Kill Me Again (Kill me Sarah, Kill me AGAIN with love...)
(Chroniques égocentriques : The Soundtrack Of Your Life)
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lundi, juin 16, 2003

Hier tu as lu le dernier livre de Laurent Chalumeau, Moi & "Bobby McGee. On est loin ici des belles lettres mais ce livre est un grand moment de plaisir. La particularité du livre est d'être construit sur une seule chose, la chanson Me & Bobby McGee de Kris Kristofferson, ce grand classique de la musique américaine, plus connu en france au travers de la version de Janis Joplin. Chalumeau décortique chaque vers de la chanson, revient sur son histoire, truffe son récit d'anecdotes, de digressions, et surfe, souvent sans complaisance, sur le mythe américain de la fin des années soixante. 150 pages pour décortiquer dans la langue de Michel Audiard les deux strophes et le couplet de cette chanson et une partie de l'histoire américaine en prime.

Busted flat in Baton Rouge
Donc, en français, "sans un rond à Baton Rouge". Bateune Ruuuge, comme il prononce ça. Cinq mots et déjà, tant de choses sont dites. "Busted flat" autrement dit, vraiment plus une thune. Ça situe déjà celui qui parle, sa situation économique et, avant même qu'il y vienne, son humeur - il y a de la lassitude "expirée", comme des h qui alourdiraient le coeur[...]
[...] Mais ce n'est pas tout, car ma foi, où se trouve-t-on donc ainsi soudain impécunieux ? Pas à Mégara, faubourg de Carthage dans les jardins d'Hamilcar. Non. Mais à Baton Rouge, Louisiana.
[...] Bateune ruuuge. Le dire, l'entendre, comme dirait le prospectus, c'est déjà un voyage. Evidemment, quand on y va, rien à voir. Mais alors, rien du tout. En revanche, quand on y va, on vérifie que ça convient très bien à ce début de chanson. Le genre de bled où t'as aucune raison de prendre racine. Surtout si t'as plus un radis ! Et d'ailleurs, busted flat in bateune ruuuge...

Waitin' for a train
Donc sans une thune à Baton Rouge. "A attendre le train". A l'exception possible (et encore!) d'un quai de RER C sur le coup de 6 heures du soir ou du TER qui dessert d'ex-"villes nouvelles" devenues depuis "quartiers sensibles", quelque chose d'immanquablement romanesque, parfois de tragique, va toujours s'accrocher à un train qu'on attend et à l'attente qu'on en a. Une possibilité d'évasion. Une promesse de retour. D'autres fois, séparation atroce, un départ qui mutile, le destin qui embouche son sifflet et glapit "en voiture!". Une angoisse d'exilé, pour ne pas se rappeler pire qui nous gâcherait l'ambiance. Alors, évidemment, en attendant un train, la couleur de l'attente variera avec le nom de la gare. Baton Rouge, Louisiana, ou le quai n° 1, Voie B, de Rancy-sur-Yvette, on se doute bien, ça n'aura rien à voir.
Là, c'est une gare du Sud, donc. On est en 1969. Les toilettes, par exemple, n'ont été unifiées, "intégrées", que très récemment. Et par une loi "fédérale", mais dans la pratique, même s'ils ne sont plus là, chacun sait lire encore les écriteaux "White" et "Colored" décrochés à regret par le chef de gare cocu. Il fait chaud. Il fait lourd. Nous sommes sous un climat subtropical. Les voyageurs blancs sont au frais à l'intérieur. Les "Colored" se contentent de l'auvent, sur le quai.[...]

Bobby thumbed a diesel down Just before it rained
Autrement dit, "Bobby fit du pouce à un poids lourd juste avant la pluie". Or la pluie, en Louisiane, ils font ça sérieusement. Un peu la "Rainy Night In Georgia" de Tony Jce White, en fait, même si là on est de jour : "feels like it's rainin' all over the world" . Je corrobore. Des chutes de hallebardes qui te donnent l'impression d'un déluge général : la mousson planétaire, la fin du monde, le "châtiment" ! - qu'au même moment il pleut partout sur la terre. Ça se calme vite, mais le peu que ça dure, tu le sens passer. [...] Notons donc la férocité des précipitations. Et l'économie de moyens de la langue anglaise. Pour dire "Bobby leva le pouce et un camion s'arrêta" - ou plus exactement encore, "d'un mouvement du pouce" (un peu comme un empereur romain au Cirque), "Bobby fit stopper un camion" (car, en même temps que le mouvement, la postposition "down" exprime bien ce côté impératif), il suffit à l'anglais de dire : "Bobby thumbed a diesel down..." grâce au verbe "to thumb down" créé pour l'occasion et - Nénesse, s'il te plaît, tu rajoutes une métonymie sur ma note - au semi-remorque réduit au carburant qu'on met dedans. C'est du sens compressé comme un budget de premier long métrage. Mais surtout, dès le troisième vers, on prend un cours de langue vivante. Un bain d'accent tonique et de "parler" typique. C'est dit "avé l'assang".
"Bobby thumbed a diesel down." "A dizôl dahoune". Enfilade de d, cette fois, t'as l'impression que c'est un seul mot, prononcé bouche tordue, bien grasseyant, comme une giclée de sauce sur le devant de ta chemise. Et qu'est-ce qu'elle a "thumbé", Bobby ? Hm? Un "dizôle dahoune", voilà quoi! "Dizôle dahoune", c'est un peu comme "Bateune Ruuuge". C'est rigolo à mâchonner. Ça roule sur et sous la langue. Ça remplit la bouche. Ça place spontanément la voix une demi-octave plus bas. Tout de suite, ça fait américain. C'est quoi ton nom, étranger ? Dizôle Dahoune ? Ah. Scuze-nous. Pouvais pas savoir. Tout de suite, les mecs ont compris qu'avec un nom comme ça, la façon que tu l'as diphtongué ("Dizôle Da-houne..." ), fallait pas te faire chier. Mais t'en as toujours un qu'insiste : et tu nous arrives d'où comme ça, Dizôle Dahoune, d'un pas si déterminé ? Bateune Ruuuge. Okay, là, c'est bon. Même le mariole s'écrase. Les mecs te foutent la paix. Dizôle Dahoune de Bateune Ruuuge, tu le laisses boire sa canette tranquille, tu vois ce que je veux dire. "

Laurent Chalumeau : Moi & "Bobby McGee"

Kill Me Sarah | 23:53 |


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