masking tape, through the cardboard, through the cushioning, and right through the center of Waldo Jeffers' head which split slightly and caused little rhythmic arcs of red to pulsate gently in the morning sun."
On voit sur les bus actuellement, du moins chez toi, une publicité pour un marchand de lunettes dont tu as oublié le nom, avec trois filles. Il y en a une qui a presque les même lunettes qu'elle. Elle est jolie. Elle lui ressemble. Ce matin, tu es resté un peu à rouler à coté du bus. Juste pour regarder cette affiche. Tu pensais à elle, avec ses lunettes, le matin dans l'appartement... En attendant tu lances des mots dans le vide. Il te manque la corde d'argent de T. Lobsang Rampa...
"Qui était-elle? Une femme de lait-de-lune? [...] Je la voyais dans le mouvement de la main d'une femme au magasin Félix Potin, dans la hanche d'une femme qui contemplait le Luxe, calme et volupté de Matisse. A La Palette, rue de Seine, elle apparut dans une paire de lèvres. Insupportable, le monde était insupportable." Göran Tunström : Le buveur de lune
Ca te prend toujours par suprise. Ces bouffées d'angoisse. Un combat quotidien. Pour ces trois lettres entre espoir et désespoir. Un combat contre ces tiraillements. Et ça fait mal à l'intérieur. Entre doute et semblant de confiance. Sans trop y croire. Et pourtant, pourtant, ce que tu veux y croire...
Hier soir, avant de dormir, dans les flots de pensées étranges que tu as dans ces instants là, tu t'es dit que dorénavant, tu allais afficher des messages ou des phrases sur le mur de ton bureau. Derrière toi. Pour que les visiteurs puissent les lire pendant que tu examineras leur visage, pour voir leurs réactions. Ce matin, tu voulais afficher : "Aujourd'hui je vais chercher un caillou". C'est ce que tu voulais faire. Trouver un beau caillou, ou un petit galet. Tu voulais aller chercher ça ce midi sur les bords de Marne. Un caillou bien lisse. Pour le serrer dans ta main. Pour caresser ses courbes, sa texture. A cause d'un passage du Buveur de Lune. Et de son petit galet à elle, sur sa table de nuit. Tu voulais inscrire ta phrase sur une feuille blanche, A4, en essayant de dessiner les lettres et de les noircir. Tu n'as pas eu le temps. Ni de faire l'affiche, ni d'aller chercher ton caillou. Tu le feras demain. Curieux de voir la tête et la réaction des personnes passant dans ton bureau. Voir s'ils vont remarquer ton message. Voir ensuite l'évolution de leur attitude, s'ils vont te poser des questions, ou t'en parler. Tu vas passer un peu plus pour un original, voire un fou. Fou tu l'es de plus en plus très probablement mais peu importe. Tu changeras la phrase au gré de tes humeurs. Peut être que certains ou certaines passeront voir tous les jours si le message a changé. Peut être raconteras-tu des petites histoires, ou tu inscriras des phrases bancales, des désirs, des rêves, des citations... juste pour, avec quelques mots en noir et blanc, mettre un peu de couleurs dans ce quotidien triste et éventuellement quelques sourires sur les visages, même à tes dépens...
"Mais pourquoi? Ce que Père voulait seulement dire, c'est la seule chose que l'on ne peut pas dire à l'autre : "Aime-moi !" " Göran Tunström : Le buveur de lune
Tu ne t'habitues pas à ce vide... tu as besoin de balises, besoin d'être rassuré, d'où vient ce sentiment, profond, lointain, complètement ancré en toi, terriblement ancré en toi, un sentiment comme une maladie, comme un handicap relationnel. Tu es prédestiné à la difficulté. Cette absence... c'est étonnant l'absence comme c'est fait de contrastes saisissants. Des froids polaires à tomber en morceau et l'instant suivant, des chaleurs tropicales étouffantes. Avec tes certitudes qui n'en sont que renforcées. Ces sentiments qui s'attachent à toi comme un bateau s'arrime au quai. Des amarres qui grossissent. Avec certains soirs le coeur qui grince, comme deux tôles rouillées pressées l'une contre l'autre. Chanderi a l'air si lointain. Il y a ce vide qui t'aspire parfois, qui t'aspire, t'aspire... un espace temps indécis... des pensées balayées par une tempête... l'absence c'est ne pas pouvoir partager tes certitudes. Et ce livre, incroyablement poétique, laissé comme une bouée à laquelle s'accrocher. La surprise, ces trésors découverts petit à petit, cachés ça et là... alors l'absence qui prend encore en peu plus de place... mais ces bonheurs comme des nectars... tout s'embrouille dans ton esprit et au travail le bruit incessant des perceuse qui vrillent les dalles de béton et tes nerfs tendus par le manque de sommeil et tu ne sais plus écrire ou il n'y a plus rien à dire de toute manière. Juste être ailleurs. Tout ça ne veut rien dire. "Chanson, Toi qui ne veux rien dire, Toi qui me parles d'elle, Et toi qui me dis tout"
"- Ca ne va pas être facile. - Aimer ce qui est déjà beau est un art facile. Exiger de la pierre une seule goutte de lait est autrement plus compliqué." Göran Tunström : Le buveur de lune
Tu avais oublié. Comme la vie est moins intéressante. Sans elle. Les volutes du dimanche se désagrègent lentement comme des lambeaux d'étoffes moisies. Tom Waits sur la platine, sans fin. Tu as froid. Un dimanche où l'on entend le silence derrière la fenêtre. Il y a des instants où le monde semble s'estomper sous ton regard. Des silhouettes semblent continuer à se mouvoir. Des sons semblent encore te parvenir. Mais un voile flou s'interpose entre ton regard et la réalité quotidienne. Tu voudrais donner à tes mots une forme différente. Leur donner un sens qu'ils n'ont pas.
Il est 23h45 à Delhi. Elle est à l'hôtel. Tu viens d'entendre sa voix. Miracle de la technologie moderne. Tu danses dans l'appartement, miracle de sa voix...
Le temps aujourd'hui a joué sur l'ombre et la lumière. Les lumières de la ville ce matin semblaient se dissoudre dans les flaques d'eau et la pluie qui tombait comme sous la douche. Au feu rouge, sous la pluie incessante, tu regardais le paysage se brouiller sous les gouttes s'écrasant sur le pare-brise. Tu avais arrêté les essuie-glaces, comme pour ne pas voir la réalité du monde, comme pour le regarder fondre sous tes yeux naïfs, sous la pluie, comme un morceau de sucre dans une tasse de café. Dans sa cuisine, elle a affiché une petite citation qui dit : " Chaque jour on pense qu'on va devoir se battre contre l'humanité entière, alors qu'en fait, personne ne sait qu'on existe.". Ce soir elle dit "Tout son sens ici".
Tu as de la compassion pour tes doutes. Tu les nourris comme on recueille un animal blessé. Ils vont bien se porter durant ces trois semaines. Durant les trois semaines de son absence. Tu voudrais pouvoir te coucher et dormir durant tout ce temps. Dormir et te réveiller à son retour. Uniquement. Pas avant. Pour ne pas sentir ces bêtes grouillantes s'agiter dans ton estomac, dans ton ventre. Dormir pour ne pas les alimenter. Juste l'attendre. Avec sérénité.
" Well I could sleep forever, but it's of her I dream. If I could sleep forever, I could forget about everything."
(Ecrit chez elle en commentaire, inspiré par ses pensées)
On ne fait que pleurer… et pendant ce temps là on sacrifie sur l'autel de la société de consommation américaine aseptisée, dans ces rues de carton pâte… on ne fait que pleurer même si on ne sait pas pourquoi, si on ne sait pas sur quoi ou alors on pleure sur soi… on croit la voir dans une file d'attente, elle manque alors on croit la voir, on voudrait qu'elle soit là… on ne fait que pleurer sur ce monde, sur cette vie qui n'est pas ce que l'on rêvait lorsque l'on n'avait pas encore vingt ans, quand les désillusions dormaient encore au fond des poitrines… on ne fait que pleurer parce qu'on a peur, de soi, depuis longtemps, des autres aussi, ça on l'a appris avec le temps, on ne fait que pleurer parce qu'on a peur de ce qui pourrait arriver… et ce monde autour, le monde et les personnes, tout ce que l'on ne comprend pas, on se dit parfois, que l'on voudrait être comme eux, dans le moule, rien qui dépasse, rivés devant son poste de télé comme ultime vérité, on se dit qu'ils dorment bien après TF1, l'amour ne leur manque pas, on n'a pas l'impression, ils s'aiment eux-même c'est déjà ça … on ne fait que pleurer et on ne sait plus si on a la force de prendre le risque de pleurer encore… parfois on voudrait se cacher, ne plus voir, faire l'autruche, on se dit à quoi bon faire des enfants, quel monde leur laisse-t-on… on est une génération de névrosés, la première qui en a pris conscience… pourtant ses bras on les veux, on y est tellement bien mais on la fait pleurer… on dit nos rêves… parfois on se dit que derrière les gestes il y a les sentiments qu'on n'ose avouer, on n'ose y croire alors on ne fait que pleurer… on voudrait l'autre mais l'autre… alors on se dit dans le monde, toute cette misère, tous ces gens qui meurent alors qu'on pleure… on se dit qu'on n'a pas le droit, qu'on ne devrait pas, on ne se supporte pas, d'être comme ça…souvent on s'est demandé ce qu'on faisait là dans ce monde, qu'on n'avait pas demandé à y venir, surtout qu'on ne s'y débrouille pas bien dans ce monde, on se sent handicapé, perdu… on ne fait que pleurer, à quoi bon, les bras baissés, on ne fait que rêver… on ne fait peut être que pleurer sur les rêves qu'on n'a pas su réaliser…
"I know it all too well how to turn, how to run how to hide behind a bitter wall of blue But you die inside if you chose to hide So I guess instead I'll love you "
Il pleut. Tu es loin de la chaleur estivale de lundi dernier aux Bains des Pâquis, loin de son regard et de son sourire ce midi là. L'automne n'a pas de prise sur elle. Tu fais l'économie de tes mots. Ceux-ci sortiront en flot bien assez tôt dans quelques jours. L'absence attire le verbe et attise le désir. En attendant, pas mieux qu'Otis.
"I just can't sleep, when I lay down in my bed. The thougths of you babe, just linger in my head."
Une journée a juste attendre autre chose. Tu tombes sur ce récit de voyage en Inde, trop annonciateur d'absence prochaine. Jeux de cartes, peinture, lecture, écriture. Hier, des synchronismes étonnants comme souvent, des mots dans les airs comme des fils lancés au hasard qui ne ratent pas leur cible. Elle invente un néologisme délicieux pour cela. Le gris du dimanche délaie la journée dans une torpeur doucereuse. Des souvenirs épidermiques de dimanche dernier se bousculent parfois. Frissons chaleureux. Te bercer d'illusion pour faire glisser l'attente, le reste aussi. Parfois tu ne sais plus si tu dois respirer ou non.
Il a plu. Le café a un mauvais goût. Black Rebel Motorcycle Club dans la voiture. Le bonheur c'est quand tu veux. Tu ne sais pas si tu veux. Qui est tu? Bribes de conversations effondrées. Amours lointaines sans issues. Charme élastique. Besoin de peau, de chaleur. Relation à sens inique. Ses sourires ce matin. De ta vie elle pourrait être. Paradoxes. Contradictions. Hésitations. Bords du lac. Pensées hachées. Reculades exagérées. Faire l'amour tout le temps. Ne pas penser ni parler. Il faudrait des corps muets. Il ne restera rien derrière. Que des ruines effondrées. On cherchait dans nos vies esseulées l'illusion entretenue de la sérénité. La dernière femme d'un homme. L'aveu désespéré d'une impuissance à aimer, l'espoir inavoué d'une résurgence du passé. Laisser le temps filer. Entre ses cuisses t'oublier. Des mots durs, acérés. On arrive aux extrémités dont on s'écarte. Rassuré. Pour quelques heures encore, respirer. On cherchait dans nos vies esseulées l'illusion entretenue de la sérénité. Ceci n'est pas une histoire d'amour. Ceci n'est pas une histoire d'amour…
"Fasse courir ma bouche le long de votre cuisse, puis remonte vers le centre, écarte votre slip, pour laisser apparaître vos deux lèvres rosées, que j'aspire tour à tour, il est bon d'alterner. Puis me rue par la suite sur votre clitoris, l'absorbe tout entier en un geste et inspire, vidant l'air qui l'entoure pour le décalotter, le frictionnant du bout de ma langue contractée. Puis, me lèche le doigt, décrivant quelques cercles sur votre anus envieux de ces préliminaires. Et quand se font sentir les premiers gémissements, quand vos hanches frémissent de tous ces mouvements, je dégaine mon vît et l'enfourne sans mal, avant que ne s'achèvent ces secousses brutales, puis, vous saisis le crin d'un baiser langoureux, sous lequel vous geignez, au tempo de ma queue…"
C'est certain. Tu partirais bien. Là. Tout de suite. N'importe où. Mais partir. Laisser ce quotidien qui mine, qui ronge. C'est certain tu partirais bien. La route vers le soleil. Vers le vent. Vers l'espace. Partir oui partir, là, tout de suite. Le regard droit devant sur le ruban de bitume, vers l'horizon bleuté. Partir là tout de suite, partir. N'importe où vers le sud. N'importe où mais avec elle. Elle avait dit, au début, "partir oui, mais sans qui?".
"Along the way tears drown in the wake of delight"
Il fait terne. Triste et gris. Tu lui as laissé le soleil pour qu'elle ne soit pas triste. L'impression de ne plus être entier. D'avoir laissé un bout de toi là-bas, avec elle. Le regret d'en avoir laissé un bout seulement. Le froid de l'absence te glaçait les os ce matin au réveil. Tu as tourné en rond, ne sachant plus que faire, perdant tes gestes matinaux habituels.
Il y a tous ces moments privilégiés sur lesquels tu ne mettras pas de mots, ces images, ces sensations, qui défilent devant tes yeux, faisant écran à la banalité de cette journée grise et solitaire. Tous ces moments forts, avec ces mots, ces gestes s'imprégnant dans la chair et dans l'âme, ces gestes forts comme des mots. Ou bien l'inverse. Tous ces moments faisant que le souvenir des courses de samedi midi semble dater de plusieurs semaines. Dans ton esprit, l'image persistante du volet entrouvert laissant passer les rayons du soleil dessinant des motifs géométriques et colorés sur ses rideaux oranges. Des motifs plus ou moins marqués suivant l'intensité de la lumière, comme tes caresses sur sa peau. Et ces instants inespérés, imprévus, arrachés au quotidien, ces heures non creuses pour reprendre ses mots.
Par la fenêtre, tout à l'heure, tu as vu une mouette se poser sur le haut d'un lampadaire et rester là quelques instants, comme désemparée devant cet environnement urbain déprimant. De là-bas elle t'envoie des sourires comme un souffle chaud pour disperser tes nuages alors tu fermes les yeux pour ne plus voir son absence.
Dresden Dolls : Dresden Dolls
Andrew Bird : The Mysterious Production Of Eggs
The Arcade Fire : Funeral
Rufus Wainwright : Want two
Nirvana : When the lights out
Eels : Blinking lights and other revelations
Beck : Guero
I am Kloot : Gods and monsters
The Smiths : The world won't listen
Hood : Outside closer
V.a : Golden apples of the sun
Jude : Sarah
Antony and the Johnsons : I'm a bird now
Black heart procession : 2
Lou Reed - John Cale : Songs for Drella
Pinback : Summer in abadon
Blonde Redhead : Melody of certain damaged lemons
Joy Division : Closer
Otis Redding : The definitive Otis